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Rage Against The Machine “Rage Against The Machine”

(1992)

EN QUELQUES MOTS

Dans cet épisode on va vous parler de 4 garçons vraiment pas contents. Ils ont tout renversé en 1992 avec un 1er album qui aura marqué musicalement et politiquement toute une génération. 

On retrouve dans le premier album éponyme de Rage Against The Machine, les énormes hits “Bombtrack”, “Freedom”, “Wake up” et bien sûr ”Killing in the Name”, LE poids lourd des nineties. Au-delà de son contenu qui fusionne habilement hip hop et métal, ce premier album met surtout en lumière un groupe sans prétention ni artifice, qui accentue au final chacun de ses messages.

Rage Against The Machine (1992) est un classique absolu, qui a permis d’ailleurs d’inscrire le groupe au panthéon du rock. Souvenirs. Grégoire était fan des Rage en CM2 et Manu copiait les fringues de Zach de la Rocha. Fanny s’en était toujours méfiée et Olivia était bizarrement toujours passée à côté !

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Retour en 1992

Yo voilà pour les 10 titres de Rage Against the Machine ! C’est donc le 1er album des Rage.

Il sort le 3 novembre 1992 en Cassette, CD, Vinyle et MiniDisc sur le label Epic (chez Sony une major). Au départ les critiques et les ventes ne témoignent pas assez du phénomène mais c’est sur scène que le groupe va cartonner et enchaîner les live sold out. On le considère aujourd’hui comme un classique absolu, qui a permis d’ailleurs d’inscrire le groupe au panthéon du rock.

Quand RATM débarque en novembre 1992, Boys 2 Men squatte les ondes depuis l’été. On écoute aussi en boucle la BO de BodyGuard avec Whitney Houston. Et le rock lui est à la traîne avec U2 et les Black Crowes.
1992 c’est aussi le début des émeutes raciales à Los Angeles, le divorce de Charles et Diana, l’élection de Bill Clinton. En France, c’est l’ouverture d’EuroDisney à Marne la Vallée. On va voir au cinéma Maman j’ai encore raté l’avion, L’arme fatale 3 ou Basic Instinct.

La story de Rage Against The Machine

L’histoire de la formation du groupe est assez banale finalement : une bande de potes qui veut faire de la musique. En l’occurrence, ici, Zack de la Rocha et Tim Commerford qui allaient à l’école ensemble. La légende raconte que Zack a appris à Tim à voler de la nourriture à la cantine.

En parallèle, on a Tom Morello, le guitariste, qui cherche à monter un nouveau groupe. Il va donc poster une annonce dans le Los Angeles Weekly. Et vous allez voir, ça annonce tout de suite la couleur :

“Cherche chanteur socialiste pour un groupe de métal dans le style de Public Enemy”.

Tom Morello, c’est un personnage : pour l’anecdote, il a un diplôme d’Harvard et a aussi été strip-teaser. A l’époque, c’est le guitariste de Lock Up, un groupe qui mélange heavy metal et funk mais ils viennent de se séparer.

INSERT — lock up (24 Hour Man)

En août 1991 donc, Tom Morello et Zach de La Rocha vont se rencontrer dans un club de hip hop. C’est le déclic, ils décident de former le groupe.
Ils entraînent avec eux Brad Wilk (le batteur) et Tim Commerford, qui est donc l’ami d’enfance de Zach et qui sera le bassiste. L’alchimie entre les 4 est instantanée.

Pour le nom du groupe, ils vont utiliser le titre d’une chanson écrite par Zach quelques temps plus tôt pour son groupe punk hardcore, Inside Out : ce sera Rage Against the Machine (en français, « Rage envers le système »).

Ce nom, c’est ce qui leur paraît le plus adapté au style de musique, et aux idées qu’ils veulent diffuser. Selon Tom Morello, « The Machine », dont il est question, représente tout ce qui le révolte : la mondialisation, le néolibéralisme, le racisme, l’élitisme, et l’indifférence. Cette machine qui broie l’humain, qui le relègue systématiquement au second plan. Cette machine qui n’a qu’un dieu : l’argent.

Leur première représentation se fait dans le garage, d’un ami de Tim Commerford, à Huntington Beach. Ils n’ont que 5 chansons à jouer mais leurs amis sont tellement chauds qu’ils vont finalement les rejouer plusieurs fois, en boucle. Ils décident alors de se lancer dans la cour des grands et d’enregistrer un album.

Ils se font peu à peu leur place dans le milieu et réalisent même la première partie de Porno for Pyros pour leur premier grand concert. Ils jouent également sur la scène secondaire du Lollapalooza, à Los Angeles, en tant que « jeunes talents. »

Ils finissent par signer un contrat avec Epic Records (une filiale de Sony BMG) et vont rapidement faire la première partie d’un groupe qui est en train de monter : Tool ! Son guitariste, Adam Jones, est un ami de Tom Morello.

L’album sort au début du mois de novembre 92 avec comme premier single radio un certain “Killing in the Name”.

INSERT — killing in the name

“Killing in the Name” détonne complètement avec ce qui passe à la radio à ce moment-là: le morceau dépasse les 5 minutes (on est plutôt autour de 3’30 d’habitude) et la voix de Zack de la Rocha n’arrive qu’après une intro de 50 secondes.

Le texte marque l’engagement du groupe à l’encontre des institutions US et en particulier des forces de police : “ce sont les mêmes qui brûlent des croix”.
En gros, la police et le KKK, c’est pareil.

Pour mémoire, les émeutes qui ont éclatées à Los Angeles sont à peine terminées. Le groupe appelle à redescendre dans la rue. La colère est toujours là; il faut qu’elle éclate, il faut broyer le système avant qu’il ne nous broie.

[MANU] : C’est une vraie déclaration de guerre ! Et ça n’empêche pas le groupe de cartonner, bien au contraire.

Olivia : et bah figure-toi mon cher Manu que c’est le gros succès !

L’album va rester dans le Top 200 du magazine Billboard pendant 89 semaines. Le titre Killing in the Name révèle le groupe au grand public ; le succès est phénoménal.

Billboard affirme que RATM “doit être considéré comme l’un des groupes de rock les plus originaux et virtuoses du pays”. Leur album est “destiné à devenir un standard pour n’importe quel headbanger”.

Quelques semaines plus tard, c’est le Musician qui confirme : “RATM propose une pensée politique pointue et une colère articulée. Le groupe ne s’inspire pas seulement du hip hop et du heavy metal, mais fusionne les deux de telle sorte qu’on ne puisse même plus parler de croisement.”

Village Voice qualifiera la musique de RATM de “Métal pour amoureux du rap et allergiques à l’opéra”.

Plus tard, Rolling Stone classera l’album en 26e positions des 90 meilleurs disques des années 90. Un flot de critiques élogieuses dès le début donc !

Ils vont très vite faire beaucoup de concerts aux US et en Europe. Une énorme tournée de près de 200 concerts sur 18 mois qui remplit les salles, notamment le Zénith de Paris.

Le groupe fait parler de lui lors d’un concert au festival Lollapalooza à Philadelphie. Ils restent nus sur scène et en silence pendant… 15 minutes pour protester contre la censure prônée par le Parents Music Resource Center, cette association qui fait pression pour apposer sur les disques le fameux “Parental Advisory”.

Selon certains critiques, RATM n’a pas vraiment pu se faire une place sur l’autel des géants du rock des années 90 à cause, notamment, de leur discours anti-impérialiste et de leur appel à l’insurrection. C’était pas trop l’ambiance après les attentats du 11 septembre 2001.
Ils crachent sur le système, donnent plusieurs concerts de soutien et

Leurs textes sont sans appel. On se souvient notamment de la fin de “Know your Enemy”, engagé contre la guerre et l’autoritarisme étatique.
Il parle des élites qui prônent la liberté du peuple pour mieux les contrôler :

INSERT — know you enemy

Compromise
Conformity
Assimilation
Submission
Ignorance
Hypocrisy
Brutality
The Elite
All of which are American dreams !

RATM nous donne ici sa vision du rêve américain où il est donc question de soumission aux élites, d’ignorance, d’hypocrisie, d’assimilation. Un rêve américain très loin de ce qu’on nous donne à voir sur grand écran.

La suite et bien la suite, j’ai envie de dire qu’on pouvait un peu la prévoir aussi, malheureusement.

Énorme tournée de plus de deux ans, beaucoup de fatigue et de tension…comme souvent avec ce genre de groupe qui donne énormément.

En 1995, le groupe est à Atlanta pour enregistrer un nouvel album, mais les choses deviennent compliquées. Ils communiquent de moins en moins entre eux, et le rythme effréné des concerts les a achevés. Ils s’accordent alors une pause ; Zack en profite pour aller quelques semaines au Chiapas. Il se rapproche en effet d’un groupe politique zapatiste révolutionnaire du sud est du Mexique, l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN).

Le groupe parvient finalement à se retrouver quelques mois plus tard pour continuer l’aventure. Ils louent une chambre en face de leur appartement à Los Angeles, et réalisent leur deuxième album, Evil Empire (en français, l’empire du mal). Un titre qui fait référence à une expression employée par Ronald Reagan pour qualifier le bloc de l’Est.

Ils finiront pas se séparer en 2000, au grand désespoir de leurs fans.
Mais l’espoir renaît en 2007: ils se reforment pour une série de concerts mais pas de nouvel album en vue.

Et depuis, le groupe joue avec nos nerfs ! Mais bon Dieu, vont-ils se reformer pour de bon ?

Vont-il enfin sortir cet album que l’on attend comme un barque échouée qui dérive sur l’océan et se languit de cette lumière, de ce phare, au loin de la nuit ? Quelle attente insoutenable !

En décembre 2010, Zack de la Rocha annonce le retour du groupe en studio, et la sortie d’un nouvel album courant été 2011. Au mois de mai 2011, Tom Morello annonce au contraire que le groupe n’a pas prévu de rentrer en studio et va plutôt se concentrer sur ses concerts. La douche froide !

Dernière annonce en date et ça c’est de l’actu fraîche de chez fraiche, mon cher Manu : le 1er novembre 2019, un nouveau compte Rage Against The Machine est créé sur Instagram. Ils annoncent cinq dates de concert aux États-Unis en 2020. Puis, le lancement d’une tournée mondiale. Celle-ci aurait dû débuter à El Paso, Texas, le 23 mars 2020 et se terminer à Vienne, en Autriche, le 12 septembre, avec notamment une participation au festival Rock en Seine à Paris le 1er septembre. Malheureusement, la pandémie de Covid-19 force le groupe à repousser cette tournée en 2021.

Le making-of de "Rage Against The Machine"

Manu : Greg toi tu t’es penché sur l’enregistrement de l’album, qu’est-ce que tu peux nous en dire?

A l’origine de cet album il y a une démo sur cassette sortie en décembre 1991 que le groupe vendait à la fin de ses concerts 5 dollars l’unité, on y retrouve 12 titres dont 7 vont se retrouver sur l’album parmi lesquels le morceau qui ouvre l’album, on écoute la démo de Bombtrack

INSERT — bombtrack démo

Vous l’entendez, on est quand même sur une démo de qualité, assez bien enregistré et surtout on constate sur ce titre en tout cas que la structure du morceau n’a absolument pas bouger. ET globalement, on peut dire que le groupe a fait l’essentiel du boulot. Même si comme le disais certains morceaux vont évoluer ou alors carrément disparaître.

En tout cas cette démo va avoir un joli succès, puisque le groupe va en écouler environ 5000 exemplaires. Des cassettes sont également envoyées à des maisons de disque et bingo, EPIC records décide de produire le groupe.

Pour les enregistrer, Epic fait appel à Garth Richardson, producteur de rock et de métal, fils de Jack Richardson, pionnier de l’industrie musicale et producteur mythique d’Alice Cooper notamment.

Pour l’enregistrement, direction les célèbres studio Sound City de L.A, là où Nirvana a enregistré Nevermind, ET ce n’est pas le seul point commun entre Nevermind et Rage Against the Machine puisque l’album a également le même mixeur, c’est le fameux Andy Wallace, figure incontournable, qui a notamment travaillé avec Jeff Buckley, System of a down ou encore Patti Smith.

Le travail commence en avril 1992 et à ce moment-là Richardson rencontre les Rage il n’a jamais entendu le groupe. RATM lui joue 3 morceaux et là évidemment : c’est Oh my God!!! They are amazing!

Pour capter l’énergie de ces bêtes de scène, Richardson opte logiquement pour un enregistrement live, Quelques panneaux pour isoler la batterie et roule ma poule, c’est hyper basique. Les musiciens n’ont pas de casque avec un click dans les oreilles pour marquer le tempo comme cela se fait habituellement. Richardson mise tout sur la spontanéité.

Vidéo à voir sur youtube pour avoir une idée du dispositif. On peut notamment voir la prise de Killing in the name, celle qui a fini sur l’album du groupe.

L’enregistrement est assez rapide, la rencontre entre le producteur et RATM se passe bien. Il y a quand même un petit peu de tension entre le producteur et Tom Morello, le guitariste. En fait, Morello joue légèrement behind the beat, c’est à dire légèrement en retard, on parle de quelques mili secondes, en fait c’est une manière de mieux faire ressortir le groove, de lui donner plus de relief plutôt que de jouer pile poil sur la grosse caisse, ce qui peut donner quelque chose d’un peu mécanique.

Richardson laisse jouer Morello puis en scred, il recale ses guitares avec le logiciel pro tools sauf que Morello s’en rend compte et lui dit tu vas me changer tout ça. Et là encore l’intelligence de Richardson c’est de ne pas se montrer borné et de laisser jouer RATM comme ils ont l’habitude de le faire.

Manu : D’ailleurs le son des Rage doit beaucoup à Tom Morello et sa technique de guitare, les pédales d’effets tout ça — en ce moment je reçois de la pub non-stop pour la masterclass payante de Tom Morello 😀

Tom Morello c’est bien plus qu’un simple guitar héro, rapide et technique, c’est quelqu’un qui pense avec son instrument, le gars est quand même diplômé de Harvard, ses modèles s’appellent Jimmy Page ou encore Deep Purple et je peux vous dire que la découverte de ce type à casquette qui porte sa guitare comme un AK 47 a littéralement assommé les guitaristes du monde entier.

Les sons qu’ils arrivent à sortir semblent venir d’un autre monde, on entend des hurlements de sirènes de polices, des scratches sur des platines vinyles, des scies à métaux en train de découper des barres de fer, bref il fait avec sa guitare ce que jamais personne n’a réussi à faire avant lui, pour y parvenir il utilise des pédales d’effets, bidouille les micros de sa guitare, utilise avec génie le vibrato, du grand art. C’est probablement le guitariste le plus important des années 90. Exemple avec le solo de Know your enemy…

INSERT — solo

C’est tellement hallucinant ce qu’il arrive à faire avec sa six cordes que Morello insiste pour que sur la pochette de l’album figure la mention « no samples, no keyboards or synthesizers used in the making of this recordings », une manière d’affirmer que seule l’énergie brute du rock roll est responsable de ce que l’on va entendre sur l’album.

Manu : No samples, no keyboard, mais il y a pas mal de gros mots quand même. Extrait.

INSERT — fuck

Je vous ai choisi la phrase la plus emblématique de l’album, présente sur Killing in the Name répétée jusqu’à l’épuisement à la fin du titre.. « Fuck you, I won’t do what you tell me », une phrase qui résume à elle seule l’idéologie de Rage Against The Machine, une idéologie anti impérialiste, anti raciste, qui s’insurge contre la violence d’Etat et la manipulation des masses par les médias. Le groupe s’est toujours montré très politisé et engagé. Une radicalité politique qui épouse parfaitement la violence des paroles et leur son hardcore.

Manu : Du coup c’est un album très politique, qui 30 ans plus tard reste toujours super actuel.

Oui même si l’heure n’est plus vraiment à la fusion rock/métal/rap/ funk qui a connu son heure de gloire dans les années 90 avec Blood sugar sex Magic des Red Hot ou king for a Day de Faith No more, RATM est sans doute l’un des groupes de cette période qui s’en sort le mieux. Rythmiquement c’est juste formidable cet album, le duo basse batterie se complète hyper bien, les parties instrumentales sont juste inoubliables, les intro des morceaux sont aussi cool que les refrains, à cela s’ajoute le Flow enragé de De la Rocha et la créativité de Morello. Dans le genre c’est assez inégalable. Et l’album tient aussi à la route grâce à la simplicité de son dispositif d’enregistrement, Richardson n’a pas essayé de donner une couleur particulière à cet album mais simplement laisser la rage et l’énergie brute s’exprimer et s’épanouir.

Manu : C’est clair, les mecs sont des brutes. C’est enregistré live et c’est ultra-maîtrisé. Je cherchais s’il n’y avait pas de casseroles dans les premiers live qu’on trouve sur Youtube mais nan, dès le départ ils assurent ces bâtards.

L'univers visuel de Rage Against The Machine

Manu : On va parler maintenant de l’artwork avec Fanny, Parce que là encore dans ce domaine avec les Rage, c’est simple et direct.

Direct ? Ouais, disons comme un bon gros uppercut en pleine gueule !
Sur la pochette de l’album de Rage on peut voir une photo en noir et blanc dont le sujet est si violent qu’on n’en imagine pas d’autre qui soit mieux choisi, vu le contenu de l’album. C’est une photo de presse prise en 1963 à Saigon, au Vietnam, par le reporter américain Malcolm Browne de l’agence Associated Press. Lui et le journaliste David Halberstam du New York Times, avec qui il a couvert l’événement représenté, ont reçu en 1964 un Prix Pulitzer pour leur travail, dans la catégorie ‘International reporting’. Je retarde comme je peux la description de ce qu’il se passe dans cette photo, parce que ça fait partie de ces grandes images historiques qui vous impriment la rétine à vie une fois que vous l’avez vue, un peu comme les images des rescapés de la Shoah, le soldat fauché par une balle en pleine guerre d’Espagne immortalisé par Robert Capa, ou encore le manifestant de Tian’anmen qui se tient seul devant une rangée de chars.

Je vous replace le contexte de la prise de vue : en 1963, le Vietnam est divisé en deux suite au départ des français qui ont quitté le pays 9 ans plus tôt. Le Sud du pays est dirigé par le dictateur catholique Ngô Đình Diệm, soutenu par les américains et qui martyrise les bouddhistes qui représentent 70 à 90% de la population. La crise s’aggrave. En signe de protestation, ces derniers décident de commettre un acte coup de poing : le 11 juin, en pleine rue et alors que la presse a été convoquée, 350 moines et nonnes bouddhistes se réunissent avec des pancartes dénonçant les persécutions dont ils font l’objet. Trois moines sortent d’une voiture qui se tenait en tête du cortège. Le 1er dépose un coussin par terre. Le second s’installe sur le coussin en position du lotus, le 3ème l’asperge d’essence avant de reculer. L’homme sur le coussin est âgé de 73 ans, il s’appelle Thích Quảng Đức et sous les yeux de la foule médusée, il s’immole par le feu.

Sur la photo tout y est : la foule de spectateurs hébétés, la voiture avec le coffre ouvert, le bidon d’essence posé à côté du moine, et lui-même calme et immobile se consumant au milieu des flammes. Plein de flammes, c’est terrible, vraiment terrible.

Halberstam, le journaliste, a rapporté son souvenir de l’événement quelques années plus tard, il écrit :

« Je devais revoir cette scène, mais une fois suffisait. C’était un être humain qui se consumait. Son corps se desséchait lentement, se ratatinait, sa tête noircissait et se carbonisait. Une odeur de chair humaine en train de se calciner se répandait dans l’air. Étonnamment, les êtres humains brûlent rapidement. Derrière moi, je pouvais entendre les sanglots des Vietnamiens qui s’étaient rassemblés. J’étais trop choqué pour pouvoir pleurer, trop ému pour pouvoir prendre des notes ou poser des questions, trop abasourdi pour pouvoir penser. Tandis qu’il brûlait, aucun de ses muscles ne bougea, il ne fit aucun mouvement, n’émit aucun son. Son impassibilité contrastait avec les lamentations de ceux qui assistaient à la scène. »

L’activisme, l’engagement politique de Rage et leur volonté de protester bruyamment contre les travers de l’Amérique trouve évidemment un écho dans cette image.

Manu : Oui d’ailleurs, j’ai noté dans le livre « Sounds of Freedom », un journaliste demande à Tom Morello pourquoi ils ont choisi cette image et Morello répond : « On pensait que cette image montrait une adhésion absolue et sans compromis à un principe moral. C’est le même genre d’adhésion absolue et sans compromis qu’on essayait de poursuivre dans notre groupe et notre musique. Donc ça nous semblait un symbole approprié à mettre sur la pochette. »

Oui, en mettant ça en une de leur album, ils nous lancent à la fois un avertissement quant au caractère vénère de la musique, mais aussi une invitation à ne pas rester passifs et à soi-même se demander : Qu’est-ce que c’est que ce bordel là ? Ce disque-là qui n’est pas juste un disque mais une bombe à retardement.

Manu : OK, mais est-ce que c’est la même stratégie dans leurs clips ?

A peu près oui, chaque production des Rage est l’occasion de faire passer un message. Enfin presque, parce que le clip de Killing in the name est bizarrement complètement normal, c’est une captation de 2 live donnés par le groupe dans des salles de Los Angeles, tournée par un élève à qui Morello apprenait la guitare. C’est brut, foutraque. Ils se sont peut-être dit qu’il fallait y aller mollo avec le premier single, afin de se faire connaître et pouvoir monter en puissance ensuite…

Puisque c’est le cas, avec les 2 autres clips réalisés par Peter Christopherson (accessoirement co-fondateur de Coil et Throbbing Gristle pour ceux qui connaissent !).

Primo, on a le clip de Bombtrack.

INSERT — Bombtrack

Bombtrack c’est une démonstration de soutien au parti communiste péruvien Sendero Luminoso (Sentier Lumineux), classifié par les Etats-Unis comme étant une organisation terroriste… La vidéo est assez horrible à regarder puisque c’est vraiment un objet de propagande, tu as plein de plans sur le groupe qui joue enfermé dans une grande cage avec en parallèle des plans sur des prisonniers, des soldats, des manifs, plein de gens qui se castagnent. Y’a du texte avec une surimpression chelou qui explique les tenants politiques de l’affaire. La caméra est hyper nerveuse, y’a des cuts partout, on se croirait dans un film de Danny Boyle qu’aurait viré révolutionnaire.

En deuzio, on a le clip de Freedom.

INSERT — Freedom

Le clip de Freedom est un peu dans la même tonalité. Le message cette fois-ci c’est de dénoncer l’emprisonnement du militant amérindien Léonard Peltier, accusé du meurtre de 2 agents du FBI sans que sa culpabilité n’ait jamais été prouvée. Toute l’histoire nous est racontée comme dans un film muet avec des cartons qui défilent. En parallèle à ça, on a un mélange entre des passages où on voit le groupe jouer la chanson et des images issues d’un documentaire de 1992 qui vient reconstituer les faits.

Enfin bref, pour résumer la stratégie de Rage against the Machine, c’est d’utiliser absolument tous les moyens possibles pour faire passer un message. La musique porte un message, la pochette porte un message, les clips portent un message, les prestations sur scène portent un message. On milite et on affiche notre activisme partout, tout le temps, pour ne pas manquer une seule occaz’ de se faire entendre !

À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST

Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “