Whitney Houston “The Bodyguard OST”
(1992)
EN QUELQUES MOTS
Dans cet épisode on va vous parler de Whitney Elizabeth Houston, sans doute la plus grande divas des 90s.
Whitney est une légende. La star noire américaine a déjà dominé la scène pop et soul des années 80, battant aux passages tous les records de ventes mais en 1992, peu de gens avait prédit que la BO du film The Bodyguard deviendrait un tel phénomène.
Whitney y joue le rôle d’une chanteuse en pleine ascension aux côtés de Kevin Costner, et en signe la bande originale. Elle contient une collection de tubes comme “Run to you”, “I’m every woman”, “I have nothing” et bien sûr “I Will always love you”, un des titres les plus célèbres des 90s.
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Retour en 1992
Si Whitney Houston n’est pas la seule artiste à participer à la bande originale du film, elle en est sûrement la figure de proue, et occupe à elle seule la première face du disque.
Voilà pour les 6 titres de The Bodygard, et oui là on triche parce que Whitney n’est pas la seule à participer à la bande originale. Elle en est la figure de proue et occupe à elle seule la première moitié du disque. Il y a bien 13 titres en tout, il faut quand même citer le thème du film composé par Alan Sivestri, ainsi que Lisa Stansfield, The Soul System, Curtis Stigers, Joe Cocker et deux titres du saxophoniste Kenny G.
La BO sort le 17 novembre 1992 en Compact disque, Cassette et vinyle sur le label Arista (chez BMG)
On retrouve la BO dans les bacs de la FNAC aux côtés du premier album de Rage Against the Machine, le Clapton Unplugged, mais aussi du Céline Dion chante Plamondon et du premier album de Jordy !
1992 c’est aussi l’année du traité de Maastricht, l’ouverture d’Euro Disney, l’arrivée de Super Nintendo et la découverte de Maman j’ai encore raté l’avion au cinéma. Voilà pour l’éphéméride 🙂
La story de Whitney Houston
Manu : Aller on va revenir sur le destin incroyable de Whitney avec toi Olivia, une histoire qui commence comme un conte de fée au mois d’août 1963.
Whitney Elizabeth Houston naît le 9 août 1963 à Newark, dans le New Jersey, au sein d’une famille dont les deux piliers sont la musique et la religion. Son père, John, est un businessman qui trempe dans le show business et la politique, et sa mère, Cissy, est une chanteuse de gospel et de soul qui a été choriste pour Aretha Franklin et Elvis Presley. Elle a autrefois tenté une carrière en solo qui n’a jamais décollé et c’est cet échec qui la pousse à faire de sa fille une superstar. La petite Whitney, que sa famille surnomme Nippy, prend très jeune des cours de musique et chante à l’église de la famille, la New Hope Baptist Church.
INSERT — Whitney Gospel
docu Whitney / Gospel (6:45)
Ado, Whitney fait un peu de mannequinat. Elle continue de chanter bien sûr et va même remplacer sa mère lors d’un concert. Sa voix est évidemment très vite remarquée. Ses parents font monter les enchères des maisons de disques qui se déchirent pour la signer. C’est finalement Clive Davis du label Arista qui remporte le jackpot et la prend sous son aile alors qu’elle n’a que vingt ans.
Deux ans plus tard, son premier album sort et s’intitule tout simplement Whitney Houston. Gros succès : il atteint la première place aux États-Unis et se vend à plus de 25 millions d’exemplaires dans le monde. C’est la meilleure vente d’un premier album pour un artiste solo.
INSERT — docu succès
La machine à hits est lancée ! Plus rien ne l’arrête : en 1987, son deuxième album, baptisé Whitney (oui, pourquoi s’emmerder à choisir des titres compliqués finalement ?), est, dès sa sortie, en première position du top albums américain — c’est la toute première fois pour une femme ! Pas moins de six singles sont extraits de ce disque. Elle va réussir l’exploit d’être quatre fois numéro 1 des charts et bat ainsi le record des Beatles.
Parmi ces singles, il y a un que l’on a tous en tête : I Wanna Dance with Somebody (Who Loves Me) !
INSERT — I Wanna dance with somebody
Manu : Pendant les années 1990, Whitney Houston sort moins de disques mais elle ajoute une corde à son arc : elle se tourne vers le cinéma et la musique de bande originale. Et c’est ce qui nous amène aujourd’hui !
Son premier film Bodyguard sort, on l’a dit, en 1992. C’est la consécration absolue : le film génère plus de 410 millions de dollars de chiffre d’affaires !
INSERT — bande annonce Film VF
Donc Bodyguard, de quoi ça parle exactement ?
Frank Farmer, garde du corps de son état, est engagé pour s’occuper de la sécurité de Rachel Marron, la chanteuse et actrice la plus en vue du moment.
Quelques heures avant son concert, Rachel reçoit un bouquet de fleurs avec une enveloppe dans laquelle elle découvre une lettre de menaces. Rachel panique. Elle décide tout de même de donner son concert. Hélas, la situation dégénère très vite: le public envahit la scène et emporte la chanteuse. Dan, le fan déséquilibré qui a envoyé les lettres, est là et récupère un morceau de la robe de Rachel ainsi qu’une perle. Finalement, plus peur que de mal, Rachel est sauvée par les bras musclés de Frank.
Le lendemain, Rachel invite Frank à dîner. Evidemment, gros rapprochement lors d’un slow et sans vraiment comprendre comment, Frank se retrouve dans le lit de la chanteuse. Le lendemain matin, plein de regrets, il préfère mettre un terme à leur relation. Dès lors, Rachel est insupportable avec lui. Elle fait presque exprès de se mettre en danger. Frank, à bout de nerfs, croyant qu’elle a disparu alors qu’elle était juste partie faire du shopping, préfère démissionner mais Rachel le retient en lui disant qu’elle fera désormais tout ce qu’il veut.
Du coup, Frank décide d’emmener Rachel, Nicki sa sœur et Fletcher dans la maison de son père en pleine forêt où il pense pouvoir la protéger plus efficacement.
Un après-midi, Frank remarque des traces de pas dans la neige et voit que Fletcher est en train de jouer dans une barque sur le lac ; pris d’une intuition soudaine, il se jette sur la barque et récupère Fletcher. Alors qu’il ramène le garçon sur le bord, boum ! la barque explose ! Inquiets, ils décident de partir mais leurs voitures ont été sabotées, ainsi que la ligne téléphonique : ils sont prisonniers jusqu’au lendemain. Dans la nuit, Frank entend des bruits suspects et se précipite vers la chambre de Rachel ; le tueur est entré dans la maison, mais il tue Nicki par erreur.
Puis, c’est la scène des Oscars… où l’on comprend enfin qui est le tueur. Frank sauve à nouveau Rachel mais reçoit une balle dans l’épaule.
Dernière séquence : Frank le bras en écharpe vient dire au revoir à Rachel sur le tarmac de de l’aéroport. Elle monte dans l’avion, mais alors que celui-ci commence à rouler, elle demande au pilote de s’arrêter, descend et court dans les bras de Frank pour l’embrasser passionnément sur les premières notes d’ I will always love you, la chanson sur laquelle ils ont dansé un slow lors de leur premier rendez-vous.
(Pause pour réactions)
On l’a dit, le film est un énorme carton (410 millions de dollars de chiffre d’affaires). La carrière de Whitney est propulsée à un niveau stratosphérique comme l’explique sa famille dans le documentaire de Kevin MacDonald, sorti en 2018. Elle devient une immense star dans le monde entier. A tel point qu’en 1994, elle est la première artiste internationale à jouer en Afrique du Sud après la fin de l’apartheid. C’est historique !
Parce que oui, Bodyguard va avoir un impact politique très fort : on parle ici d’une femme noire puissante et adulée qui tombe amoureuse d’un homme blanc à son service. On n’avait jamais vu ça à Hollywood ! Ça va complètement faire bouger les lignes.
C’est Kevin Costner lui-même qui en parle le mieux :
INSERT — Kevin Costner (01h01’45’)
“L’idée qu’elle était ma partenaire principale a fait beaucoup de tapage dans la communauté afro-américaine. Moi, je ne voyais pas les choses comme ça, je voyais juste la plus mignonne, la plus belle fille qui pouvait être chanteuse. Et le fait est qu’elle était noire. Et j’ai réalisé qu’elle a demandé à l’avion de s’arrêter. Elle a dévalé les escaliers en courant, comme toute femme blanche aurait couru pour embrasser Cary Grant, ou ce genre de gars. Et la caméra tournait comme elle tourne quand des blancs s’embrassent au travers de l’histoire d’Hollywood.
Et on a oublié nos couleurs de peau.
Ça a tout changé.”
Manu : Et du côté de la BO, le disque est un carton historique !
Absolument ! La bande originale de Bodyguard est la musique de film la plus vendue dans le monde, avec plus de 44 millions d’exemplaires. C’est notamment grâce à son tube I Will Always Love You, qui est, on ne le sait pas toujours, une reprise de Dolly Parton. Cette chère Dolly qui confiait qu’elle avait trouvé la version de Whitney Houston tellement belle en l’entendant pour la première fois à la radio, qu’elle avait dû s’arrêter sur le bas-côté de la route pour l’écouter sans créer d’accident.
I Will Always Love You, version Whitney, se classe n°1 un peu partout dans le monde en 1992/1993. C’est, aujourd’hui encore, le single le plus vendu pour une artiste féminine, avec 12 millions d’exemplaires. Ce triomphe fait de Whitney une icône de la pop mondiale.
Cette chanson, a déclenché des passions au point qu’en 93, une Anglaise a été condamnée à sept jours de prison après avoir écouté I Will Always Love You si fort et si souvent que ses voisins se sont plaints de torture psychologique et que la police l’a accusée de pollution sonore.
Un autre grand fan de Whitney, c’est… Saddam Hussein qui utilise, en 2002, une reprise en arabe d’ I Will Always Love You, comme musique thème de sa réélection présidentielle. On écoute la pop star syrienne, Mayyada Bselees.
INSERT — Mayyada Bselees
D’autres extraits de cette bande originale, tels I’m Every Woman et I Have Nothing, deviennent également des tubes internationaux atteignant le Top 10 dans de nombreux pays. Whitney Houston devient une superstar dans le monde entier alors qu’elle n’a pas 30 ans. On l’a dit, c’est le grand tournant de sa carrière. Ca l’est aussi malheureusement au niveau de sa vie personnelle : elle ne se remettra jamais vraiment de ce succès fracassant. Son mari, Bobby Brown, lui aussi chanteur, ne va pas supporter d’être relégué au second plan et de devenir Mister Houston. S’ensuit, pour Whitney, une longue et tragique descente aux enfers qui s’arrêtera brutalement le 11 février 2012.
Manu : Je vous recommande d’ailleurs le super docu tout simplement appelé “Whitney” de Kevin Macdonald, sorti en 2018 qui jette un nouveau regard sur la vie et l’oeuvre de la chanteuse. C’est assez effroyable ce qui lui arrive : Sa percée fulgurante. Sa famille omniprésente. Son homosexualité présumée. Les millions de dollars. Bobby Brown. La drogue. Moi j’ai trouvé que c’était super bien fait il lui a vraiment rendu sa dignité.
Le making-of de "The Bodyguard OST"
Manu : Voilà on va maintenant partir en studio avec toi Grégoire. Tu vas nous parler de l’enregistrement de cette bande originale très particulière puisqu’elle comporte 6 titres seulement chantés par Whitney Houston.
Oui et c’est important de le mentionner parce que pour une fois sur Radio K7 on ne parle pas d’un album studio mais d’une BO avec encore plus de personnes impliquées sur le projet et qui ont chacun leur mot à dire : à la fois le réalisateur du film, les producteurs dont Kevin Costner, le music superviser en la personne de Maureen Crowe, c’est elle qui est chargée de dénicher des morceaux déjà enregistrés et de trouver des musiciens pour composer des titres originaux. A cela vous ajoutez, l’artiste Whitney Houston, son producteur le grand Clive Davis et enfin le directeur artistique et arrangeur, David Foster.
Nous, on va surtout parler du dernier, c’est un peu lui le sorcier qui se cache derrière les tubes de Whitney Houston sur Bodyguard. Au cours de sa carrière, ce musicien canadien va récolter 16 Grammy Awards et écrire pour des artistes aussi célèbre qu’Earth Wind and Fire, Céline Dion, Barbara Streisand, Michael Jackson, Beyoncé, bref on c’est un peu le Jean-Jacques Goldman de la musique américaine, un homme de l’ombre mais omniprésent dans la musique populaire depuis les années 80.
Sur Bodyguard, la première priorité de l’équipe c’est de trouver la chanson phare, celle qui va porter le film, Kevin Costner suggère « What becomes of the brokenhearted », une balade de 1966 signée Jimmy Ruffin, un artiste que j’adore.
INSERT — Jimmy Ruffin
Foster se met au boulot, crée un démo, l’écoute avec Whitney Houston mais les deux conviennent que cela ne fonctionne pas. Dans son autobiographie, modestement intitulée Hitman (un jeu de mot entre faiseur de Hits et tueur à gages), Foster explique que le ton de la chanson est un peu trop feel-good et joyeux, c’est pas vraiment ce qui est recherché, l’autre problème, c’est la durée : dans les années 90, les titres dépassent largement les 3’30, 4 minutes, dans les années 60 on est plutôt sur des titres de 2’30 et donc c’est pas facile de faire monter la sauce sur un titre pop aussi court.
Mais bon Kevin Costner insiste, Whitney Houston aussi, il se lance sans conviction sur une deuxième version c’est là qu’il est sauvé par le Gong, il apprend que le star britannique, Paul Young s’apprête à sortir sa propre version du titre de Jimmy Ruffin, il appelle tout de suite Kevin Costner, un brin soulagé pour lui dire qu’il faut trouver un autre morceau.
MANU / Quelques jours plus tard, c’est Kevin Costner qui le rappelle pour lui suggérer le titre « I Will Always Love You »
Oui un titre de 1974 signé de la reine country Dolly Parton mais que ne connaît pas David Foster. Il y avait pas encore internet. C’est donc à partir de la version d’une autre chanteuse country, Linda Ronstadt qu’il va travailler.
INSERT — Linda RONSTADT
En écoutant le morceau, Foster a immédiatement en tête ce qui va faire chavirer les oreilles et les coeurs, c’est ce moment magique de transition entre le couplet et le refrain, ce HOOK de folie (pour la définition du Hook, merci de vous reporter à notre épisode sur ACE OF BASE) bon ok je vous la donne, le HOOK c’est ce qui va accrocher l’oreille de l’auditeur, ce qui fait qu’un tube est un tube, sur I WILL ALWAYS LOVE YOU, il s’agit d’un énorme coup de tome basse dopée à la reverb, départ à contre temps du refrain puis changement de tonalité (on monte d’une tierce) et s’ouvre alors les portes du paradis ou de l’enfer, c’est selon
INSERT — I WILL ALWAYS LOVE YOU
MANU / ET Grégoire, petite particularité, I WILL ALWAYS LOVE YOU a été enregistrée LIVE.
Oui c’était une idée de Whitney Houston, enregistrer le titre sur le plateau de tournage avec ses musiciens, Foster était pas très optimiste, il trouvait ça difficile de faire les deux à la fois mais évidemment Houston sort dès le premier coup une performance de dingue avec ce début a cappella, suggéré par Kevin Costner et cette explosion de cordes à la fin du titre.
Foster et ses équipes repartent en studio à LOS ANGELES pour peaufiner le morceau. Pas n’importe quel studio mais le Ocean Way Recording sur Sunset boulevard, un complexe de studios d’enregistrement qui doit beaucoup à la science de Bill Putman, un ingénieur du son considéré comme le père de l’enregistrement moderne.
Les studios allient matériel de pointe et ambiance cosy et ont joué un rôle central dans la musique américaine des années 80 et 90. Je vous donne quelque noms des artistes qui y sont passés et vous allez comprendre : Michael Jackson, Madonna, Mariah Carey, Dr Dre, Bob Dylan, Kanye West, Elton John…
C’est donc dans ces studios mythiques que Foster va travailler sur I Will Always Love You mais aussi enregistrer d’autres titres notamment la ballade intitulée I Have nothing, l’une des performances vocales les plus remarquables de Whitney Houston ou l’entraînant I AM EVERY WOMAN reprise d’une chanson de la période disco de CHAKA KHAN…
INSERT — I’m every woman
En studio, Foster est impressionné par le charisme et la discipline de Whitney Houston qui doit jongler entre le tournage et les sessions d’enregistrement. Ecoutez ce qu’il dit de Whitney Houston qu’il compare à l’autre diva qu’il a contribué à lancer sur le marché américain, j’ai nommé Céline Dion.
INSERT — INTERVIEW FOSTER
MANU/ Et Grégoire, il faut aussi savoir que le mix que l’on entend, celui que tout le monde connaît de I WILL ALWAYS LOVE YOU n’est pas du tout celui que David Foster avait en tête.
Et oui, au moment où il finalise le titre, il demande à son ingénieur du son David Reitzas, de ne pas trop se prendre la tête sur le mix. Pourquoi? Car, la version finale doit être validée par le producteur de Whitney Houston, Clive Davis et il a une réputation Clive Davis. Il est jamais content et demande toujours des modifications. Donc malin, Foster se dit on lui envoie un truc fait à l’arrache comme ça la deuxième version lui paraîtra extraordinaire. Donc il lui envoie un mix dans lequel selon Foster la reverb de la voix ne convient pas, où les cordes ne sont pas assez puissantes, le saxo trop fort, il voulait aussi ajouter de petits arrangements de guitare, bref ça va pas mais il lui envoie.
Clive David le rappelle et lui dit : j’adore. Clive Davis, le gars qui n’est jamais content lui dit j’adore. Foster est emmerdé il lui fait comprendre qu’il a encore du travail sur le morceau mais rien à faire, le producteur va rester bloqué sur cette première version malgré les mix beaucoup plus perfectionnés qui lui seront proposés et bien meilleurs selon Foster mais ça on ne le saura jamais !
L'univers visuel de The Bodyguard
Manu : Bodyguard, c’est sans doute LA B.O. dont on avait tous le CD à la maison ! Sa pochette, on la connaît par cœur. Tu peux nous en dire plus là-dessus, Fanny ?
Ce qu’on a tous en tête, c’est la photo de couverture mais je dois t’avouer que je ne me rappelais plus du tout de l’intérieur de la jaquette donc ça m’a bien rafraîchi la mémoire de bosser dessus ! Bon, déjà en couv’, au cas où certains l’auraient oublié, on voit dans les 2/3 gauche un portrait de Whitney, extrait d’un passage du film où elle porte une grande cape noire en satin avec une capuche sur la tête. Elle a la bouche entrouverte dans une expression qui lui donne l’air d’être sur le point de chanter ! Dans le coin droit en haut, on a une mosaïque avec 9 fois le même petit portrait de Kevin Costner, sous les traits du garde du corps Frank Farmer. Il a l’air méchant, le front plissé et un flingue à la main, ça rigole pas.
La composition est très simple au final, on a le titre du film + ‘original soundtrack album’ écrit dans le bas à droite et le nom des 2 acteurs inscrit au-dessus de leur visage. Sauf que comme le graphiste était dyslexique, il a mis Kevin Costner au dessus de la tête de Whitney et Whitney Houston sur la tête de Kevin, je sais pas pourquoi mais ça m’a fait marrer.
Au verso de la pochette, on a la tracklist écrite sur fond rouge, les crédits et chichis habituels + une autre photo extraite du film, prise par un certain Ben Glass lors du tournage, image iconique s’il en est puisque c’est celle qui sera utilisée pour l’affiche américaine ! Vous voyez, l’image bleutée super sexy avec Kevin qui porte Whitney dans ses bras ? Dans le film, ça correspond à la scène où il l’exfiltre d’un nightclub bondé où elle venait de se produire avant de se faire agresser par la foule en délire. Il y a une anecdote marrante à propos de ce cliché culte, révélée par Kevin himself au magazine Entertainment Weekly en 2019 : c’est qu’en fait il ne s’agit pas de Whitney sur la photo mais de sa doublure, car la chanteuse était déjà rentrée chez elle à ce moment du tournage.
Manu : Mais naaaaannnn ! Un mythe s’effondre !
Bah ouais sorry, Manu. De toutes façons à Hollywood ils font toujours tout pour de faux alors une fake Whitney sur l’affiche de son propre film, ça ne m’étonne même plus !
Bon, revenons au disque ! A l’intérieur du livret, on a les crédits des chansons, des stills du film, des petits portraits en noir et blanc des autres musiciens et quelques portraits originaux de Whitney pris par la photographe Randee St. Nicholas. Les 2 femmes se sont rencontrées à l’occasion de ce contrat pour Bodyguard mais se sont liées d’amitié et Whitney déclarera plus tard que Randee est la photographe avec qui elle préfère travailler. Randee qui signe aussi le clip du single I’m Every Woman.
Sur les 6 morceaux de la BO interprétés par Whitney, il y en a 5 qui sortent en single accompagnés de clips. Je ne vais pas revenir sur tous, hein, parce que je sais que le seul que vous attendez c’est c’ui là !
INSERT — I will always love you
Ok, donc que vois-ton dans le clip d’I will always love you ? Les 45 premières secondes ce sont des scènes extraites de Bodyguard. Puis on se déplace dans une salle de théâtre vide, Whitney est assise sur une chaise, seule sur la scène. On voit quelques plans sur son visage entrecoupés d’une série de contre-champ sur la salle avec les rangées de chaises vides. Plusieurs images apparaissent en surimpression : le visage de Kevin Costner, la scène de slow extraite du film. C’est présenté comme si Whitney assistait physiquement au replay de ses propres souvenirs. Alors autant le procédé de surimpression fonctionne bien dans cette symbolique-là, autant voir Whitney suivre des yeux les personnages comme si elle et Kevin étaient là en chair et en os dans le théâtre, j’ai un peu plus de mal à capter l’intention. Mais bon, le réalisateur n’est pas à ça près puisque quelques instants après, on voit Whitney se remémorer son voyage à la montagne avec Kevin et hop en 2/2 elle est téléportée du théâtre jusqu’à la neige, toujours assise sur sa chaise. Deux hypothèses : soit elle est capable de vivre des expériences de rêve lucide hors-corps, soit elle est douée d’un don d’ubiquité. Whitney étant une déesse, moi je dis que les deux sont possibles !
Manu : Bon sans rire, ce clip c’est pas vraiment une œuvre en soi, plus un publi-reportage qui fait la promotion de Bodyguard.
Oui, ça ne casse pas 3 pattes à un canard. En faisant mes recherches, j’ai appris que le réalisateur s’appelle Alan Smithee, est-ce que vous en avez déjà entendu parler ?
Moi non plus ! Donc je creuse un peu plus et là j’apprends qu’Alan Smithee en fait n’existe pas ! C’est comme John Doe, c’est un pseudo qu’on crédite lorsque le réalisateur, pour une raison ou une autre, refuse de signer son œuvre. Souvent à cause d’un conflit avec le producteur qui ne lui laisse pas le final cut ! Et bien là c’est le cas pour I Will Always Love You ! Le réal, qui s’appelle Nick Brandt, n’était pas content parce que c’est Clive Davis qui a eu le dernier mot sur le montage donc il a renié son travail et fait signé le clip du nom d’Alan Smithee ! C’est ouf cette histoire, non ? J’avais jamais entendu parler de ça avant !
Je fais un petit aparté sur Nick Brandt, qui est donc un réalisateur et photographe anglais. Au début de sa carrière, il a tourné pas mal de clips, notamment pour Michael Jackson. La célébrissime vidéo de Earth Song, c’est lui ! Lors du tournage d’Earth Song d’ailleurs, en Tanzanie, il tombe amoureux de la faune et de la flore africaine. Comme il n’arrive pas à retransmettre ses émotions en vidéo, il décide de se lancer dans un projet photographique au long court pour rendre hommage à la grandeur de ce continent et la majesté du règne animal. En lisant ça, ça a fait tilt dans mon cerveau parce que oui, Nick Brandt est hyper connu pour ce travail photographique. Des photos en noir et blanc de ouf, qui ont été publiées et exposées partout et que vous avez forcément dû voir passer si vous aimez un tant soit peu la nature ou bien la photographie !
Cet aparté étant bouclé, je voulais conclure avec un point qui m’a beaucoup intéressée concernant l’image de Whitney Houston. C’est tout le jeu de mise en abîme entre elle et son personnage de Rachel Marron. Hormis le fait qu’elle joue une diva légèrement insupportable à l’écran, il faut croire que la fiction a un peu contaminé de réel puisque Whitney était apparemment elle-même insupportable sur le tournage. Le réalisateur lui avait demandé de ne pas prendre de cours avant de commencer à filmer, donc on peut légitimement se demander ce qui tient de Rachel et ce qui tient de Whitney à l’écran et à quel point le fait que ça soit elle qui l’incarne a pesé dans la construction du personnage.
Ce que j’ai aimé aussi, c’est que la mise en abîme ne se limite pas à Whitney. Il y a tout un jeu de va et vient entre le film et sa B.O. avec des chansons attribuées à la chanteuse Rachel dans le film mais chantées par Whitney dans la vie. Cette B.O. n’est pas un simple accompagnement sonore extérieur à l’action, non à de nombreuses reprises on a des références méta qui nous font entrer dans la fiction, c’est ce qu’on appelle la musique d’écran ou musique diégétique. Ça caractérise, par exemple, les scènes où la musique émane d’une source qui existe dans le monde diégétique du film, dans la scène. Exemple, avec cette scène de date dans un bar où Kevin et Whitney dansent un slow sur la chanson ‘I will always love you’ interprétée par John Doe le leader du groupe punk X, nouvelle mise en abîme, je vous avais prévenu, ça ne s’arrête plus :
INSERT — Bodyguard bar
Bon voilà, désolée si je vous ai saoulé avec mes histoires compliquées de meta-cinéma, à la fac j’ai suivi des cours d’analyse filmique et travailler sur ce podcast a fait remonter quelques souvenirs à la surface ! D’ailleurs, maintenant que j’y suis, autant enfoncer le clou : figurez-vous que ça n’est pas la première fois au cinéma qu’I Will Always Love You est utilisée ! On retrouve aussi ce titre interprété par Dolly Parton dans le film Alice n’est plus ici de Martin Scorsese, qui date de 1974. La chanson est diffusée par un jukebox au cours d’une scène entre l’actrice Ellen Burstyn et Harvey Keitel. La scène se passe dans un bar et Burstyn interprète le rôle d’une chanteuse, exactement comme dans Bodyguard ! Si c’est pas l’univers qui essaye de nous envoyer des messages cosmiques là, je sais pas ce que c’est !
À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST
Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.
Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !
« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »
Manu, Fanny, Olivia et Grégoire
“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “