Red Hot Chili Peppers “Blood Sugar Sex Magik”
(1991)
EN QUELQUES MOTS
Dans cet épisode on va vous parler des Red Hot Chili Peppers, le groupe de rock le plus cool de la côte West.
Après le succès de Mother’s Milk, le groupe s’enferme plusieurs semaines pour accoucher d’un tout nouveau son en septembre 91 : Blood Sugar Sex Magik. C’est un funk bien lourd, une fusion métal et hip hop qui va rapidement séduire la terre entière. Les lignes mélodiques sont impeccables ; l’album explore une palette d’émotions beaucoup plus vastes que ses prédécesseurs, de “Give it away” à “Under the Bridge” en passant par “Breaking the Girl” ou “Suck my kiss”.
L’album devient disque d’or en deux mois à peine, et va durablement marquer les esprits. Il va aussi lancer définitivement la carrière des Red Hot et les propulser au rang de méga stars internationales.
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Retour en 1991
Voilà pour les 17 titres de Blood /Sugar /Sex /Magik. C’est le cinquième album des Red Hot. Il sort le 24 septembre 1991 en Compact disque, Cassette, vinyle et MiniDisc sur le label
Le 24 septembre 1991, c’est une sacrée date à retenir parce que deux véritables bombes vont se retrouver le même jour sur les présentoirs de tous les (bons) disquaires : « Blood Sugar Sex Magik » des Red Hot Chili Peppers et le « Nevermind » de Nirvana. 1991 C’est aussi l’année au grosses année pour le rock avec le black album de Metallica, “Use your illusion” des Guns’n’roses et “Out of time” de REM. La France n’est pas en reste consacre Elmer Food Beat groupe de l’année aux Victoire de la musique.
1991 est également marquée par la Guerre de Golf, la traversée à la rame de Gérard d’Aboville, la sortie au cinéma de Terminator 2 et mon entrée en CE1 ! J’avais 6 ans les gars
La story des Red Hot Chili Peppers
Manu : Olivia, on va maintenant revenir un petit peu en arrière sur la genèse d’un groupe, à la géométrie variable.
Quand on leur demande aujourd’hui à quand remonte la création des Red Hot, ils répondent : “quelque part entre la fin des années 70 et le début des années 90”. Ils se souviennent aussi que pour leur premier concert, ils n’avaient qu’un seul morceau à jouer. Mais ce qui les distingue déjà des autres, c’est cette énergie complètement folle et incontrôlable, comme si, je cite “ils étaient assis sur le cratère d’un volcan en éruption qui les avait mis sur orbite”.
Tout commence à la fin des années soixante-dix, à la Fairfax High School de Los Angeles, avec la rencontre de Michael Balzary, originaire d’Australie (qui adoptera peu après le surnom de Flea – qui signifie « puce », en hommage au musicien d’afrobeat, Fela Kuti) et d’Anthony Kiedis, fils du comédien Blackie Dammett. Flea fréquentait également un batteur, Jack Irons, et un guitariste en provenance d’Israël, Hillel Slovak.
On va s’écouter une de leur toute première démo, elle s‘appele “Out in LA”
INSERT — Out in LA
Manu : Les premiers albums leur assurent une jolie notoriété dans le monde du rock californien. Mais ils attendent encore la consécration. Avant de vous raconter le carton de Blood Sugar en 91, il faut revenir deux albums en arrière.
On est en 1987, les Red Hot Chili Peppers enregistrent The Uplift Mofo Party Plan. Quelques mois plus tard, pendant leur tournée, Hillel Slovak meurt d’une overdose. Irons part en dépression et quitte le groupe. Ils sont au bord du gouffre.
Il ne reste donc plus que Kiedis (au chant) et Flea (le bassiste), qui décident, malgré tout, de continuer.
Quelques mois plus tard, fin 1988, ils se lancent avec John Frusciante à la guitare et Chad Smith à la batterie. L’influence de Frusciante sur le son des Red Hot va rapidement se faire ressentir : il privilégie les mélodies et les harmonies au rythme. Ce qui va devenir la signature du groupe et permettre à Mother’s Milk, sorti en août 1989, d’être le premier grand succès commercial du groupe.
INSERT — Mother Milk
En avril 1990, après sept ans de contrat avec EMI, une clause leur permet de changer de label. Après avoir vendu 500.000 copies de Mother Milk en quelques mois à peine,tout le monde veut signer les Red Hot ! Alors les enchères démarrent entre Warner et Sony BMG qui vont se battre sans merci, Sony va même jusqu’à leur offrir un million de dollars !
Beau joueur, le patron de Warner, les appelle pour les féliciter même si c’est chez un concurrent. Et il semblerait que ça ait fait la différence : n’ayant aucune nouvelle de Sony pendant plusieurs semaines, ils reviennent sur leur décision et décident de s’engager avec la Warner.
Manu : A sa sortie en septembre 91, Blood Sugar Sex Magik est bien accueilli par la presse et devient très vite un gros succès commercial
Exactement, l’album se place au top des ventes de plusieurs pays dont les États-Unis où il est certifié septuple disque de platine. Il prend la tête des charts en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande.
Après quelques hésitations, Give It Away est choisi comme premier single et sort quelques semaines avant l’album. Le single a d’abord été mis de côté par plusieurs radios qui lui reprochaient son manque de mélodie, mais c’est grâce à une célèbre radio de Los Angeles, KROQS, que le titre a pris son envol et que le clip a tourné en boucle sur MTV.
Ça devient la grosse folie !
On écoute une interview de Flea, le bassiste, qui en parle beaucoup mieux que moi :
INSERT — MTV Flea
Il faut vite choisir un 2e single. Le groupe ne pense pas qu’Under the Bridge soit le titre adéquat. C’est plutôt une chanson triste. Elle évoque les problèmes de drogue de Kiedis.
Mais lors d’un concert auquel assistent plusieurs représentants de Warner, Kiedis rate le début de la chanson et c’est le public qui reprend les paroles instantanément. Super gêné par sa prestation, il s’excuse ensuite auprès des producteurs qui lui répondent « Raté ? Tu plaisantes ? Tout le monde connaissait la chanson par cœur, c’est notre prochain single ».
Manu : Under the Bridge sort le 10 mars 1992 et entre directement à la deuxième place du Billboard et relance les ventes de l’album.
Blood Sugar Sex Magik dépasse ainsi le million d’exemplaires vendus aux USA le 1er avril 1992. L’album se vendra finalement à plus de quinze millions d’exemplaires dans le monde.
Des ventes mais aussi des récompenses : aux MTV Video Music Awards 1992, les Red Hot sont nommés dans six catégories pour Give It Away et dans trois pour Under the Bridge. Ils en remportent trois : vidéo la plus révolutionnaire et meilleure direction artistique pour Give It Away et choix des téléspectateurs Under the bridge. Puis lors des Grammy Awards, ils obtiennent le prix de la meilleure prestation hard rock pour Give It Away.
Manu : et oui Red Hot est un super groupe de live et ils vont entamer la tournée « Blood Sugar Sex Magik » qui ça s’avérer être TRÈS mouvementée
Le groupe part en tournée à travers le pays avec Pearl Jam et The Smashing Pumpkins. Mais ça ne se passe pas tout à fait comme prévu : leur popularité grandissante rend Frusciante, le guitariste, malheureux. Il porte un regard de plus en plus cynique sur leur succès et tombe rapidement en dépression. Il devient paranoïaque et imprévisible. Il va même se battre avec Kiedis qui l’accuse de ne pas respecter le public.
Il y aura aussi ce moment très compliqué lors du Saturday Night Live : dès leur arrivée dans les studios à New York, Frusciante s’engueule avec l’équipe de l’émission et menace de ne pas faire le show. Puis pendant le direct, alors qu’ils débutent Under the Bridge, Frusciante sabote le morceau pour que Kiedis se plante
INSERT — Under the bridge SNL
Dans son autobiographie, Scar Tissue, Anthony Kiedis raconte le moment :
“Nous étions à la télévision en direct devant des millions de personnes, et c’était de la torture. Je n’avais aucune idée de la chanson qu’il jouait ou de la tonalité dans laquelle il se trouvait. J’avais l’impression de me faire poignarder dans le dos et de me faire ridiculiser devant toute l’Amérique pendant que ce gars était dans un coin dans l’ombre, jouant une expérimentation désaccordée et dissonante. J’ai pensé qu’il l’avait fait exprès, juste pour me faire chier.”
La tournée continue malgré les tensions. Et le succès est là. Les promoteurs souhaitent d’ailleurs un groupe plus important que Pearl Jam pour jouer en premier partie. Kiedis suggère Nirvana, qui accepte. Mais les Smashing Pumpkins claquent la porte de la tournée, Billy Corgan refusant d’être associé à Nirvana puisque Cobain est en couple avec Courtney Love, qui n’est autre que … son ancienne petite amie.
Après quelques dates fin 1991 avec Nirvana, ils se produisent en Europe sur les premiers mois de 1992, avant de poursuivre au Japon début mai. Frusciante quitte définitivement le groupe et ils sont obligés d’annuler les dates suivantes. C’est finalement Dave Navarro, le guitariste du groupe Jane’s addiction, qui les rejoindra quelques mois plus tard et qui restera jusqu’en 1998. Avant d’être à nouveau remplacé par… John Frusciante.
Manu : Ce disque marque la fin d’un cycle pour les Red Hot, pour beaucoup de fans c’est leur meilleur album, le plus abouti avant le grand virage pop de Californication. Grosse influence aussi pour le monde le Hip hop ou le néo métal je pense à Dr Dre ou Limp Bizkit qui les cités régulièrement en interview…
Le making-of de "Blood Sugar Sex Magik"
MANU : Allez c’est l’heure de parler des coulisses de l’enregistrement de ce Blood Sugar SEX MAGIC. De l’aveu même d’Anthony Kiedis, la session d’enregistrement « la plus merveilleuse » de la carrière des RED HOT, Grégoire…
Oui car les RED HOT font le choix de ne pas retourner en studio pour ce 5ème album mais d’aller vivre dans un manoir sur les hauteurs de Los Angeles, un manoir qui aurait appartenu au magicien Houdini et évidemment réputé « hanté », ça devrait vous rappeler les conditions l’enregistrement du OK COMPUTER de Radiohead, là encore une histoire de manoir hanté, ça sent le bon coup marketing mais cela n’empêchera pas le producteur de l’album Rick Rubin de faire l’acquisition de cette modeste bicoque d’une dizaine de chambres et qui verra défiler dans les 90’s, Marilyn Manson, System of a Down ou encore Jay-Z.
Après une longue période de composition, l’enregistrement de BSSM se déroule sur un mois environ, un mois au cours duquel les musiciens vont pouvoir se concentrer uniquement sur leur musique, écoutez ce qu’en disait le chanteur Anthony Kiedis dans un documentaire de MTV
INSERT — extrait ITV
Et si vous voulez en savoir plus sur cette session d’enregistrement, vous pouvez allez voir le documentaire Funky Monks, on y voit les Red Hot en pleine création et on peut y entendre notamment la première version de Soul To squeeze qui devait apparaître sur l’album mais qui finalement sortira deux ans plus tard
INSERT — Soul to Squeeze
MANU : Et Grégoire, cette session, elle se déroule aussi dans un contexte de changements pour le groupe…
Oui changement de label, Red Hot quitte EMI pour Warner et puis changement de producteur avec, on en a déjà parlé, l’arrivée de Rick Rubin, le début d’une collaboration fructueuse puisque ce dernier produira tous les albums du groupe jusqu’en 2011 avec I’m with you.
En réalité, ce pionnier du hip hop à la longue barbe de biker, co-fondateur du label Def Jam avait déjà été sollicité par les RED HOT plusieurs années auparavant. Il les avait vu en concert, il les trouvait extraordinairement bon mais il n’a pas voulu bosser avec eux à cause de leur consommation excessive de stupéfiants et de la mauvaise énergie qui circulait à l’époque au sein du groupe.
Rick Rubin c’est un maître : avant les Red Hot, il a produit Public Enemy, Beastie Boys, Run DMC, Slayer, difficile de trouver un choix plus judicieux pour ce Blood Sugar Sex Magic qui fusionne rap, funk et rock. D’ailleurs, les membres des RED HOT ne tarissent pas d’éloges sur lui et le considèrent comme le grand artisan de leur succès, on va entendre Flea, John Frusciante et Anthony Kiedis.
INSERT — Rick Rubin
MANU / Et Greg, ce disque c’est aussi un tournant sur le plan musical pour les Red Hot…
C’est un disque beaucoup moins axé sur les jam sessions et l’improvisation, il y a une attention particulière à la structure des morceaux et surtout la palette musicale du groupe va considérablement s’élargir, c’est un disque bourré d’influences qui vont du hip-hop au funk instrumental des Meters en passant par la pop, le blues et le rock 70’s comme en témoigne cette ambiance pastorale à la Led Zeppelin sur Breaking the Girl, morceau où la guitare acoustique fait une première apparition dans la discographie des Red Hot
INSERT — Breaking the girl
MANU / Greg, pour bien nous faire comprendre toute la créativité et le talent des RED HOT, tu nous proposes de nous décortiquer le premier single de l’album Give It Away…
INSERT — Give it away intro
Un super morceau qui naît d’une ligne de basse; Flea qui avait souvent tendance à en rajouter (sans doute l’influence du jazz, il faut savoir que Flea est aussi un trompettiste de jazz), sur les conseils de Rick Rubin, il simplifie son jeu, voici ce que ça donne
INSERT — basse
A cela vous ajouter la guitare qui en quelque sorte effectue un mouvement opposé, la basse descend avec ce long slide, ce glissé vers le bas du manche tandis que la guitare monte.
INSERT — guitare
Côté guitare, on peut aussi relever ce solo de John Frusciante en reverse, c’est-à-dire que le son a été inversé en post production
INSERT — Guitare solo
Si le titre est aussi entraînant, c’est également grâce à la voix d’Anthony Kiedis, très compressé, très sèche, très percussive notamment à cause des syllabes utilisées pour les paroles. Remarquez aussi comment il module sa voix pour la faire légèrement monter vers les aigus, ce qui ajoute un plus de tension au morceau
INSERT — chant
Enfin, notons la présence d’une guimbarde sur le refrain qui vient soutenir rythmiquement l’ensemble du morceau, vous noterez aussi le riff de clavier qui ponctue les couplets
INSERT — Gimbarde
A cela vous ajoutez la batterie bien lourde de Chad Smith et ces coups de cymbales haut perchées et ça donne ça :
INSERT — Give it away fin
MANU/ Et évidemment Greg, il faut que l’on parle d’Under The Bridge, un titre au départ ne devrait même pas figurer sur l’album !
En fait à l’origine, Under The bridge c’est un poème écrit par Anthony Kiedis, sous le pont est une allusion à un rendez vous de toxicomanes situé sous un pont dans un parc de Los Angeles, un endroit où Anthony Kiedis et l’ancien guitariste et compositeur du groupe, Hillel Slovak venait se fournir en dope. C’est Rick Rubin qui va convaincre Kiedis de lire le texte aux autres membres du groupe. Au début le chanteur n’est pas très chaud, le texte est très personnel et fait référence à la mort de Slovak, décédé d’une overdose seulement 3 ans auparavant.
Musicalement, Under the bridge traduit bien l’évolution musicale du groupe vers des morceaux plus pop et structurés, John Frusciante montre ici toute l’étendue de son talent avec ce riff de guitare vaguement inspiré du titre Andy Warhol de David Bowie. A noter que c’est la mère du guitariste et le choeur de sa paroisse qui offre ce final grandiose à ce morceau qui va on peut le dire lancer la carrière et le succès international des RED HOT CHILI PEPPERS
INSERT — Under the bridge final
L'univers visuel des Red Hot
Manu : Merci Grégoire pour ce tour complet de la prod ! On part maintenant découvrir l’univers visuel des Red Hot, l’archétype du groupe cool et tatoué ! On commence par quoi Fanny, on commence avec la pochette ?
Oui, si tu veux ! Aujourd’hui on va parler d’une pochette assez culte et avouons-le assez ringarde !
Bon, il faut dire qu’à ce moment-là de leur carrière, les Chili ont déjà sorti 4 albums aux pochettes toutes plus cheum les unes que les autres. Le visuel de Mother’s Milk sort un peu du lot et on retrouver d’ailleurs ici quelques similitudes, c’est à dire une composition en noir-et blanc décorée de roses rouges. Sur la pochette de Blood Sugar Sex Magik, on voit dans chaque coin le visage de profil d’un membre du groupe entouré de photos de roses.
Les 4 hommes tirent la langue sauf que cette langue est remplacée par un dessin barbelé qui vient s’entremêler au centre de la composition pour créer un gros motif tribal.
On est ici en plein dans l’univers du tatouage, et le dessin de la pochette a d’ailleurs été réalisé par le tatoueur néerlandais Henk Schiffmacher, plus connu sous le pseudo de Hanky Panky. Je replante le décor : nous sommes à Los Angeles avec un groupe né au milieu des années 1980, c’est-à-dire en pleine vague punk. L.A. est alors l’endroit où s’agrègent un grand nombre de sous-cultures : le surf et le skate dont j’ai parlé dans l’épisode sur Ben Harper, le graff, le tatouage, les scènes musicales underground.
En 1989, le fondateur du zine punk Search & Destroy publie la revue Modern Primitivism, qui est considérée comme la Bible du tatouage et des modifications corporelles. Dedans, on retrouve notamment le fameux tatoueur Hanky Panky, qui est l’auteur du grand oiseau-tonnerre amérindien qu’on peut voir dans le dos d’Anthony Kiedis et de ses manchettes tribales.
Ce qui est indéniable c’est que la sortie de cette revue, puis de cette pochette d’album ont contribué à démocratiser le tatouage auprès des jeunes, alors qu’il était pendant longtemps l’apanage des marins et des repris de justice. Quand on a des rock stars comme Flea et Anthony Kiedis qui n’ont pas l’air d’avoir de tshirt ou de chemises dans leur garde robe et qui trimballent leurs corps tatoués sur toutes les scènes du monde, forcément ça a un impact ! Donc cette pochette, aussi ringarde soit-elle aujourd’hui, est un putain de morceau de culture populaire, elle est l’emblème de toute une époque !
Manu : Attends c’est ouf cette histoire, je savais pas du tout ! Et tu ne parles pas de la rose au centre de la pochette. De quoi est-elle le symbole ? D’une vulve, de l’amour, de l’innocence ? Moi j’y vois un méga cunnilingus mais je suis peut-être obsédé !
Désolé Manu, j’ai rien trouvé sur la symbolique de la rose dans cet album, mais avec la moitié des chansons qui parlent de cul et ce gros lover de Kiedis aux manettes, y’a fort à parier que tu aies raison ! Bref, en dehors du dessin d’Hanky Panky, on trouve aussi une personne que j’adore à la direction artistique de l’album puisqu’il s’agit ni plus ni moins que du réalisateur Gus Van Sant !
C’est lui qui prend tous les beaux portraits en noir et blanc et les détails des tatouages des membres du groupe qu’on voit à l’intérieur aux côtés des paroles des chansons écrites à la main par Kiedis. En 91, la même année que l’album Blood Sugar, sort sur les écrans My Own Private Idaho, film de Gus Van Sant avec les jeunes stars montantes d’Hollywood River Phoenix et Keanu Reeves, dans lequel Flea fait une apparition.
Pour l’apparté morbide : quand River Phoenix meurt d’un arrêt cardiaque en 1993, il est accompagné de Flea qu’il venait voir sur scène et le cocktail de coke et d’héroïne qui lui sera fatal, ce n’est autre que John Frusciante qui le lui fait boire…
Manu : Sympa tes anecdotes, Fanny, tu veux qu’on perde tous nos auditeurs c’est ça ?
Haha, non, je ne fais qu’énoncer des faits de notoriété publique ! Y’a beaucoup d’histoires de drogue dans l’entourage des Red Hot, je vous invite d’ailleurs à écouter les 2 épisodes du super podcast Recoversion dédiés à John Frusciante, vous comprendrez mieux !
Mais bon, revenons à Gus Van Sant, puisqu’il ne se limite pas à la D.A. de l’album, il signe aussi la réalisation du clip d’Under the Bridge !
Flea considère que c’est grâce à ce clip, diffusé en boucle sur MTV, que le groupe est passé de l’ombre à la culture mainstream. On y voit un mélange de plans ésotériques tournés en studio avec des surimpressions de paysages étoilés par-dessus le visage des musiciens et de plans réalistes tournés à travers la ville de Los Angeles.
Si ce clip est plutôt cool, et malgré toute l’affection que j’ai pour Gus Van Sant, justement pour tous ses liens avec le rock US indépendant, je dois reconnaître que ça n’arrive pas à la cheville de THE vidéo de l’album selon moi, un ovni filmique complètement dingue et génial tourné pour le single Give It Away :
INSERT — ‘Give it Away’
Dans son autobiographie Scar Tissues, Kiedis raconte le contexte de ce clip :
“J’ai regardé des bandes demo de réalisateurs encore et encore mais rien ne me semblait assez bon. Tout se ressemblait : de la merde ennuyeuse, homogénéisée et articifielle. Finalement, je suis tombé sur le clip d’un groupe français signé par un réalisateur nommé Stéphane Sednaoui. J’ai été époustouflé par cette vidéo, vraiment unique en son genre.”
La vidéo en question, c’est ‘Le monde de demain’ du Supreme NTM, effectivement excellente et avec laquelle on trouve de points communs comme l’emploi du noir et blanc, un montage nerveux avec une grande variété de plans et cet aspect très graphique. Pour le clip des Red Hot, Stéphane Sednaoui décide de localiser l’action dans un paysage désertique afin de garder l’attention sur les membres du groupe, coupés de toutes références extérieures.
Il va recouvrir leur corps de peinture argentée et les habiller de fringues exubérantes. Et c’est là que la magie opère, de l’aveu de Sednaoui-même, les musiciens jouent le jeu au-delà de ses espérances : leur attitude, leur sens du spectacle et leur énergie de dingue font de ce tournage en grande partie improvisé un grand succès.
Dans l’ensemble, la vidéo de Give It Away est une personnification du morceau qui est super entraînant. Les nombreuses techniques filmiques viennent toutes souligner des particularités de la bande son : on a des plans en grand angle, en contre-plongée, des surimpressions, des split screens, des jeux de lumière. A un moment, on voit John Frusciante danser avec un ruban, à cet instant de la chanson les Red Hot utilisent une technique qui s’appelle le backmasking, comme l’évoquait Greg tout à l’heure, c’est à dire que le son est enregistré à l’envers sur la piste. On entend la batterie de Chad Smith à l’endroit et simultanément, on entend la guitare de Frusciante à l’envers. Et le truc génial, c’est que Stéphane Sednaoui va reprendre le même principe dans son clip puisqu’à l’écran, ce court plan avec la danse du ruban est joué en marche-arrière !
Bref, cette vidéo qui aura coûté dans les 140 000$ à produire est pour moi l’une des plus incontournables du début des 90s et surtout elle s’inscrit dans cette mode que j’ai déjà évoquée des clips tournés dans le désert, souvenez-vous « Say you’ll be there » des Spice Girls, California Love de 2Pac ! Je sais pas si c’est l’héritage de Mad Max ou quoi, mais on est clairement dans une iconographie typiquement californienne.
Voilà, et je voulais terminer cette chronique en citant un couplet du morceau Give it Away qui dit “There’s a river, born to be a giver,
Keep you warm, won’t let you shiver
His heart is never going to wither »
« Il y a River, né pour être un donneur /
Vous garder au chaud, ne pas vous laisser frissonner.
Son cœur jamais ne va fâner. »
oilà et je vous le donne en mille, la rivière ou plutôt le River dont il est question dans la chanson, c’est leur copain River Phoenix, le frère de Joaquin. Un des nombreux talents brisés des nineties.
À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST
Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.
Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !
« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »
Manu, Fanny, Olivia et Grégoire
“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “