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Janet Jackson « The Velvet Rope »

(1997)

EN QUELQUES MOTS

Dans cet épisode on va vous parler de Janet Jackson, la petite sœur de Michael Jackson. Après 5 albums et une carrière parfaitement maîtrisée, Janet Jackson est une méga star en 1997. Elle vient de signer avec Virgin le plus gros contrat discographique de l’histoire quand débute la production de The Velvet Rope.

The Velvet Rope fait partie de ces rares blockbusters de l’ère MTV à être à la fois vraiment réussis et vraiment audacieux. Janet bouscule les codes du RnB et s’essaie à tous les styles… Il contient notamment les singles démentiels “Go Deep”, “Got ‘Til It’s Gone”, “I Get Lonely”, et bien sûr “Together Again” !

L’impact de cet album est énorme. Il est considéré à la fois comme le chef-d’œuvre de Janet et comme un classique : un classique non seulement du R&B, mais aussi de la pop en général. 25 ans plus tard, il continue d’inspirer des artistes comme Beyoncé, Janelle Monáe, Alicia Keys ou Christine and the Queens qui le citent comme influence.

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Retour en 1997

Voilà pour les 15 titres de The Velvet Rope. Alors il y en a 22 si on compte les interludes, 23 avec le titre caché et même 24 sur la version japonaise ! C’est un disque qui est super dense, il dure 78 minutes, on évite de justesse le double album 🙂 Il sort le 7 octobre 1997 en CD, Cassette, Vinyle et Minidisc chez Virgin, un label de groupe EMI.

Les 90s c’est carrément l’âge d’or du RnB au US. En 1997, The Velvet Rope débarque en tête de gondole chez votre disquaire préféré aux côtés de “Butterfly” de Mariah Carey, “Share my world” de Mary J. Blige, “My Way” de Usher et du premier album d’Erykah Badu qui pose les bases de la nu-soul.

En France, le RnB a longtemps été vu comme de la soupe pour midinettes. En 1997, le genre est incarné par Ophélie Winter, Teri Moïse ou les Poetic Lovers qu’on découvre dans une toute nouvelle émission : Graines de Star sur M6. On fait coucou à Lolo Boyer qu’on embrasse très fort.

Au cinéma on retrouve à l’affiche Roméo & Juliette, le Cinquième Élément et le premier opus de la trilogie Scream.

La story de Janet Jackson

Manu : Allez, on va maintenant remonter dans le temps avec toi Olivia et on va découvrir tous ensemble l’histoire de Janet, qui est la plus jeune sœur de la fratrie Jackson

En effet, mon cher Manu, Janet Damita Jo voit le jour le 16 mai 1966 à Gary, dans l’Indiana. Elle n’échappe pas aux grandes ambitions de son père, le très rigide Joseph « Joe » Jackson, également manager de ses 9 enfants. Janet fera de la musique comme les autres ! Et tant pis si, elle, elle aurait préféré devenir jockey…

C’est donc au côté de ses frères que Janet débute sur scène, à l’âge de 7 ans, en tant que choriste des Jackson Five, le célèbre groupe familial. Et le public américain la découvre un soir d’été 1976 dans The Jacksons, l’émission de variété qui leur est consacrée. Magneto !

Inserts — The Jacksons Variety Show, EP1

La musique n’est pas le premier choix de Janet Jackson, en fait elle démarre sa carrière en tant qu’actrice: on la retrouve dans quelques séries télé de l’époque, comme Arnold et Willy ou Fame. Mais hélas, ça ne décolle jamais vraiment pour elle. Du coup elle retourne à la musique. Enfin, à dire vrai, c’est surtout son père qui insiste lourdement pour qu’elle devienne chanteuse !

En 1982 paraît un premier album tout simplement appelé “Janet Jackson”. S’il ne fait pas totalement un flop, son succès reste assez mitigé.
On écoute un extrait de “Young love” son premier single :

insert — Young Love

Deux ans plus tard sort “Dream Street”, coproduit par son frère Marlon Jackson et par Monsieur Giorgio Moroder s’il vous plaît ! -qui par le passé avait travaillé avec Donna Summer et Blondie. Les ventes, là encore, ne sont pas terribles terribles et la critique ne voit en elle qu’une « Jackson de plus » !

Manu : D’ailleurs elle admettra elle-même quelques années plus tard, qu’à l’époque, elle aurait préféré / persévérer dans sa carrière / de comédienne plutôt que dans la musique !

Olivia : Oui, elle va même partiellement renier ces deux premiers disques ! Elle ne les assumera jamais vraiment.

C’est finalement son troisième album, Control, sorti en 1986, qui marque le début de son succès : il reste deux semaines en tête du classement Billboard 200 aux Etats-Unis et huit semaines au classement hip-hop / RnB !!

insert — Nasty

Janet, qui n’a alors que vingt ans, comprend très vite qu’il faut qu’elle évite de marcher sur les plates-bandes de son frère Michael, lui qui s’impose déjà comme le « King of Pop ». Elle choisit donc de se concentrer exclusivement sur RnB. Et comme l’annonce le titre de cet album, Janet va bientôt reprendre le contrôle de sa carrière et renvoie son manager… qui n’était autre que son père, donc.

Manu : Nous sommes en 89 et Janet sort son quatrième album : Rhythm Nation 1814. On l’écoute sur le plateau de Top of the Pops

insert — RHYTHM NATION (TOP OF THE POPS, 09-11-1989)

Olivia : C’est est un raz-de-marée aux USA ! Ce nouvel album atteint la première place du classement et s’y maintient 4 semaines durant ; il reste même 35 semaines dans le Top 5 !! Sept chansons de l’album sont éditées en single et se classent dans le Top 5, record que même son frère Michaël ne battra jamais ! Janet entame alors une tournée internationale qui attire plus de 2 millions de spectateurs. Plus rien n’arrête Janet !

Le début des années 1990 voit Janet Jackson s’imposer comme l’une des artistes féminines les plus vendeuses de sa génération, aux côtés de Madonna et Whitney Houston.

Et ce n’est pas fini : son 5e album, sobrement nommé “Janet.” va la propulser loin devant ses concurrentes ! Et même devant… Michael ! On en revient toujours à Michel.. Il faut dire que les premières rumeurs embarrassantes commencent à le rattraper.

insert — Whoops now

Ce nouvel album se vend rapidement à huit millions d’exemplaires et se classe 1er dans plusieurs pays. Cette même année, elle apparaît pour la première fois sur grand écran au côté du rappeur Tupac Shakur, dans le rôle principal du film « Poetic Justice ».

Dès 93, la réputation de Michael commence à sérieusement s’entacher : les premières affaires d’abus sexuel sur mineur sont rendues public. Après une cure de désintoxication pour soigner sa dépendance aux calmants, Michael se dit prêt à affronter un procès, mais son entourage l’en dissuade.
Sa sœur Janet, qui, elle, n’a jamais été aussi populaire, vient lui donner un petit coup de main et ils enregistrent le duo « Scream », premier single de HIStory, l’album-compilation de Michael, qui sort en 95.
Vous vous en souvenez tous, j’en suis sûre !

insert — Scream
[INSERT] https://www.youtube.com/watch?v=0P4A1K4lXDo

Manu : Ce titre! Et le clip est entré au Guiness Book : c’est le plus cher de l’histoire EVER : ils ont claqué 7 millions de dollars 🙂

Virgin, la maison de disques de Janet, comprend que la petite sœur est en train de rattraper son frère et lui propose alors un nouveau contrat de 80 millions de dollars pour rester. Rendez-vous compte : 80 millions, c’est plus Madonna et que … Michael (oui, à nouveau !), à qui à l’époque on avait proposé « seulement » 60 millions !

Tout semble donc sourire à Janet : sa carrière est au top ; elle est en train de devenir l’une des chanteuses américaines les plus populaires de sa génération.
Mais hélas, en ce début d’année 96, la pression est trop forte. Elle sombre petit à petit dans la dépression et laisse apparaître une nouvelle facette de sa personnalité, plus “trash” : dans les interviews, elle multiplie les attitudes provocantes, comme pour faire oublier son image lisse et glamour. Elle commence aussi à parler de ses traumatismes d’enfance et des rapports conflictuels qu’elle entretenait avec son père. Elle pointe notamment les méthodes extrêmes de Joe.

Manu : Nous sommes en octobre 97 et The Velvet Rope débarque dans les bacs précédé d’un nouveau single quelques mois plus tôt : Got ‘Til It’s Gone.

insert — Got ‘Til It’s Gone.

The Velvet Rope aborde les thèmes de la dépression, l’anxiété, la sexualité, la peur de l’abandon et les relations toxiques, ce qui a contribué à en faire un album profond et émotionnellement intense. Janet se dévoile, elle fait tomber les barrières de son intimité.

Le choix du titre The Velvet Rope, c’est une référence à la barrière en velours que l’on déploie lors premières de films et autres remises de prix interdisant l’accès aux spectateurs. Ici c’est une métaphore de la barricade émotionnelle empêchant les autres de révéler leurs pensées les plus intimes.

L’album choque le public qui n’a jamais vu Janet sous ce jour. Il n’en est pas moins salué par la critique comme son album le plus personnel, le plus construit et le plus introspectif et certainement l’un des meilleurs de sa carrière.

En 98, dans le magazine Rolling Stones, elle expliquera : « Chanter ces chansons m’a demandé de déterrer une douleur que j’avais enfouie il y a bien longtemps. Cela a été difficile et parfois déroutant, mais je devais le faire. J’ai enterré la douleur toute ma vie. C’est comme cacher la poussière sous le tapis. À un moment donné, il y a tellement de saleté que vous commencez à étouffer. Eh bien, j’ai étouffé. Ma thérapie est venue en écrivant ces chansons. Ensuite, j’ai dû trouver le courage de les chanter sinon j’en aurais subi les conséquences — une dépression permanente. »

The Velvet Rope est acclamé par la presse :
Pour le New York Times, il s’agit de « son album le plus audacieux, le plus élaboré et le plus abouti ». Le Chicago Tribune le considère comme la « bande sonore d’une séance de thérapie », tandis que le Los Angeles Times loue son contenu abordant « la politique sociale, émotionnelle et sexuelle des relations, parsemant les mélodies pop nostalgiques et pleines d’entrain et les rythmes R&B sinueux de nuances jazz, folk et techno convaincantes ».

Allez on va marquer une petite page de pub et on s’retrouve tout de suite après :
insert — Pub Together Again
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/publicite/pub818945009/janet-jackson-velvet-rope-version-20-secondes

Vous l’avez compris, c’est LE disque qu’il faut offrir pour Noël 97. L’album se vendra à plus de 10 millions d’exemplaires à travers le monde. Et le single Together Again deviendra son plus gros HIT, et squattera le top singles aux US pendant 1 an !

Il faut dire que Virgin a prévu une campagne marketing énoooorme, c’est même la plus grosse qu’ils n’aient jamais faite, intégrant pas mal de street marketing via des grands panneaux d’affichages dans les rues et les stations de métro, ainsi qu’ un nouveau petit média qui monte … Internet ! La veille de la sortie, MTV organise un chat en ligne avec Janet Jackson, du jamais vu !

Janet va bien sûr faire la tournée des plateaux télé en Europe pour promouvoir l’album. Je vous ai d’ailleurs retrouvé un extrait de son passage dans l’émission Hit Machine 97, présenté par Charly et Lulu, et diffusée le soir du réveillon 1998 où Janet interprète « Got ’til It’s Gone » :

insert — Hit Machine 97

La tournée mondiale qui suit dure plus d’un an et demi et voit la chanteuse se produire – et c’est suffisamment rare pour être relevé – sur les cinq continents. A la fin de cette tournée en 1999, le Billboard Magazine place Janet Jackson comme la 2e artiste ayant eu le plus de succès durant la décennie des 90s, derrière Mariah Carey.

Depuis, elle a vendu plus de 100 millions de disques à travers le monde et a clairement inspiré toute une génération d’artistes après elle. The Velvet Rope est considéré comme précurseur du développement du RnB alternatif. C’est un modèle pour les artistes pop passant à un son plus rebelle, plus personnel. Beyoncé a cité Janet Jackson comme l’une de ses plus grandes influences musicales. Elle a notamment mentionné que The Velvet Rope était l’un de ses albums préférés et qu’il l’a inspirée et incité à explorer des thèmes plus personnels dans sa propre musique. The Weeknd aussi cite The Velvet Rope comme une influence majeure pour son album Starboy en 2016.

Big up pour Janet Jackson, qui a réussi à percer et à se relever. Je tiens à saluer la carrière incroyable de cette meuf. Ca aurait tellement facile de se reposer sur les avantage que lui procurait le nom Jackson, mais elle s’est battu comme une ouf et elle a du travailler beaucoup plus dur : en temps que Jackson, en tant que femme et en tant que Noire !

Le making-of de "The Velvet Rope"

Manu : Allez, Greg je me tourne maintenant vers toi. On va revenir sur le son de cet album de 1997, The Velvet Rope. Il fait partie de ces rares blockbusters de l’ère MTV à être à la fois vraiment réussi et vraiment audacieux.

On va parler du son de cette superproduction qui sent bon les dollars… De la voix de Janet et de ceux qui ont réalisé l’album : Jimmy Jam et Terry Lewis !

On va voir comment cet album rassemble plein plein de styles différents de la Soul, Motown, R’N’B alternatif, Groove, rock, électro, trip hop et tout ce que vous voulez, cherchez pas y’a tout……

Pour bien comprendre comment Janet et son équipe accouchent de cet opus, on va rapidement remonter le temps et écouter le son et le style de Janet au début de sa carrière.

Manu : Okay Greg, j’imagine que tu vas nous faire écouter quelques titres aussi.

Oui on va analyser ça et j’ai même un multipiste à vous faire écouter.

Manu : Alors allons-y…. Au début des années 80, on l’a dit, elle est actrice et papa la secoue pour faire de la musique.

Oui, on est en 1982 : elle a 16 ans.
Et pour son projet musical, elle ne veut personne de la famille dans la production parce qu’elle veut être reconnue pour elle-même.
On imagine qu’elle est quand même un peu aidée pour faire son premier album…

Il s’appelle sobrement « Janet Jackson » et je vous propose d’écouter directement un extrait, nommé « say you do » comme ça on va pouvoir se rendre compte si ça sonne comme un projet personnel ou pas…

Extrait 1 : say you do

Alors oui …. ça ressemble un peu à don’t start till you get enough sorti 3 ans plus tôt, c’est aussi la musique du Loto !!!

Pour l’album d’après, on sent que l’industrie lui cherche un style. il sonne un peu plus synth pop mais aussi pas mal Michael : Pourquoi ? Parce qu’à la réalisation y a Giorgio Moroder et son frère Marlon…. Ça fait un mix un peu chelou….
Toute la famille met un peu à la patte, y’a même Michael qui fait des chœurs.
Je vous le fais pas écouter, c’est un album qui passe un peu inaperçu comme le premier.

Manu : On le comprend, on est pas encore sur du pur méga Janet. Quand est-ce que la transformation va se faire ?

En 1986 elle a 19/20 ans le producteur John Mcclaine la met en contact avec deux réalisateurs.
Jimmy Jam et Terry Lewis, 2 mecs qui veulent vraiment réaliser un album pour Janet.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils vont bien s’entendre, parce qu’ils vont entamer une longue collaboration qui va durer 20 ans, et ils vont lui faire 7 albums !

Manu : Qui c’est ces gars alors ?

Jimmy Jam et Terry Lewis

C’est deux musiciens de Minneapolis qui se rencontrent à l’école.
Et si tu viens de Minneapolis, tu joues forcément avec Prince à un moment.

C’est leur cas ils vont jouer dans son groupe « the time » y’en a un au clavier l’autre à la basse et ils sont multi-instrumentistes comme Prince.

Mais….
En 1983 y’a embrouille avec Prince, ils ratent un concert parce qu’ils sont coincés dans une tempête de neige à l’autre bout du pays…. Et l’autre souci, pas des moindres, c’est qu’ils ont réalisé un album avec le SOS band…..

Et Prince il aime pas trop quand il contrôle pas tout : alors il les vire….
En vrai…
On imagine que se faire virer par une des plus grandes stars du monde, ça doit pas être facile à vivre.
Mais ils se laissent pas abattre et ils commencent à réaliser des albums, à composer des chansons pour les autres…

Manu : C’est une deuxième carrière qui commence pour eux alors ?

Oui et en plus c’est des pionniers de la new jack tout comme Teddy Riley, c’est celui qui a bossé sur Dangerous et qui claquait des grosses caisses claires, vous vous souvenez ?

Il vont beaucoup bosser avec Janet mais aussi avec : Boyz 2 men, Human League, Mariah Carey, Robert Palmer, Mary J Blige, Usher, les Spice girls… Et plein d’autres !!!

C’est vraiment des stars de la pop c’est pour ça que j’insiste un peu sur eux…

Manu : C’est quoi leur style ? Comment ils font leur new jack swing ?

Ils sont connus pour avoir utilisé la boite à rythme Roland TR808 avant tout le monde.
Ils le disent eux même : la groovebox a un son unique, très percussif avec des grosses basses et c’est souvent le premier élément sur lequel ils s’appuient pour créer un morceau.

On écoute un peu le son de cette vieille machine orange qui a changé la face de la musique du 20 ème siècle

Extrait 2 : TR808

Manu : Ok ça sonne très très 80

Oui et puis je vous passe les détails mais après, ils utilisent pleins de synthés pour les basses, les pads etc etc….

Et leur touche en plus c’est leur sens de l’harmonie vu que c’est des bons musiciens, ils vont construire des jolis accords jazz.

Manu : Du coup comment ça se passe Janet va dans leur studio à Minneapolis, si je dis pas de bêtise c’est pour l’album « Control » ?

Oui c’est ça, on est en 1986.
Alors, avant d’y aller…. Y’a quand même Joseph Jackson le papa, qui téléphone aux gars et qui leur dit « bon les gars vous êtes de Minneapolis comme prince, mais si y’a bien un truc que je veux pas c’est que Janet aie le même son que lui, faites bien attention »

Pas de souci de toute façon ils se sont embrouillés avec Prince..;

Alors ils reçoivent Janet dans le studio. Ils prennent vraiment le temps de discuter avec elle et de prendre son avis en compte

Résultat :
Janet est pour la première fois incluse dans le processus créatif, c’était jamais arrivé avant.
Elle commence donc à écrire des textes, à trouver des mélodies… Janet vole de ses propres ailes, elle devient adulte, elle a pris le contrôle. On écoute un extrait

Extrait 3 : control

Manu : En gros Janet devient Janet pour de bon : c’est quoi la suite de l’histoire ?

Et bien sur la même formule ils vont continuer de faire des disques exclusivement ensemble.
1989 Rythm Nation : là c’est un album avec des revendications sociales
1993 Janet : là c’est sexy time
1993 Scream en Duo avec son frère qui est déjà en embrouilles

Et puis en 1997 ils vont attaquer l’album du jour Velvet Rope.
Il s’est passé 10 ans depuis leur première collaboration, la musique et les styles ont changé, tout le monde a évolué mais Jam et Lewis sont toujours à la pointe de la technologie et de la tendance alors ils vont attaquer l’album.

Ça s’étale sur 2 ans, mais en vrai l’enregistrement se fait sur 6 mois, toujours à Minneapolis au studio flyte tyme un peu à NY aussi, un peu à LA forcément…
16 chansons et 7 interludes

40 musiciens interviennent. Plein de guitaristes, des violonistes, des bassistes, des trompettes, des chanteurs…
Je note pas de batteurs dans les crédits.. Mais de la boite à rythme oui…

En tout cas Jam and Lewis vont se donner pour cet album et on va être loin de la vieille new jack d’il y a 10 ans, parce qu’on va changer de style à chaque chanson, va falloir s’accrocher, mais y’a quand même Janet pour faire le lien qui va poser une voix beaucoup plus mature que sur les autres albums.

Manu : Greg est-ce qu’on peut analyser quelques titres ?

Extrait 4 velvet rope

Ce morceau il fait carrément générique de l’album je trouve…

Mike Oldfield crédité, je pense pas que ce soit un sample mais a mon avis ils ont rejoué son titre « tubulaire bells » qui est aussi connu comme la musique de l’exorciste. Je vous passe le pseudo message : Janet a besoin d’exorciser blablabla. Bon on est là pour parler de son…

On écoute vite fait tubular bells.

Extrait 5 : tubular bells

Et ils empruntent aussi un petit bout d’un album de Malcolm Mclaren… Qui s’est mis au hip hop après avoir été manager des Sex pistols

Extrait 6 : Malcolm maclaren

Extrait 7 Got til it’s gone

Bien bien hip hop d’ailleurs y’a Q-tip du groupe Tribe called Quest qui rap sur le titre.
On sent d’ailleurs l’influence de Tribe Called Quest, leur albums ils sont teintés de sonorités jazz là on l’a aussi…

Y’a un petit sample folk de l’artiste canadienne Joni Mitchell qui chante big yellow taxi en 70..
Janet est fan de Mitchell depuis toujours et elle trouve qu’il y a un point commun entre la folk et le rap c’est que c’est de la poésie.
Alors elle appelle elle-même Joni Mitchell pour demander l’utilisation, tout le monde dit que c’est mort. Elle envoie une bande, joni écoute et en fin de compte elle accepte parce qu’elle trouve que c’est cool..

Extrait 8 fender rhodes

J’aimerais attirer votre attention sur ce son de piano qui vient d’un Fender Rhodes et qui fait ce son si caractéristique… Très doux, très rond, qui flotte, qui prend plein de place. Je vous fais écouter un peu de fender rhodes.
Le fender rhodes il a été inventé après la guerre c’est piano portable et électrique. Y’a des marteaux qui tapent sur des lamelles de métal électrifiées et amplifiées : c’est la guitare électrique du piano et c’est un son indémodable tellement il est beau.. Il est utilisé dans tout le jazz des années 60, dans toute la pop et encore aujourd’hui tout le monde l’utilise !

Extrait 9 fender rhodes

Plusieurs embrouilles sur ce morceau : la chanteuse des’ree dit que Janet a pompé sa chanson, et les gars de Tribe called quest disent que c’est eux qui l’ont composée…

L'univers visuel de Janet Jackson

Manu : Merci Greg pour cette jolie démonstration, pour ce petit voyage en studio. C’est génial de voir comment Janet à bousculé tous les codes du RnB et s’est essayée à tous les styles… au risque de surprendre une partie de son public. On va maintenant découvrir avec toi Fanny la Janet Jackson de 97, comment elle s’est transformée en icône, un modèle pour toute une génération.

Oui, à vrai dire l’image de Janet va tellement évoluer entre son album précédent de 1993 et The Velvet Rope que ça va faire quelques vagues dans l’opinion publique. Et ce pour plusieurs raisons :

Petit 1) c’est une femme qui assume ouvertement sa sexualité, et elle va développer ici une image sensuelle, érotique assez puissante, teintée de fétichisme. Ce qui perso n’est pas pour me déplaire, mais pour l’Amérique pudibonde qui l’a connue gamine avec les Jackson Five, voir une trentenaire bien sans sa peau, gaulée comme une reine, qui affiche ses tatouages, son string et des piercings au nez et aux tétons, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Bien des années avant Beyoncé ou Rihanna, Janet Jackson va clamer haut et fort la puissance des femmes et se place comme une figure de l’empowerment et du féminisme noir. Trop badass la meuf !

Ce qui m’amène à mon petit 2) c’est une femme certes, mais aussi une femme noire qui va revendiquer ses origines dans un mouvement qu’on pourrait qualifier d’afrocentriste, c’est à dire qui cherche à mettre en avant l’apport des cultures africaines dans l’histoire mondiale. On va retrouver ça très fort dans le clip de Got Til It’s Gone dont je vais parler tout à l’heure, mais cette africanité si je puis dire, elle la manifeste dès la pochette de The Velvet Rope.

Manu : Cette pochette, elle est iconique, est-ce que tu peux nous la décrire ?

Alors il s’agit d’un portrait en couleur qui a été pris par la photographe allemande Ellen Von Unwerth. Un grand nom de la mode qui est surtout célèbre pour ses images de femmes puissantes et très sexy. Je suis pas mega fan de son travail, que je trouve justement sexiste car il ne fait que perpétuer le male gaze, cette manière prédominante dont le regard masculin façonne l’image de la femme et l’infuse dans toutes les productions artistiques depuis des siècles. Mais bon, ici pour cette pochette on n’est pas dans la provoc, Janet pose devant un mur rouge vif, elle porte un haut noir et son visage penché vers la gauche est caché en partie par une cascade de boucles rousses. On discerne à peine son œil fermé et son nez, c’est vraiment cette chevelure qui est la star de la photo !

Et ça, ça va faire couler beaucoup d’encre ! Shocking ! Elle choisit de porter ses cheveux naturels avec fierté, comme un moyen d’affirmer son identité, son individualité. C’est une déviation totale par rapport aux codes de beauté occidentaux qui valorisent les cheveux lisses et bien disciplinés. Il y a de nombreux stéréotypes et préjugés enracinés dans la société américaine en ce qui concerne les cheveux des femmes noires, et le choix de certaines personnalités de les porter naturels peut encore être considéré comme choquant ou radical. Souvenez-vous de Michelle Obama qui a lissé ses cheveux pendant les 8 années de présidence de son mari et qui a affiché ses boucles naturelles seulement une fois libérée de ses engagements de First Lady…

Désolée je passe un peu beaucoup de temps sur cette histoire de cheveux, mais ça me tient à cœur de montrer comment certaines artistes ont su faire bouger les lignes pour les autres femmes, ou bien comment elles ont elles-même fait le chemin pour s’affranchir des normes qui pèsent sur elle, je pense que c’est important.

Bon je reviens à la pochette, on a l’image d’Ellen Von Unwerth en une, mais on a aussi plusieurs portraits pris par elle dans le livret intérieur, à part égale avec d’autres images shootées par le célèbre photographe de mode Mario Testino. C’est vraiment un casting 5 étoiles qui est réuni ici et les images claquent. On a de l’imprimé léopard, on a des plumes, on a du latex et pourtant on ne tombe jamais dans la vulgarité. Bravo Janet !

L’autre chose notable sur la pochette c’est la présence d’un symbole Sankofa (SAHN-koh-fah) sur plusieurs pages du livret. Janet en a aussi un tatoué au creux du poignet et va le reproduire sur pas mal de supports pendant sa tournée. Je te vois venir Manu, tu vas me demander ce que c’est Sankofa ?

Manu : Bah oui je pense que nos auditeurs ont envie de savoir ! Et nous aussi !

Le mot Sankofa et les symboles liés sont originaires de la tribu Akan au Ghana et en Côte d’Ivoire. C’est une métaphore du mouvement et surtout, du retour : retour sur soi, retour dans le temps. En gros son message c’est : pour avancer dans la vie et construire l’avenir, il faut se souvenir de ton passé et d’où tu viens.

Manu : C’est donc aussi le retour à l’Afrique dont tu nous parles depuis tout à l’heure. Et on le voit ça dans ses clips ?

Oui, clairement ! On a 6 singles qui accompagnent la promo de The Velvet Rope, et autant de clips qui sont tournés. Impossible de les passer tous en revue, mais il est intéressant de noter que certaines de ces vidéos vont permettre à Janet Jackson de célébrer une fois de plus la richesse de la culture africaine.

C’est notamment le cas de ‘Together Again’ tournée dans le parc national du Serengeti en Tanzanie par le photographe et réalisateur français Seb Janiak, un nom familier pour les fans de NTM ou d’IAM qui nous écoutent puisque c’est lui qui a signé notamment ‘La Fièvre’ et ‘Petit frère’. La vidéo de ‘Together Again’ célèbre le multiculturalisme dans un monde utopique où des gens issus de différents peuples vivent en harmonie avec la faune sauvage. Il y a quelque chose d’un peu bisounours ici, une joyeuse naïveté qui me fait penser au clip de ‘Black or White’ de Michael Jackson. Je vous laisse aller voir, si ça vous intéresse.

Nan, le vrai chef d’oeuvre filmique de l’album, pour moi c’est le clip de ‘Got til it’s Gone’

Ce clip, on le doit au réalisateur américain Mark Romanek, qui était déjà aux manettes deux ans avant de ce qui fut à l’époque le clip le plus cher de l’histoire avec un budget de 7 millions de dollars, je parle de « Scream » le duo fou entre Michael et Janet Jackson ! Ce petit film futuriste en noir et blanc qui m’avait tant scotchée quand j’étais petite avec un MJ et une Janet ébouriffés et habillés en gros gothiques. Ah ça m’a fait bien plaisir tiens de découvrir que Mark Romanek est un proche de Nine Inch Nails, c’est lui qui a fait le clip de ‘Closer’, tout à coup j’ai compris beaucoup de choses !

Bref, ‘Scream’ va remporter le Grammy de la meilleure Vidéo en 1996, pas étonnant donc que Janet veuille refaire appel à Romanek, et d’ailleurs elle a eu bien raison parce qu’ils vont gagner ensemble un 2ème Grammy pour le clip de ‘Got Til It’s Gone’.

Manu : On est hyper curieux maintenant de savoir de quoi ça parle…

Dans ce clip, Janet Jackson joue le rôle d’une chanteuse qui se produit la scène d’un bar, entourée d’un public de différents âges et professions. On est en Afrique du Sud dans les années 60, en plein Apartheid, un régime politique qui visait à diviser les gens en fonction de leur race et de leur origine ethnique. Des danseurs sud-africains se mêlent sur la piste, tandis que la vie quotidienne bouillonne autour dans un esprit de fête très communicatif.

Ce qui me frappe dans cette vidéo, c’est son esthétique qui est vraiment sublime. Les tonalités sépia donnent un côté rétro vraiment réussi. Tous les looks sont incroyables, ça me fait penser aux sapeurs congolais, ces dandys flamboyants qui pratiquent l’art de bien se saper. Il y a quelque chose de cet ordre-là, un raffinement, une classe folle qui est hérité d’un autre art qui me parle tout particulièrement : la photographie.

Et oui, car Mark Romanek s’est inspiré pour ce clip du magazine DRUM, une publication mythique du glamour sud-africain où toute une génération de photojournalistes documentait la culture urbaine de l’époque à mi chemin entre mode et musique jazz. Il a aussi pris pour source d’inspiration le travail des célèbres photographes portraitistes Malik Sidibé, Seydou Keita et Samuel Fosso. Pour leur rendre hommage dans le clip un petit studio photo est recréé avec un drap beige en guise de fond et on voit défiler toute une galerie de personnages devant l’objectif d’un photographe. Les flashes rythment les différents plans du clip et servent de transition entre les séquences.

Manu : Si on devait résumer le message en deux mots, on pourrait dire Peace & Love

Oui, presque, la connotation hippie en moins ! La réussite de ce clip, c’est qu’il met en avant l’importance de l’unité et de la solidarité dans la lutte contre la discrimination. Il montre qu’on doit tous nous rassembler, quelles que soient nos différences, pour profiter de la vie dans un monde plus juste et plus équitable. C’est autant un appel à la tolérance, qu’une célébration de la culture noire. Et voir ça dans une Amérique du Nord toujours aussi traumatisée par son histoire pluriculturelle, ça fait franchement du bien !

Mais ouais ! Gros respect pour Janet et merci Fanny pour cette super chronique. Janet Jackson tu l’as dit tout à l’heure a fait couler beaucoup d’encre. Elle dû se battre 3 fois plus que les autres pour exister en tant que femme noire. L’opinion publique américaine s’est bien lachée sur elle également en 2004 lors du Nipplegate. Difficile de faire un épisode sur Janet sans passer à côté, pas vrai Oli ?

Absolument ! Petit rappel des faits. En février 2004, Janet Jackson est invitée pour animer la mi-temps du Superbowl, la finale du championnat de football américain. Au milieu du show, elle est rejointe par Justin Timberlake pour un duo sur « Rock Your Body », justement. Et là au milieu de la choré, accident de costume ou non (on n’a jamais su), Janet dévoile un sein.

Extrait Nippelgate

La presse s’en empare, les conservateurs en font une affaire d’État. La chaîne CBS, qui diffusait le spectacle, ainsi que Janet Jackson et Justin Timberlake sont victimes de poursuites judiciaires. Ils vont même devoir présenter des excuses publiques.

Si l’incident n’affecte pas la carrière de Justin, la popularité de Janet Jackson en revanche va prendre un sacré coup : Damita Jo, son nouvel album qui paraît en 2004, se voit boycotter par toute une partie du public. On pardonne à l’homme qui arrache le costume mais pas à la femme qui dévoile le sein ! La honte.

Mais heureusement tout est bien qui finit bien puisque l’industrie a fini par lui rendre homme en 2019, en intronisant ENFIN au Rock’n’roll Hall of Fame, 20 ans après Michael et les Jackson 5 !

À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST

Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “