Björk “Homogenic”
(1997)
EN QUELQUES MOTS
Dans cet épisode on va vous parler de Björk Guðmundsdóttir [ˈpjœr̥k ˈkvʏðmʏntsˌtoʊhtɪr], notre islandaise préférée.
Bjork est un ovni — avec des couettes, des jupettes et des socquettes. Elle mélange l’avant-garde avec la pop et n’en fait qu’à sa tête !
En 1997, un troisième album va constituer un tournant radical dans sa carrière, qui la fera passer du spectaculaire au film d’auteur. C’est Homogenic, un disque introspectif marqué par des arrangements de cordes atmosphériques et des gros beats électroniques. Il contient quelques uns de ses plus grand titres comme “Joga”, “All is full of love” et bien sûr “Bachelorette”.
C’est un disque incontournable qui va donner naissance à une toute nouvelle grammaire islandaise, et inscrire durablement l’Islande dans les charts.
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Retour en 1997
Voilà pour les 10 titres de Homogenic. En tout cas pour la version que je tiens entre les mains parce que nos amis espagnols, eux, ont un titre en plus ; et comme d’hab les japonais peuvent se la raconter puisqu’ils ont carrément 16 titres sur la tracklist !
Il sort à la rentrée des classes le 22 septembre 1997 en Compact disque, Cassette, vinyle et MiniDisc sur le label anglais One Little Indian.
1997 c’est une année assez marquante musicalement il y a Fat of the Land de Prodigy, OK Computer de Radiohead et bien sûr Partir un jour, le premier album des 2 Be 3. Au cinéma on retrouve à l’affiche Roméo & Juliette, le Cinquième Élément et le premier opus de la trilogie Scream.
1997, c’est aussi l’assassinat de Notorious BIG et les débuts du tremplin Graines de Star sur M6. Moi en septembre 1997 je rentre en cinquième.
La story de Björk
Manu : Revenons maintenant sur l’histoire de Björk. Comment est-ce qu’on devient une artiste aussi reconnue mondialement, quand on vient d’Islande
Björk, de son vrai nom Björk Guðmundsdóttir (oui, cet épisode est un défi gutural. Je tiens d’ores et déjà à présenter mes plus plates excuses à nos amis Islandais) grandit en Islande donc, dans une communauté hippie. Dès l’âge de cinq ans, sa mère l’inscrit dans une école de musique où elle apprend le piano et la flûte. Björk enregistre son premier album à l’âge de 11 ans avec l’aide de son oncle, durant l’été 1977. L’album, simplement intitulé Björk, est tiré à quelque 5 000 exemplaires, et devient disque d’or en Islande.
Je vous propose d’écouter Alfur Út Úr Hól reprise de Fool on the Hill des Beatles
INSERT — Fool on the hill
L’adolescence de Björk est marquée par une succession de groupes locaux. On retiendra principalement Tappi Tíkarrass (ce qui signifie tout simplement « Botte le cul des putes » en islandais) ou Spit and Snot où l’on peut la voir les sourcils entièrement rasés.
En 1987, elle fonde Sykurmolarnir. Repéré par le label anglais One Little Indian, le groupe sera renommé The Sugarcubes et va vite devenir le groupe islandais le plus célèbre au monde à l’époque. Ce petit groupe de punks artistes et poètes va très vite devenir populaire partout en Europe et aux USA.
En France, le mensuel rock Best dira que “leur rock [fait] souffler une incomparable fraîcheur d’alcool de menthe sur nos sens blasés, par la monotonie d’une production techno-uniforme et sans surprise ».
Le groupe finit par se séparer, en plein succès, en 1992, lassés par la pression médiatique.
Manu : On est donc en 1993 et Björk démarre une carrière solo.
Olivia : Tout à fait, elle part s’installer à Londres pour y enregistrer son premier album, Debut. À partir de là, les albums se suivent et ne se ressemblent pas: il y aura Post en 1995 qui rencontre un succès considérable, notamment grâce à la reprise du titre de Betty Hutton It’s Oh So Quiet que l’on a tous en tête :
INSERT — It’s oh so quiet
Puis en 1997, c’est Homogenic, l’album dont on va évidemment parler plus longuement aujourd’hui. Si on aimait la facilité, on dirait qu’il s’agit de l’album de la maturité. En tout cas, c’est un tournant dans sa carrière : L’image renvoyée par cet album est très différente de celle des précédents. Si Debut montrait une jeune fille timide, Post dévoilait une adolescente pop et excentrique. Homogenic montre une femme qui assume ses contradictions et renoue avec ses origines.
On y retrouve cette dualité sentimentale qui existait déjà dans Post, entre amour et colère. Cette dualité se veut aussi évocatrice des paysages de l’Islande. Les sons et les rythmes évoquent les éruptions des volcans et les geysers. L’Islande, entre conformisme et moderniste, est le fil rouge de l’album. Elle symbolise ces contrastes entre une rythmique « sale » et distordue et des arrangements de cordes épiques et mélodramatiques.
C’est ce qui se ressent par exemple dans la chanson Jóga, composée d’une douce mélodie jouée aux violons, à laquelle s’ajoutent des beats lourds et violents.
INSERT — Joga
Björk dit que pour Homogenic, elle n’a gardé que les trois bruits essentiels, les trois bruits qui existent depuis la nuit des temps : la respiration, le cœur qui bat et les nerfs qui frémissent.
Et puis, un événement va venir bousculer radicalement la préparation de ce disque.
Greg vous en parlera plus longuement mais Björk commence à travailler sur ce nouvel album chez elle à Londres.
Manu : Mais elle va être bouleversée par un événement qui se passe juste devant sa porte…
Olivia : Absolument ! Et c’est même tragique : Le 12 septembre 1996, Ricardo López, un fan fou, envoie un colis piégé d’acide sulfurique chez elle à Londres, puis rentre chez lui pour se donner la mort d’une balle dans la tête.
Le paquet est heureusement intercepté par la police avant d’exploser. Ricardo López laisse un film qu’il a réalisé lors du processus de création de la bombe : les dix-huit premières heures de la vidéo exposent son obsession pour Björk, la construction du dispositif, ses idées sur l’amour et d’autres sujets.
Dans ses rares commentaires publics sur cet événement, Björk dira plus tard que ce fut une épreuve très difficile qui a complètement bouleversé sa vie. Selon elle, cela explique son départ de Londres et surtout son besoin de rejeter son image de fille « mignonne ». Elle commence à écrire de façon plus personnelle. Et pour cela, elle part s’installer en Espagne, où elle enregistre la suite d’Homogenic.
Lorsque paraît l’album en septembre 1997, Björk atteint une notoriété bien plus importante que celle de son ancien groupe The Sugarcubes. La critique voit en Homogenic un album important et surprenant, un tournant dans la carrière de la chanteuse, lui reconnaissant une certaine audace, une véritable intensité dramatique. Sa sincérité et sa cohérence musicale sont saluées.
Certains, en revanche, sont totalement déstabilisés et déçus: jusque-là reine des dancefloors, Homogenic prend un tournant plus spirituel. Certains critiques soulignent le manque de mélodies accessibles et de tubes potentiels et se demandent s’il ne s’agit du disque qui marquera la rupture de Björk avec son public.
Bon, il semblerait que ceux-là se soient un peu plantés car pour beaucoup de fans, Homogenic reste aujourd’hui encore son meilleur album. Et elle en vendra plus de cinq millions d’exemplaires.
Quoi qu’il en soit, c’est l’album qui va marquer le début de l’histoire d’amour entre Bjork et la France. Homogenic va lui donner le statut de chanteuse branchée, arty, un peu underground. Le disque reçoit un accueil public qui dépasse le succès des deux précédents albums. Les singles Jóga et surtout Bachelorette, tous deux portés par des clips de Michel Gondry, font rapidement partie des morceaux de Björk les plus diffusés en radio. Bachelorette reste d’ailleurs son single le plus vendu chez nous.
Le making-of de "Homogenic"
MANU / Alors toi Greg comme d’hab’ tu t’es intéressé à la création de cet album aux sonorités bien islandaises mais enregistré dans le sud de l’Espagne !
Oui c’est l’une des bizarreries de cet album dans lequel Bjork voulait en effet retranscrire la beauté et l’âpreté de son île natale.
A l’origine, l’enregistrement devait se faire à Londres où Bjork vit à cette époque sauf que l’épisode du fan qui se fait exploser n’est pas vraiment propice au calme et à la concentration, les tabloïds et les paparazzis ne cessent de la traquer et la jeune femme veut alors prendre ses distances avec cette attention médiatique.
Ça tombe bien, l’un de ses collaborateurs, le batteur vétéran Trevor Morais lui propose d’aller enregistrer au calme dans sa splendide villa du sud de l’Espagne perchée sur des collines verdoyantes avec vue sur la mer, à deux pas des côtes africaines, un studio maison connu sous le nom d’El Cortijo Studios.
Sur place, Bjork prend une heure tous les matins pour aller se promener sur la plage, le reste de la journée, elle bidouille avec tout le matériel qu’elle a fait venir de Londres.
Manu/ Oui d’ailleurs Bjork signe la totalité des compositions de l’album, malgré tout en studio c’est un travail d’équipe avec non pas 1 producteur mais plusieurs
Oui c’est l’un des spécificités d’Homogenic, Bjork renonce à faire appel à Nellee Hooper qui a produit ses deux premiers opus, selon la chanteuse, elles ont fini de surprendre l’une et l’autre.
Björk va donc s’entourer d’anciens collaborateurs avec qui elle a aimé travaillé : ils s’appellent Markus Dravs, Guy Sigworth ou encore Howie Bernstein dit Howie B. et surtout Mark Bell du groupe culte de musique électro venu de Sheffield, LFO qu’elle cite souvent comme une influence majeure au même titre que Stockhausen, Kraftwerk ou encore Brian Eno.
ET le saviez-vous mais un groupe mythique de hip-hop aurait pu collaborer à Homogenic, quelqu’un c’est qui c’est ? Je vous le donne en mille, il s’agit du Wu Tang Clan, Bjork est archi fan mais bon problème d’agenda, ils n’ont pas pu venir en Espagne. Bjork finira par aller les voir à New York, période pendant laquelle ils vont écrire quelques morceaux ensemble. Fin de la parenthèse.
Même si le Wu Tang n’est pas là, vous l’avez compris, Bjork s’entoure de sa famille musicale, des pionniers de l’électro et du trip hop qui vont travailler sur la texture des rythmes volcaniques d’Homogenic : Bjork en parle dans un documentaire consacré à l’album, écoutez, c’est Fanny qui nous fait la traduction en direct :
INSERT — BOB Bjork
BOB Bjork 37’09 à 30 puis 40’15
“J’ai fait le choix conscient de créer pour cet album des rythmes très simples, presque naïfs, mais aussi très naturels et explosifs, comme s’il étaient en train d’être créés, ce qui pour moi représente bien l’Islande
Pour cet album, nous avons constitué une bibliothèque de
sons et de bruits pendant presque 1 an. Je suis toujours frappé quand les gens disent que la musique électro n’a pas d’âme. Ils s’en prennent à l’ordinateur en disant “tu n’as pas d’âme”. Mais s’il n’y a pas d’âme dans une musique c’est que le musicien n’en a pas mis, l’outil, lui n’y est pour rien.”
Manu/ En dehors de ces rythmes électroniques qui naviguent entre trip-hop et avant-garde, il y a aussi beaucoup de cordes dans Homogenic...
Oui en fait Bjork voulait 3 éléments dans cet album : la voix, des beats électro et des arrangements de cordes hyper romantiques et dramatiques. Le tout est censé traduire la beauté des paysages islandais et la puissance des forces telluriques qui anime ce territoire sauvage. D’ailleurs pour les parties cordes, Bjork a fait appel à un ensemble islandais, the Icelandic String Octet, je vous propose d’entendre ici un extrait d’une session studio du titre JOGA, toujours extrait de ce documentaire
INSERT — Joga (session)
Il faut savoir que Bjork a composé une grande partie des arrangements de cordes en les jouant sur un clavier Casio. Pour le reste, la chanteuse a enrôlé le grand Eumir Deodato, qui est un peu le Michel Legrand brésilien là encore quelqu’un qu’elle connaît. Eumir Deodato c’est un grand monsieur de la musique orchestrée qui a notamment travaillé avec Antonio Carlos Jobim ou encore Frank Sinatra avant de devenir un gros producteur de musique disco dans les 70’s. Vous le connaissez sans doute pour sa version funky de « Ainsi parlait Zarathoustra »
INSERT — Ainsi parlait Zarathoustra
Sur Homogenic, Eumir Deodato va notamment composer les cordes du morceau d’ouverture, « Hunter », une sorte de Boléro électro avec son rythme militaire et ses violons tragiques
INSERT — Hunter
Parmi les autres les titres marquants, on peut citer Bachelorette, écrit à l’origine pour la BO d’un film de Bertolucci, JOGA, quasiment un hymne national dédié à la puissance des éléments ou encore Unravel, titre dans lequel Bjork utilise un parlé-chanté typique des choeurs islandais.
MANU/ Au final, Homogenic, c’est un album hyper riche musicalement, plein de contradictions aussi…
Contradictoire comme l’est l’Islande explique souvent Bjork, pays à la nature indomptée avec ses volcans et ses tremblements de terre et en même temps pays ultra moderne qui à l’époque, en cette fin des années 90, possédait le plus grand nombre d’ordinateurs par habitants.
C’est vrai que Homogenic est construit sur des forces contraires : opposition entre sons acoustiques et électroniques, entre rythmes abstraits et mélodies organiques, entre pop et musique expérimentale.
C’est un album composite, baroque, sophistiqué et en même temps accessible qui restera sans doute comme l’un des très grands moments musicaux de cette décennie 90 au même titre qu’OK computer de Radiohead sorti la même année.
L'univers visuel de Björk
Manu : On va maintenant aborder l’univers visuel de Bjork avec toi Fanny ! Vu le personnage, tu as dû bien t’amuser !
Oui c’est clair que s’attaquer à Björk quand on s’y connait un peu en arts visuels, c’est un bon gros kiff. Je crois qu’on peut la placer d’emblée parmi les artistes les plus fascinants, inventifs et visionnaires de ces dernières décennies. Du niveau d’un David Bowie, dans un genre différent évidemment. D’ailleurs Björk est la seule musicienne contemporaine à avoir eu une exposition rétrospective de son travail au MoMA, le musée d’art moderne de New York, sans que la question de la légitimité d’une telle expo soit soulevée.
Elle trace des ponts avec la mode, avec la photographie et la vidéo comme personne. Les arts visuels ne servent pas juste à illustrer la promo d’un album, ils viennent compléter le propos de Bjork, ils font partie intégrante de sa proposition artistique. Il faut rappeler qu’en habitant à Londres, elle a été au contact d’une des générations d’artistes les plus dingues et talentueux du moment !
Manu : Chaque collaboration est une sorte d’émulation où chacun fait ressortir le meilleur de l’autre !
Exactement. Revenons sur la genèse de la pochette d’Homogenic, par exemple. On est en février 1997, Björk est en train de lire un magazine de mode assez pointu qui s’appelle Visionaire et dont la D.A. a été confiée au créateur de la marque Comme des Garçons. Dans ce magazine, elle tombe sur un portrait du mannequin Devon Aoki immortalisé par l’excellent photographe anglais Nick Knight dans une tenue d’Alexander McQueen. C’est le coup de foudre, c’est exactement ce qu’elle recherche pour son album. Du coup elle fait appel à eux deux, comme l’explique McQueen dans une interview :
« Elle m’a appelé et m’a décrit la tonalité générale de l’album. Elle a dit que c’était une période bleue dans sa vie, en référence aux événements traumatiques de l’année passée mais aussi aux œuvres mélancoliques et humanistes de Picasso dans sa période bleue. Picasso est né à Malaga, pas très loin d’El Cortijo (où Bjork a enregistré l’album). Elle voulait une image qui reflète la manière dont elle puise son inspiration dans plein d’endroits, plein de pays différents, tout en restant elle-même. »
Dans le documentaire Inside Bjork de la BBC, la chanteuse explique qu’à chaque opus, il y a un personnage principal qui vient incarner l’album tandis que les chansons sont comme des petits personnages, des petites histoires secondaires : le personnage de l’album ‘Debut’ par exemple, c’est une jeune novice polie et timide, le personnage de ‘Post’ c’est une fille de la campagne qui est consummée par sa vie en ville et le personnage sur la pochette de l’album ‘Homogenic’ c’est une vision fantasmée de la citoyenne cosmopolite que l’artiste est devenue au fil de ses voyages, du contraste que ça représente d’être vue comme l’islandaise de service dès qu’elle quitte son pays versus l’icône internationale dès qu’elle revient chez elle. C’est aussi une figure de guerrière, pour reprendre les termes de Bjork, une guerrière qui se bat non pas avec des armes mais avec de l’amour.
Pour symboliser ce melting pot, Nick Knight et Alexander McQueen vont aller piocher dans différentes cultures. McQueen créé sur mesure une impressionnante robe-kimono en soie, lors du shooting on affuble Bjork d’une coiffure d’inspiration coréenne, d’une manucure argentée américaine, de lentilles de contacts robotiques, d’un maquillage de geisha et d’un collier à spirales de cuivre inspiré de la culture padaung, les femmes-girafes de Birmanie.
Oli: J’ai lu qu’avec tout ça sur le dos Bjork ne pouvait plus bouger pendant le shooting, elle dit qu’elle a essayé de projeter tout son amour de guerrière à travers son regard.
Haha oui ! Je sais pas si c’est super réussi, j’ai jamais vu une guerrière sur cette pochette plus une mutante chelou qui ressemble à la reine Amidala de Star Wars ! L’image finale a un côté très froid, très bleu. Je pense que ça correspond parfaitement à ce que Bjork avait en tête au départ.
Manu : Alexander McQueen, si je me trompe pas, on va le retrouver encore au niveau des clips…
Oui, aussi étonnant que ça paraisse, pour ses clips Bjork fait aussi bien appel à des mega pointures du genre comme Spike Jonze ou Michel Gondry qu’à des graphistes, des photographes ou des designers de mode dont ça n’est pas du tout la spécialité. Pour l’album Homogenic, on recense 5 singles accompagnés de 5 vidéos : il faut absolument les voir car c’est toutes des merveilles. Les vidéos de Joga et Bachelorette sont réalisées par Gondry, celle de Hunter par Paul White, celle d’Alarm Call par Alexander McQueen et celle dont j’ai envie de vous parler un peu plus aujourd’hui : ‘All is Full of Love’ qui est signée Chris Cunningham.
INSERT — All is full of Love
Chris Cunningham, c’est un vidéaste plasticien, spécialisé dans les effets spéciaux qui a travaillé par exemple sur les films de la franchise Alien ou sur A.I. de Spielberg. En 1995, en parallèle à son boulot dans le cinéma il décide de réaliser des clips et va bosser pour Portishead, Placebo… Aphex Twin aussi beaucoup. Frozen, le seul clip et la seule chanson valables de Madonna aussi c’est lui !
Dès que Björk a terminé le morceau All is Full of Love, elle a su qu’elle voulait le faire mettre en image par Cunningham. Que ça se prêterait à son univers. Elle l’a pitché sur son intention artistique en lui disant que la chanson illustrait la rencontre de l’amour et de la luxure, dans une sorte de paradis sexuel où tout doit être blanc. Elle lui a donné des petites sculptures érotiques chinoises en ivoire comme base de travail. Quelques semaines plus tard, comme elle l’explique au Time Magazine, Cunningham lui a envoyé une proposition dans laquelle il pourrait explorer son obsession pour les robots. Une sorte de version futuriste du kama sutra à laquelle Bjork a évidemment adhéré.
Manu : Vas-y continue, tu m’intéresses !
La production du clip en lui-même a été beaucoup plus compliquée et longue que les 3 mois initialement prévus, au final il s’est passé quasiment une année durant laquelle Bjork a dû défendre bec et ongle la vision de Cunningham pour le protéger de l’impatience de sa maison de disque. Comme le budget n’était pas énorme, des dizaines de stagiaires non payés ont bossé d’arrache pied sur le projet.
Le tournage du décor et des scènes avec Bjork a eu lieu aux studios Bray et Greenford en Angleterre. La post-production a été assurée par le studio Glassworks de Londres. Tout du long avant de voir le travail des effets spéciaux, Cunningham pensait que la vidéo serait une catastrophe alors qu’au final c’est une énorme et troublante réussite ! On y voit deux robots humanoïdes prendre vie dans une salle des machines immaculée où des bras mécaniques sont en train de les assembler. Il y a un processus très organique, du liquide laiteux qui coule sur la machinerie, et puis rapidement dès que les 2 robots se voient, ils se pécho, s’embrassent, se caressent. Ça pourrait être un peu kinky sauf que les 2 robots ont la gueule de Björk donc on part directement dans des scénarios chelou genre : pourquoi se roule t-elle des pelles à elle-même ? Est-ce une référence au mythe de Narcisse ? Est-ce son fantasme à elle ou celui de Cunningham ? Est-ce que les robots ne vont pas finir comme Cloclo s’ils s’ébattent au milieu de tout ce lait qui coule ? Sont-ils waterproof ? Et d’abord ça ressemble à quoi un orgasme de robot ? Tant de questions, si peu de réponses. Le mystère Björk reste entier.
À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST
Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.
Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !
« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »
Manu, Fanny, Olivia et Grégoire
“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “