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EN QUELQUES MOTS

Nous sommes en 1994, et face à une déferlante grunge américaine, le Royaume-Uni finit par se soulever et défendre sa propre vision du rock : la “Brit-pop”, un mouvement porté par des groupes comme Pulp, Suede ou Divine Comedy.

De son côté, Blur attend patiemment son tour. Il faut dire qu’après deux albums au succès mitigé, et une tournée ratée aux US devant des salles à moitié vide… Damon Albarn et ses copains ont la dalle ! Ils misent gros sur ce troisième album : cette fois c’est sûr avec Parklife ils vont casser la baraque.

Dès sa sortie, Parklife va squatter les classements britanniques et y rester, tenez vous bien, pendant 90 semaines ! Le disque va marquer l’Histoire et définir pour deux décennies les standards de la Britpop, n’en déplaise à leur copains d’Oasis.

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Retour en 1994

Voilà pour les 16 titres de Parklife. Il y en a même 17 sur la version japonaise avec un remix hyper cool des Pet Shop Boys. C’est donc le troisième album de Blur. Il sort le 25 avril 94, en vinyle, Cassette et CD sur le label indépendant Food, propriété maintenant de Warner Music.

L’année 1994 est marquée en Angleterre par l’apogée de la Britpop. C’est-à-dire que l’Angletterre, dans un sursaut nationaliste, s’emballe pour tous ces groupes qui de près ou de loin singent les Beatles, les Kinks, les Smiths ou les Stones Roses. Et ils sont légions. On note les sorties cette année-là de “His’n’hers” de Pulp, “Dog Man Star” de Suede, “Now I’m a Cowboy” de The Auteurs ou « Definitely Maybe” de Oasis.

1994 partout ailleurs c’est le début de la fin du grunge qui passe le relais au rock indus de Nine Inch Nails, au néo-métal de Korn ou au punk rock de Green Day. La bande originale du Roi Lion avec les titres de Tim Rice et Elton John prend à Bodyguard la place de BO la plus vendue de tous les temps. C’est l’histoire de la vie…

Côté cinéma, cette année on fait dans la rigolade. Je sais pas pourquoi mais il y a plein de comédies plus ou moins romantiques qui cartonnent comme Madame Doubtfire, The Mask, La Cité de la Peur ou 4 mariages et un enterrement.

La story de Blur

Manu : Allez, on va maintenant remonter dans le temps avec toi Olivia et on va partir tous ensemble en Angleterre pour revenir aux premières origines du groupe.

Comme souvent dans ma chronique, il est d’abord question d’une rencontre, habituellement sur les bancs de l’école. Et bien, cette fois encore vous n’allez pas être déçus, les cocos ! Mais commençons depuis le début : Le petit Damon Albarn naît en 1968, dans le quartier cosmopolite de Leytonstone, en banlieue Est de Londres. Sa maman, Hazel, travaille pour le Theatre Royal Stratlord East où elle côtoie, dans ses travaux de décoration de mise en scène, de nombreuses figures de la contre-culture londonienne, dont son père, Keith Albarn, est une figure importante. Papa Albarn est à la fois artiste, marchand de meubles, commissaire d’expositions, professeur d’art et auteur. Il fabrique de drôles d’objets pour son fils : « Le salon était peint couleur argent et il y avait les sculptures en fibre de verre de mon père partout, se souvient Damon. Il y avait un haricot rouge d’une dizaine de mètres fait en fibre de verre. Je le chevauchais comme un vélo ou un vaisseau spatial ». La famille Albarn évolue dans cet univers bohème et hippie: on écoute du blues, des musiques indiennes et africaines. Souvent, on organise des fêtes dans le salon où l’on convie tout le Londres excentrique.

Damon a 10 ans quand son père est nommé directeur de l’école d’art de North Essex, à deux heures de Londres.

« A la fin des années 1970, il y a eu un gros exode vers l’Essex à cause de la politique de Thatcher. (…). Mes parents ont acheté cette vieille maison avec quatre chambres. On s’est donc retrouvés à la campagne. (…) On était très différents de la famille typique de l’Essex. On n’avait pas d’argent. Dans l’Essex, c’était très important de ne pas faire de vague. Il faut se noyer dans la masse. Ce n’était pas notre cas … »

Damon a du mal à se faire des amis dans sa nouvelle école. Fan de théâtre et passionné d’ornithologie, il collectionne les fossiles, lit Karl Marx et porte les bijoux de sa mère. Dans cette province assez conservatrice, il devient vite le bouc émissaire du collège. Mais il va trouver un allié : le timide Graham Coxon. En gros, ce sont les deux weirdos du bahut.

Graham se souvient : « Damon n’avait pas vraiment d’amis. Il a pas mal souffert de son nom, les autres en faisaient des blagues en le surnommant All Bran. Il se faisait tabasser dans les toilettes et on lui écrivait 666 sur le front (…) Mois je trouvais que c’était un mec super, je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme lui (…) je l’avais d’abord repéré sur scène, lors d’un spectacle à l’école, il chantait un extrait de West Side Story. Je m’étais dit que c’était un type incroyable, hyper-extraverti. C’était l’exact opposé de moi – j’étais très timide. »

C’est pas trop mignon ? Je vous avais dit que vous ne seriez pas déçus ! On dirait une scène de High School Musical !
En tout cas, de ces scènes de baston dans les toilettes va naître chez Damon Albarn un besoin et une envie de revanche, une volonté de prouver qu’il est le meilleur et qu’il avait raison depuis le début. Et ça, c’est très important parce que ça va vraiment venir ponctuer sa carrière. On y reviendra tout à l’heure.

Manu : Nous sommes donc en 1989 : Damon et Graham rencontrent dans un bar à Londres Alex James, un étudiant en français.

Les trois décident de former un groupe nommé Seymour en référence à un personnage de l’un des romans de Salinger. Andy Ross, le directeur du label Food Records, les remarque. Il leur propose un contrat mais à la condition de changer de nom. Albarn propose Blur (ce qui signifie le flou, le brouillard en anglais). Andy Ross est séduit, il trouve que ça fait « arty » sans être trop obscur.

Je vous parlais de revanche et de reconnaissance tout à l’heure, pour Damon, ce groupe, c’est son projet ! Ils seront tout en haut de l’affiche ou ils ne seront pas. Pas de demi-mesure possible. Il s’agira désormais d’aller détrôner Suede, qui rencontre alors un succès éclatant. Damon Albarn expliquera quelques années plus tard :

« Chaque matin, je me réveillais avec la rage au ventre, en me disant : « La star, ce devrait être moi, et pas ce Brett Anderson. » Je ne pouvais pas allumer la radio sans entendre leur fichu 45T. J’avais mal, mais envie de me battre. Dans ce genre de situation, on n’a pas le droit de baisser les bras ».

Si Blur déteste autant Suede, c’est aussi que leur guitariste, Bernard Butler a été leur roadie guitares pendant deux ans ! Il s’occupait des guitares de Graham Coxon, les accordait, les astiquait. En gros, il les a observés au plus près et leur a tout piqué !

On va s’écouter un extrait d”Anima Nitrate”, sortie en 93, jugez plutôt :

Manu : Et pour la petite histoire, la vengeance de Blur sur Suede sera double : non seulement le groupe va les surpasser mais en plus Albarn finira par sortir avec Justine Frischmann, la nana de Brett Anderson, le leader de Suede.

Reprenons le fil de notre histoire : Blur sort donc un premier single, She’s So High, enregistré en juillet 1990, et atteint péniblement le 48e rang des charts anglais. Puis vient leur deuxième 45T, There’s no other way, qui grimpe très haut. Gros succès et passage à l’émission Top of the Pops. Ils deviennent les chouchous de la presse musicale et des petites collégiennes. On s’écoute un extrait de leur prestation live, en 91 :

Puis, leur premier album, Leisure sort à la fin de l’été 1991, et bien qu’il atteigne la 7e place dans les charts britanniques, il n’attirera pas les éloges de la presse musicale. C’est la douche froide ! Eux se voyaient déjà très très haut, les nouveaux génies du rock anglais. La chute sera brutale.
Les lnrocks écriront à l’époque : « Lorsqu’ils sont fluides, Blur touchent à la magie des grands, mais ils produisent encore beaucoup trop de grumeaux ». Damon Albarn, qui se passerait volontiers de ce disque de jeunesse, le décrira quelques années plus tard comme « le pire album de Blur ».

En mai 93, Blur cherche à se réinventer et sort Modern Life Is Rubbish, qui va devenir l’un des albums symboles de ce nouveau courant qui est en train de monter en Angleterre : j’ai nommé la Britpop, of course. Blur s’inspire ici directement des Kinks et de David Bowie.
On s’écoute rapidement un extrait du single For Tomorrow :

https://www.youtube.com/watch?v=gghFPavXE7Q]

Le but est, cette fois, de s’attaquer plus particulièrement à Nirvana et au grunge, qui cartonnent aux Etats-Unis mais aussi partout en Europe. Albarn apparaît alors comme l’exact opposé d’un Kurt Cobain torturé et qui pue le mal être (spoiler alert : ça ne va pas très bien se terminer pour lui). Blur tentera même une tournée américaine mais le groupe sera boudé par le public américain en pleine fièvre grunge.

Ils rentreront de cette série de concerts complètement fauchés et un peu démoralisés. Car si Modern Life Is Rubbish est le disque de la reconnaissance critique, l’album de référence pour toute une génération, il ne va pas remplir les caisses et toutes leurs économies vont y passer ! Food Records, leur maison de disques, leur met la pression. Il faut se remettre au plus vite sur un nouvel album, autant dire celui de la dernière chance.

Octobre 93, Blur reprend le chemin des studios pour y enregistrer un troisième album avec leur habituel producteur Stephen Street.
Alors que les membres de Blur sont plutôt contents du résultat final, le propriétaire de Food Records, David Balfe, ne l’est pas du tout. Il est même persuadé que le groupe va droit dans le mur.

Manu : La blague. Et ça va même plus loin que ça : David Balfe décide de vendre Food records à EMI, 15 jours avant la sortie de Parklife. Le mec il doit bien avoir les boules là !

En effet, de leur côté, Damon et la bande savent qu’ils tapent fort : « Quand notre troisième album sortira, notre position de groupe le plus essentiel de la musique britannique des années 1990 sera assurée » déclare Damon.

Et il ne s’est pas trompé : l’album atteint immédiatement la première place des charts anglais et reste près de 90 semaines dans le classement. Le premier single, Girls & Boys, qui dépeint sans concession la vie et les mœurs des banlieusards londoniens, cartonne. Car Parklife est également un témoignage des réalités sociales de l’époque : « Je ne pense pas que quiconque ait compris l’ironie de Parklife. C’est un album colérique » expliquera Albarn quelques années plus tard. Car contrairement à une bonne partie des albums de Britpop, Blur observe finement, avec distance, humour et intelligence mais sans complaisance.

Insert – Girls & Boys (live)

Face à la déferlante grunge américaine du début des nineties, il fallait une réponse anglaise, ce sera la Britpop, très accompagnée et commentée par une presse musicale qui y voit un nouvel eldorado. En plus, ce retour de hype flatte l’ego patriotique. L’Angleterre redresse la tête et bombe le torse ! Yankees go home ! Le mouvement connaît son apogée : Pulp, Suede, The Divine Comedy, The Auteurs semblent déjà s’afficher comme les chefs de file.

Même la politique va s’en mêler et chercher à récupérer le mouvement qui donne un nouveau visage à L’Angleterre, ce que l’on appellera le « cool Britannia ». La Britpop sera pour Tony Blair un formidable moyen d’aller chercher les jeunes électeurs, très souvent abstentionnistes. Son équipe de campagne va même aller demander le soutien officiel et médiatique de nombreux groupes. Beaucoup répondront à l’appel, trop heureux de voir le parti travailliste reprendre le pouvoir.

Et puis, Oasis publie son Definitely Maybe, qui déclenche, quelques mois plus tard, la fameuse guerre médiatique et commerciale avec Blur. Une confrontation qui rappelle celle entre les Beatles et The Rolling Stones orchestrée par la presse des années 60. On se chauffe à coup de déclarations de plus en plus trash et de plus en plus sulfureuses dans les magazines. Le combat est d’abord une lutte des classes : c’est l’Angleterre pop et middle class du Sud qui défie le rock populaire de Manchester, incarné par les Gallagher.
Noel considère Blur comme « une bande de branleurs middle class qui essaient de jouer les durs avec des working class heroes ». La bataille amplifie de jours en jours et tombe vite dans le très sale : Liam ira même jusqu’à déclarer qu’il souhaiterait qu’Alex James (le bassiste de Blur), chope le Sida et crève !

Évidemment, le label de Blur jettera encore de l’huile sur le feu en décalant la sortie du single Country House pour la faire coïncider avec celle de Roll with it, le 14 août 1995. Le choc des titans ! Résultat final : Blur gagnera la bataille du single mais perdra quelques mois plus tard la guerre de l’album, étant largement dépassé par (What’s the Story) Morning Glory?

Manu : Tiens tiens ça me rappelle un autre épisode de Radio K7 sur Oasis. Bref. Parklife va être acclamé par la critique, remportera 4 trophées au Brit Awards, l’année suivante : Meilleur groupe britannique, Meilleur album britannique, Meilleur single, Meilleur clip.

Rolling Stone, le magazine américain (j’insiste sur américain, puisque je vous rappelle qu’au départ le but c’était de conquérir les US) le considère comme l’un des meilleurs albums de l’année, le groupe « réalise leur ambition effrontée : réaffirmer tout le style et l’esprit, les aspirations à la célébrité et les liens de fraternité qui ont rendu le rock anglais si flamboyant à l’origine ».

Parklife reste l’un des albums les plus acclamés des années 1990. Le magazine AllMusic écrira quelques années après sa sortie : « En liant le passé et le présent ensemble, Blur a articulé l’air du temps du milieu des années 90 et a produit un disque qui définit l’époque. »

Joyau de la Britpop, l’album, qui va se vendre à plus d’1.3 million d’exemplaires, a acquis une importance culturelle au-delà de ses ventes et des éloges de la critique, consolidant son statut de référence dans la musique rock.

En 2010, Parklife fait partie des 10 albums commémorés par la poste anglaise sur un timbre-poste. Il est également régulièrement cité comme l’un des meilleurs albums anglais des années 90.

Le making-of de "Parklife"

Manu : Merci Olivia pour ta story super complète, on va filer tout de suite en studio avec toi Grégoire, plus précisément dans le quartier de Fulham à Londres pour parler de l’enregistrement de Parklife

Oui je vous emmène aux studios « Maison Rouge », un studio bien connu au Royaume-Uni dans les années 80 et 90 qui a notamment vu passer dans son antre Duran Duran, Sting et même les rivaux Oasis.

Alors L’enregistrement de Parklife lui commence en novembre 1993 et se termine le janvier de l’année suivante, donc moins de trois mois en studio, c’est plutôt rapide et là je sais que je vais vous décevoir. Je sais que dans Radio K7 on aime raconter des enregistrements chaotiques et délirants mais cette fois désolé pas d’ambiance tendue et d’égos surdémesurés, pas de frangins souls comme des barriques qui en viennent aux mains, référence à l’enregistrement de “Morning Glory” d’Oasis, ici on est entre gentlemen et les choses avancent vite et bien.

Manu : Oui ce petit monde se connaît et s’apprécie, le groupe s’entend d’ailleurs très bien avec celui qui a déjà réalisé leur précédent disque, Modern is rubbish, il s’agit du producteur Stephen Street.

Oui Stephen Street, encore un homme de l’ombre qui a énormément influencé le son des 90’s. En 1994, il est donc aux manettes de Parklife et la même année il fait exploser les Cranberries avec Zombie. Avant cela, il est connu pour avoir été le producteur des Smiths. Rien que ça.
Le bonhomme est discret et hyper modeste. Sa philosophie : un soin tout particulier apporté à l’enregistrement de la basse et des batteries pour bien structurer son morceau, également une grande liberté accordée aux musiciens, pas question de leur imposer tel ou tel matériel. Ce qui compte pour lui, c’est la qualité du jeu au moment d’enregistrer, les bons réglages de pédales d’effets, l’idée est de ne pas trop avoir à retoucher les pistes pour rester fidèle au son du groupe.

Manu : Et pour son travail sur Parklife, Stephen Street pouvait compter sur d’excellentes démos

C’est quelque chose qui revient souvent dans ses interviews, Blur avait la bonne habitude de faire des démos relativement abouties, comme celle de Girls and Boys enregistrée avec une simple boîte à rythme par Damon Albarn, Stephen Street tombe littéralement sous le charme de cette ritournelle rock disco et décide immédiatement d’en faire un morceau de l’album mais sans en parler au label… il raconte l’épisode dans le podcast XS Noize en 2021.

INSERT ITV Stephen
« En fait à l’époque de Parklife, c’est la maison de disques qui choisissait les démos sur lesquelles on devait travailler. Mais alors que l’on avait bien avancé sur plusieurs morceaux, Damon m’a fait écouter cette démo avec ce rythme un peu démodé qu’il avait fait avec une machine. Et j’ai adoré, surtout le refrain, tellement évident et accrocheur. Et donc on l’a enregistré en gardant la boîte à rythme et en programmant des synthés et une ligne de basse, le tout sur un tempo à 120 BPM comme un morceau disco, on s’est dit qu’on allait faire les choses un peu différemment cette fois-ci. Puis Alex et Graham ont rejoué par- dessus pour donner un peu plus de vie au morceau et c’était super ! On l’a enregistré en seulement un après- midi. Le lendemain je reçois un coup de fil d’Andy Ross de Food records, leur label, qui me demande comment ça avance et là je lui dis : oh on a enregistré un super morceau qui s’appelle « Girls and Boys ». Et là il me dit : « euh… on vous a pas demandé de faire celle-là Stephen », je lui ai répondu : de toute façon c’est fait et vous allez l’adorer ». et heureusement c’est ce qu’il s’est passé »

INSERT Girls and Boys demo

Manu : On est en plein époque New Order avec Boys and Girls et d’ailleurs l’album de Blur est truffé de références à l’histoire du rock britannique…

Oui c’est un album qui est souvent qualifié de monument de la BritPop c’est vrai mais il est bien plus que cela à mon avis, c’est carrément la somme de l’histoire du rock avec ses titres inflluencés par Bowie, les Buzzcocks, les Beatles ou encore les Kinks. On peut aussi citer le groupe de post punk britannique The Fall, écoutez plutôt ce Mr Pharmacist de 1986, lointain cousin du titre éponyme de l’album de Blur avec ce rythme rock lancinant et ce délicieux parlé chanté

INSERT Mr PHARMACIST enchaîné avec Parklife

Manu : L’autre grosse influence de Blur c’est The Who et ça tombe bien puisque sur Parklife, le groupe a invité le comédien Phil Daniels vu dans un film que j’adore : Quadrophenia…

Oui un film de 1979 sur les Mods Britannique, ce courant de mauvais garçons emmené par The Who, un film qui a véritablement changé la vie des membres du groupe et qui est souvent cité comme une influence majeure. A l’origine, il s’agit d’un opéra rock des Who sorti six ans plus tôt, un concept album foisonnant et déroutant, forcément inégal mais qui comporte des titres cultes comme “Cut my hair” ou encore the excellent “The Dirty Jobs”

INSERT THE WHO

Manu : Et alors comment s’est passée la rencontre Blur et Phil Daniels ?

En fait, Damon Albarn avait écrit ce monologue parlé pour Parklife mais il n’arrivait pas à le débiter suffisamment rapidement en studio. D’où l’idée de faire appel au comédien qui de son côté n’avait absolument jamais entendu parler de ce jeune groupe. Mais il accepte de se prêter au jeu, l’affaire est pliée en 45 minutes.

Phil Daniels, en vieux loup de mer, demande une part sur les royalties plutôt que de toucher immédiatement de l’argent. Bien joué Phil qui va connaître pendant plusieurs mois sa meilleure vie en jouant les guest stars sur l’album de Blur. Autre featuring notable à signaler la présence de la chanteuse française de Stereolab Lætitia Sadier sur le classieux “To the end”, un titre qui sera enregistré plus tard en français avec Françoise Hardy..

INSERT To the END

Merci Greg

L'univers graphique de Blur

Manu : Merci Greg ! Bon j’espère que vous aimez l’Angleterre parce qu’on est pas prêts de s’arrêter là, n’est-ce pas Fanny ?

Ah ça non, je savais que Blur c’était les fers de lance de la Britpop mais je pensais pas qu’ils étaient patriotes à ce point. La pochette et les clips dont on va parler tout de suite, c’est presque de la publicité gratos pour l’office du tourisme de Londres ! C’est abusé !

En fait, il faut remettre les choses dans leur contexte : en 1992 pour renflouer les caisses, le groupe part 2 mois faire une tournée en Amérique. Là bas, c’est la déferlante grunge et Blur se fait un peu pourrir en concert par des fans de Nirvana qui s’en ballec total de leur pop indé bien anglaise. Comme Damon Albarn et ses potes sont pas très heureux d’être là, ils passent leur temps à picoler et à se battre entre eux

Manu : Tiens ça leur fait un point commun avec les frères Gallagher d’Oasis…

Bouuuuh les ennemis jurés, tu vas t’attirer des problèmes toi ! Bref, autant le dire : ils ont le mal du pays. Et quand ils rentrent de ces 2 mois outre-atlantique, ils sont bien décidés à explorer leur anglicité…pour ne pas dire rosbifitude, oh la la je vais encore me faire censurer. Ça commence en 1993 avec l’album Modern Life is Rubbish et puis ça continue à fond avec Parklife, qui est un étendard d’une certaine vision de l’Angleterre, de la société anglaise et de sa working class. Au moment de la création de Parklife, Damon Albarn lisait le roman London Fields de Martin Amis sorti en 1989, une satire contemporaine où on rencontre entre autres un pauvre type fan de fléchettes qui zone dans les pubs entouré de losers. Ce roman va vachement l’influencer et il va le citer comme référence aux designers Chris Thompson et Rob O’Connor de l’agence Stylorouge, qui créent toute l’identité visuelle de Blur depuis 1990. Le logo iconique, les affiches, les pochettes, jusqu’ici c’est Stylorouge qui a tout crée. A propos du logo d’ailleurs, j’ai quelques infos piochées dans le hors-série des Inrocks sur damon albarn : je cite “Commandité en 1990(…) pour orner des tshirts de la première tournée (..), le logo s’inspire de celui de la marque de produits électroniques Brother dont il reprend la police de caractères (Horatio) et le traitement en minuscules. Comme l’explique Rob O’Connor, le fondateur de stylorouge : “Le logo a été conçu pour ressembler à celui d’une marque familière, l’objectif était de vendre Blur moins comme un groupe que comme un produit de consommation courante.”

Manu : Stylorouge c’est une agence plutôt cool par ailleurs puisqu’ils ont bossé aussi par exemple avec Siouxsie Sioux, Morrissey, les Cure ou encore David Bowie..

Grave cool ! Donc on a ce roman d’une part et un mystérieux RDV que Damon Albarn va donner aux 2 mecs devant la boutique d’un bookmaker qui s’appelle William Hills sur Kings Road à Londres. Ce passe-temps un peu beauf, les paris sportifs, c’est ça la vibe qu’il veut transmettre sur la pochette de Parklife.
Tous les trois trainent dans le coin, commencent à prendre des photos, un peu comme des touristes qui voudraient montrer la face cachée de Londres. Si ça vous intéresse, sur YouTube y’a une courte vidéo sur la chaîne du magazine NME dans laquelle Chris Thompson et Rob O’Connor racontent ça et montrent surtout toutes les propositions pour la pochette qui n’ont pas été retenues. Finalement cette idée de base de Damon Albarn d’explorer les loisirs du prolétariat, c’est celle qu’on va retrouver sur la pochette au final puisqu’ils ont retenu une photographie de Bob Thomas sur laquelle on voit deux lévriers sur une piste de course. Ils ont chacun un petit dossard sur le dos, une muselière et des gueules de cerbères. Sur le site proxy music, j’ai trouvé un article dans lequel le guitariste Graham Coxon donne quelques détails :

“On a recadré l’image sur les lévriers parce qu’ils avaient une agressivité qui nous plaisait. On a choisi ceux qui avaient le plus de dents. Ils ont l’air fous, prêts à tuer, avec une expression bizarre sur leur tête. »
Moi je trouve cette image totalement cringe, elle me met mal à l’aise. La blague c’est qu’apparemment Albarn avait des parts dans un lévrier de course donc le délire de paris sportifs en fait c’est totalement son truc à lui ! A l’intérieur du disque, dans le livret on retrouve d’autres photos du groupe en train d’assister à une course et des gros plans du champ de course. On a aussi la liste des morceaux, les crédits détaillés et des reproductions de feuilles volantes avec les paroles des chansons annotées avec des petits croquis dans la marge ou des accords de guitare dessinés à la main, c’est très chouette. Franchement le design de cet album est très cool ! Bravo la team stylorouge ! ça m’étonne pas tellement que l’image de Blur soit aussi travaillée, c’est un groupe qui a beaucoup de liens avec l’art contemporain, le père de XX était galeriste, au fil de sa carrière le groupe va collaborer avec des artistes anglais célèbres comme Damien Hirst ou Banksy dont on a déjà parlé dans notre émission sur Massive Attack !

Manu : Ok, donc maintenant qu’on comprend mieux le délire anglo-anglais de Blur pour la pochette, est-ce que tu peux nous dire si on retrouve ça aussi dans leurs clips ?

Ah bah totalement, je vais vous dire quelques mots sur le clip qui a remporté le Brit Award de la meilleure vidéo de l’année en 1995, évidemment pour le single Park/Life !

Le clip de Parklife a été réalisé par un certain Pedro Romhanyi et tourné dans le sud-est Londres à côté du Pilot Pub, vers Greenwich Peninsula. Dedans on retrouve le comédien Phil Daniels, qui chante en spoken word sur tous les couplets du titre. Daniels joue ici le rôle d’un vendeur de fenêtres qui fait du porte à porte avec son assistant, joué par Albarn. On les voit aller d’une vente à l’autre au volant d’une vieille Ford marron. Apparemment le pitch du clip est inspiré du film Les Filous de Barry Levinson, sorti en 1987 dans lequel Danny Devito joue un vendeur en porte à porte qui s’embrouille avec un concurrent. Je n’ai pas vu ce film, mais petite déformation perso parce que je suis en train de regarder cette série 15 ans après tout le monde, moi ça me fait grave penser à The Office ! Le RP en costume au volant de sa voiture. Mais bon malheureusement c’est pas Steve Carell ici c’est Phil Daniels.
Tous les autres personnages sont joués par les membres du groupe qui se déguisent au fil des scènes en employés de bureau, en manifestant ou encore en joggeur. On a donc cette trame principale pendant les couplets et pendant le refrain, un voit juste les membres de Blur dans leur propre rôle en train de faire des poses rigolotes et s’amuser devant une façade d’immeuble résidentiel typique londonien.

Manu : OK, et ça parle de quoi Parklife au fait ?

Bah Parklife c’est littéralement la vie au parc, la vie quotidienne du square de quartier où tu vas traîner quand tu n’as pas grand chose d’autre à foutre. La chanson parle de ça, des gens que tu croises au parc, les balayeurs de rue, les coureurs en survet, les pigeons. La chanson parle plusieurs fois de pigeons, c’est de l’humour anglais complètement absurde comme on l’aime.

À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST

Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “