Skip to main content

Depeche Mode “Violator”

(1990)

EN QUELQUES MOTS

Aujourd’hui on va vous parler de Martin, Dave et Allan alias Depeche Mode. Lassés de la vague new wave dont ils sont devenus les avatars, les 4 garçons de Depeche Mode sont en 1989 à la recherche d’un nouveau souffle. Ils veulent changer de dimension commerciale et surtout renouveler leur direction artistique.

Avec Violator, Depeche Mode fait une entrée magistrale dans les 90s. Le disque est sensuel et mystique, sombre et électronique, et contient bon nombre de ce qui deviendra des classiques du groupes, comme “Personal Jesus”, “Policy of Truth”, “World in My Eyes” et bien sûr “Enjoy The Silence”.

Dans la discographie bien fournie de Depeche Mode, Violator est l’album qui fait l’unanimité tant auprès des fans et des critiques que des membres du groupe. Vendu à 10 millions d’exemplaires, dont 4 rien qu’aux Etats-Unis, cet album iconique a influencé de nombreux groupes de rock comme Marilyn Manson, Deftones ou Rammstein ou les pionniers de la techno Derrick May et Juan Atkins.

Écouter · Écouter · Écouter · 

Écouter · Écouter · Écouter · 

Écouter · Écouter · Écouter · 

Disponible sur :

Retour en 1990

Voilà pour les 9 titres de “Violator”. Comme c’est la première édition japonaise pour Depeche Mode, le service marketing a mis le paquet : elle contient carrément un deuxième CD avec 2 autres titres, 6 remix de Enjoy the Silence, un livret additionnel de 16 pages en japonais, et même un calendrier de 1991 de 40 pages s’il vous plaît ! Ba ouais il faut bichonner le marché japonais. 

C’est donc le 7ème album studio de Depeche Mode en dix ans. Il sort le 19 mars 1990 en CD, Cassette et Vinyle sur le label Mute chez EMI. 

Cette année-là, en 1990, on fête le premier anniversaire de la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, commémoré par un live spectaculaire de The Wall à Berlin le 21 juillet, retransmis à la télé en direct mondial. 

En 1990 c’est l’âge d’or de la new age : Enigma vend 8 millions d’albums en remixant des chants grégoriens. Les belges de Technotronic annoncent le début de l’Eurodance avec “Pump up the jam”. Les synthétiseurs sont partout, parfois même là où on ne les attend pas : Vincent Lagaf parodie la house music avec “Bo Le Lavabo”, et Jean-Michel Jarre rassemble 2,5 millions de personnes à la Défense !

Ça tremble aussi à Bercy avec le phénomène Dorothée en live : elle squatte pour la première fois de Bercy pendant 14 Jours ! et tenez-vous bien, entre 1990 et 1996, Dorothée va remplir Bercy à 58 reprises, c’est complètement fou. Vous y étiez ou pas ? 

La story de Depeche Mode

Manu : C’est l’histoire d’un groupe qui s’est construit au début des années 80 en rejetant les codes du rock pour ne mettre que des synthés à l’honneur. Puis à la fin des années 80, chemin inverse : DM prend à nouveau l’époque à rebours et va mettre du rock dans son électro.

Olivia : Tout commence à Basildon, petite ville à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Londres. La particularité de Basildon ? La bourgade n’existait pas avant la guerre. Elle a poussé comme un champignon en quelques années à peine, avec pour seul but d’attirer les habitants du nord de Londres dont les quartiers avaient été détruits par les bombardements. A l’époque, on leur avait promis des maisons avec des vraies salles de bains, avec des jardins … et surtout du travail !
C’est donc dans cette ville un peu nouvelle, un peu sans identité, un peu banale, que grandissent Dave Gahan, Martin Gore, Andrew Fletcher et Vince Clarke Martin Gore, lui, semble ne pas trop la regretter : « C’était une jungle de béton poussée au milieu de nulle part, le terreau idéal pour la violence. Son fait de gloire est d’avoir eu cinq années de suite le plus fort taux de criminalité d’Angleterre. »

Dave Gahan nait dans une famille où le père qu’il adore est en réalité son beau-père, ce qu’il apprendra à sa mort alors qu’il n’a que 10 ans. Dave va alors devenir un petit voyou, entre vol de voitures, petits trafics et graffitis. Il se perd très jeune dans la coke et les amphètes, et multiple dès l’âge de 14 ans les passages devant le tribunal pour enfants. C’est la découverte du punk qui donne enfin un sens à son existence, avec des groupes comme Siouxsie & the Banshees, les Clash, les Sex Pistols …

Manu : Pour bien comprendre l’histoire de Depeche Mode, il faut revenir à l’Angleterre de la fin des années 70s, où commence à apparaître une musique nouvelle importée tout droit d’allemagne.

Il s’agit du groupe Kraftwerk, en concert à Liverpool pour la tournée de l’album Trans Europe Express.

INSERT — Kraftwerk

Nous sommes en septembre 1978 et c’est une révolution. C’est la première fois qu’on voit un groupe jouer uniquement avec des machines. Fini les rockers en jeans pat def et cheveux longs, les 4 membres de Kraftwerk portent les cheveux courts et des costumes cravates. C’est une musique d’ingénieurs en électronique, et pas celle d’un groupe qui s’agite sur scène. Pour le public présent ce soir-là, cette nouvelle musique c’est le futur ! Elle va donner naissance à une nouvelle génération d’artistes qui vont jeter leur guitares et jouer uniquement des synthétiseurs. On appellera plus tard ce genre un peu fourre-tout “synthpop” puis “new wave” est incarnée par Gary Numan, Human League ou encore Orchestral Manoeuvre in the Dark :

INSERT — OMD “Electricity”

Manu : En fait, Kraftwerk va être aussi influent sur la new wave que les Sex Pistols sur le punk. La new wave au début des années 80s c’est vraiment un genre un peu fourre-tout, assez hybride, entre la pop synthétique de Gary Numan et la musique industrielle et expérimentale de Throbbing Gristle. Et dans tout ça les futurs Depeche Mode vont finir par trouver leur place

Mais revenons un peu en arrière. Avant DM donc, il y a No Romance in China, fondé par Vince Clarke et Andrew Fletcher avec la guitariste Sue Padgett – qui disparaîtra du casting avec l’arrivée de Martin Gore. Les trois garçons changent rapidement de nom et deviennent Composition of Sound. Ils vont bientôt abandonner leurs guitares et adopter des synthétiseurs. On s’écoute tout de suite Let’s Get Together, l’un de leur tout premier morceau :

INSERT — Composition of Sound

Un soir de 1980, ils croisent une voix qui va les bouleverser, celle de Dave Gahan : « Je chantais dans un groupe, mais on n’arrivait pas à grand-chose. Une nuit, on traînait en répète, quelqu’un a commencé à jouer Heroes de Bowie. J’ai pris le micro et me suis mis à chanter. A côté, Vince, Martin et Andrew m’ont entendu. Deux semaines plus tard, Vince m’appelait pour me proposer de rejoindre leur groupe comme chanteur, ce que j’acceptai »

Depeche Mode était né ! La tête pensante de l’époque, celui qui compose toutes les chansons, c’est Vince Clarke. Ses références puisent aussi bien du côté du glam rock de Roxy Music ou David Bowie, que de la musique synthétique de Kraftwerk, Cabaret Voltaire ou The Human League.
Ils sont repérés lors d’un concert par le producteur Stevo Pearce, manager de Soft Cell, et figurent en 1981 sur la mythique compilation de son label Sorne Bizzare qui réunit la jeune garde de la new techno-pop. Mais c’est la rencontre avec le producteur Daniel Miller, qui vient de fonder le label Mute Records, qui va propulser Depeche Mode dans une autre dimension.

Andrew Fletcher se souvient : “Comme Daniel Miller, nous étions fans de Kraftwerk et de Deutsch Amerikanische Freundschaft dont il avait publié le premier album. Je me souviens qu’il nous avait fait écouter le suivant, Alles ist Gut, en roulant dans sa voiture à Londres. Nous avons aussi eu de belles offres de grosses maisons de disques, mais choisir le label de Daniel a été une de nos meilleures décisions, car je ne sais pas sinon si nous serions encore là aujourd’hui. Même s’il n’avait pas grand-chose à nous offrir en dehors de son label dont nous adorions la musique.“

C’est donc sur Mute Records, que sortent les premiers singles du groupe : Dreaming of Me, New Life et le très addictif Just Can’t Get Enough.

Manu : Nous sommes toujours en 1981 et Depeche Mode sort enfin son premier album au mois d’octobre : Speak & Spell.

La révolution synthétique est en marche ! Et dans l’Angleterre des guitar hero et du rock sale, ce n’est pas si évident. L’idée d’imposer de la musique électronique est un vrai combat notamment avec les journalistes qui trouvent ça ridicule. Lors d’une conférence de presse à Madrid, un journaliste leur demandera sans détour : ‘Mais pourquoi existez-vous ?’

Il faut dire que leur univers post-ado à base de romances et de spleen urbain détonne, tout engoncés qu’ils sont dans leurs chemises fermées jusqu’à la glotte, des coupes en brosse qui tiennent avec 2 litres de gel. Musiciens la nuit, ils continuent de bosser le jour dans leurs petits bureaux d’employés de banque ; et ce même le lendemain de leur tout premier passage à Top of the Pops, l’émission iconique de la télé anglaise.
On a retrouvé l’extrait, nous sommes en 1981. Et ils sont beaucoup trop mims avec leurs vestes et leurs nœuds pap ‘, je vous conseille vraiment d’aller regarder la vidéo sur youtube :

INSERT — “I Just can’t get enough” TOTP

Manu : Le succès de l’album va tout de même permettre au groupe et au label de passer la vitesse supérieure.

Olivia : C’est vrai, mais entre temps, ils perdent Vince Clarke – effrayé par les proportions que prennent la tournée et la promo de l’album. Il laisse les trois autres sans compositeur et dans un réel désarroi.
Pour beaucoup, Depeche Mode, c’est déjà fini. On passe à autre chose !
Pourtant, les trois survivants vont rapidement reprendre du poil de la bête. C’est Martin Gore qui endosse le rôle de leader et se met à l’écriture du 2e album. Ils recrutent aussi Alan Wilder, qui leur ment sur son âge mais les bluffe par ses capacités aux synthés.

Les trois albums qui suivent, à savoir A Broken Frame en 82, Construction Time Again en 83 et Some Great Reward en 84 plongera le groupe vers des sonorités plus sombres, certainement influencées par l’underground berlinois et la musique industrielle allemande. Les paroles critiquent de plus en plus ouvertement le capitalisme. Martin Gore excelle en parolier et magnifie l’utilisation de synthétiseurs pour créer une atmosphère toujours plus dure. DM accentue encore sa radicalité sans pourtant cesser de gagner en popularité.

La reconnaissance internationale arrivera avec le single, People Are People, qui sort en 84, les fait connaître partout en Europe au Canada et ouvre même une brèche en Amérique.

INSERT — People are people

Cheveux peroxydés et tout de cuir vêtus, détournant la synthpop et le rock gothique, Depeche Mode, est enfin regardé comme l’une des formations les plus importantes de le pop en la réinventant, à coup de synthétiseurs et de boîtes à rythmes. Ils ont conquis l’Europe mais les US leur résistent encore, malgré quelques percées remarquables.

Manu : 1985. Les musiciens se retrouvent en studio pour jeter les bases d’un cinquième album : “Black Celebration”.

Olivia : Hélas, les premiers retours sont mauvais. Sous la pression, Gore craque et disparaît pendant une semaine. Il part se réfugier dans son ancienne famille d’accueil d’échange scolaire. La pause s’avère salutaire et lui permet de se recentrer sur l’écriture du disque.

Mais des tensions apparaissent. Le groupe s’est installé dans un petit confort qui menace leur créativité.

Black Celebration sort le 17 mars 1986. Le virage dark et ténébreux est désormais parfaitement assumé, comme vous pouvez l’entendre avec ce titre “Shake the disease”.

INSERT — Shake the disease

Aux Etats-Unis, même si les ventes d’albums ne décollent pas, le groupe se met à remplir des salles de plus en plus grandes, bouclant trois soirs de suite les 6.000 places du mythique Radio City Music Hall à New York. La tournée s’achève en août 1986 après avoir réuni quelque 300 000 spectateurs.

Manu : En 1987, c’est la fin d’un cycle. Le groupe décide de tourner le dos à Berlin, leur principale inspiration.

Ils repartent en studio mais cette fois du côté de Londres et du studio Guillaume Tell à Suresnes, qui est littéralement assailli par les fans français qui restent assis des heures devant l’immeuble. La DepecheModeMania est en marche.

Leur maison de disque les incite à faire de la musique plus commerciale ? Qu’à cela ne tienne : cela deviendra le titre de leur nouvel album, Music for the Masses. Le disque sort à la fin du mois de septembre 1987. Poussé par une campagne de pub sans précédent, l’album se hisse à la 10e place des charts britanniques et devient rapidement disque d’or en Allemagne et en France
La tournée qui suit est une catastrophe pour Dave Gahan. Dans les coulisses, le chanteur s’adonne un peu trop régulièrement au speedball (ce mélange de cocaïne et d’héroïne) et un peu trop rapidement à ses groupies. Et lorsqu’il finit par redescendre, il est bouffé par la culpabilité vis-à-vis de sa femme restée à la maison pour s’occuper de leur bébé.

Mais il faut rester fort et groupé, car ça y est, l’Amérique leur tend enfin les bras, DM devient la première formation de pop électronique à pouvoir remplir un stade ! Une tournée de 101 dates leur permet de conquérir les USA. Des ces 101 dates épiques, ils en sortiront un documentaire filmé. On suit en parallèle huit fans transportés pendant dix jours à travers les États-Unis dans un autobus fourni par la production, ainsi que les quatre artistes lors de ces mêmes déplacements. Le film 101 puis l’album double live paru sous le même nom, devient disque d’or en France en vingt-quatre heures ! Le groupe est en train de muter en méga star !

INSERT — Everything Counts ‘88 fin du morceau 4’20

Manu : Everything Counts dans Radio K7. Nous sommes donc en 1990, et oh joie ! Margaret Tatcher démissionne, tandis que eux vont devenir les rois des charts !

Le groupe est en marche vers un succès planétaire, qui porte le nom de Violator : « Nous pensions tous que Violator avait un potentiel immense et universel, mais personne n’aurait pu prédire à quel point ce disque allait devenir énorme », dira le producteur Daniel Miller.

Depuis août 1989, le single Personal Jesus -qui doit son titre au surnom donné par Priscilla Presley à son Elvis de mari – annonce le grand changement à venir. Avec une chanson rock construite autour d’un riff de guitare blues, Depeche Mode est là où on ne l’attend pas. Ce mélange donne le ton : « Reach out and touch faith » / « Tends les mains et touche la foi ».

INSERT — Personal jesus

Le single bénéficie d’une campagne promotionnelle assez innovante intitulée “Appelez votre Jésus personel”, avec un numéro de téléphone. Beaucoup ont cru qu’il s’agissait d’un numéro du style SOS Détresse. Ils ont appelé, croyant trouver un soutien moral, et sont tombés sur un répondeur qui joue le morceau. Mute n’espérait pas un tel engouement autour de Personal Jesus.

Manu : Les ventes de Personal Jesus s’emballent mais c’est Enjoy the Silence qui va exploser tous les compteurs.

Single le plus vendu du label Mute et le premier de Depeche Mode à se classer au Top 10 américain, le destin de Violator débute avant même sa sortie, le 19 mars 1990. Et un événement en particulier illustre l’immense popularité dont jouit désormais le groupe. Le 20 mars 1990, soit le lendemain de la sortie de l’album, 30 000 fans hystériques débarquent devant le magasin Wherehouse Records à Beverly Hills, où DM est en promo. Rapidement, les vitrines du disquaire cèdent sous la pression de la foule et les autorités, qui craignent une émeute, envoient des hélicoptères et des flics afin de disperser la foule ; plusieurs personnes sont blessées durant cet incident qui sera largement relayé par les médias. On n’avait pas vu ça depuis d’autres anglais, les Beatles !

INSERT — News TV doc [INSERT à partir de 0:27]

Manu : Ecoulé à plus de 10 millions d’exemplaires, dont près de quatre millions pour les seuls États-Unis, Violator est le sommet de la discographie d’un groupe qui parvient enfin à se débarrasser de son image d’icône new wave.

Afin de promouvoir le disque, DM s’embarque pour plusieurs mois dans le World Violation Tour, qui démontre, une fois de plus, la grande renommée acquise par les Anglais. Ils jouent dans plusieurs stades aux États-Unis : ainsi, 42 000 tickets sont vendus en l’espace de quelques heures pour un concert au Giants Stadium dans le New Jersey et 48 000 autres sont écoulés en seulement une demi-heure pour un show à Los Angeles. Au total, c’est plus d’un million de spectateurs à travers le monde, et un rythme effréné qui aura raison de la santé de Dave Gahan. A la fin, il est tellement à bout de nerfs qu’il refuse de rentrer chez lui en Angleterre. De plus en plus accro à la cocaïne et à l’héroïne, il quitte sa femme et son fils pour s’installer à Los Angeles avec sa maîtresse, l’ex-attachée de presse de la tournée US du groupe, Teresa Conroy, toxicomane également. Il reconnaîtra plus tard être devenu complètement parano, se promenant avec un calibre 38.

Manu : Les années qui suivent ce succès fracassant s’avèrent, vous vous en doutez, un peu compliquées. Chaque membre en paie le prix fort : Gahan sera victime d’une overdose sur scène, puis il fera une tentative de suicide ; Gore sombre dans l’alcoolisme ; Fletcher est dépressif et en proie à des crises de panique. Les années 1990 s’annoncent difficile toujours !

Et pourtant, Depeche Mode semblent avoir traversé toutes les modes et contourné tous les obstacles. De ces déséquilibres, ils en ont fait une force quasi indestructible. Chef de file de cette génération de musiciens coupe en brosse et pantalon en cuir, ils ont survécu à tout : la drogue, le succès, les traversées du désert, la dance et la techno…
Ils se sont imposés comme l’une des formations majeures capables de jouer dans des stades tout en continuant d’inspirer l’avant-garde.

Depeche Mode a laissé une empreinte indélébile. Et qu’on le veuille ou non, on a tous en nous quelque chose de DM. En préparant l’émission, j’écoutais Rebecca Manzoni, la journaliste de France inter, qui racontait qu’il y a quelques années, après une interview, elle s’est surprise à récupérer et emballer dans un mouchoir le vieux mégot fumé par Dave Gahan, son Personal Jesus à elle.

Aujourd’hui, encore et toujours, et après plus de 40 ans de carrière, DM reste une influence majeure pour une multitude d’artistes dans un spectre musical très large. Passé de la new-wave à une synthpop beaucoup plus sombre, le trio est régulièrement cité par des artistes qui n’ont a priori pas grand-chose à voir avec sa musique : Shakira, Rihanna, Coldplay, Linkin Park ou encore Axl Rose, chanteur des Guns N’Roses … Difficile parfois de saisir l’influence que Depeche Mode a eue sur ces artistes qui leur vouent pourtant tous un culte. La face sombre et gothique des compositions de Martin Gore, de même que la voix chaude de Dave Gahan n’ont eu de cesse d’attirer les groupes à guitares, un comble quand on sait que Depeche Mode s’en est longtemps passé.

Le magazine américain Rolling Stone consacrait en 2015 un article sur la passion que porte Chino Moreno, le leader du groupe de metal Deftones dont le premier concert était un show de Depeche Mode à Los Angeles lors World Violation Tour en 1990. Le gars est si fan qu’il a même la fleur de Violator tatouée sur le biceps !

Mais la consécration ultime, c’est sans doute cette reprise de l’illustre Johnny Cash, qui date de 2002. Dans sa voix, le titre devient une balade folk crépusculaire qui, paradoxalement, semble précéder l’originale…

INSERT — Johnny Cash cover

Manu : Merci Oli pour cette super story !
C’est vraiment un groupe qui a une énorme fanbase, il y a un énorme culte de Depeche Mode, comme les Cure d’ailleurs. Et vous l’avez bien vu en préparant cette émission, la moindre apparition est archivée et analysée sur les sites des fans. C’est assez maboule. J’aime bien la comparaison de Sébastien Michaud, qui a écrit une biographie en français sur le groupe, lui il parle des “Beatles de la génération synthétique”.

Parce que c’est un groupe qui a généré pendant 15 ans au moins une passion folle pendant les concert, et qui a su évoluer avec son temps.

Le making-of de "Violator"

Manu : Et va voir maintenant avec toi Greg que justement qu’à l’aube des 90s, Depeche Mode va devoir encore se réinventer. La première fois, c’était au niveau des textes après le départ de Vince Clarke en 82, quand Martin Gore a pris la relève. La seconde c’est maintenant au niveau de la prod de l’album. 

Oui parce qu’on est en 1989 et la new wave commence à s’essouffler. Ca peut même être un petit peu ringard sachant que c’est le début du grunge et même de la house et de la techno…

Pourtant c’est bien avec cet album de new wave amélioré qu’ils vont atteindre le pic de leur carrière, et selon eux, c’est avec cet album qu’ils vont trouver un nouveau son… 

ça sera à vous de juger… 

Manu : Alors, dis nous comment on enregistre un album de Depeche Mode ?

C’est toujours la même recette : c’est Martin Gore qui compose et fait des demos chez lui, il arrive avec le tout en studio, et globalement, ils refont en mieux ce qu’il avait fait tout seul.

Ensuite, comme Martin Gore se fait un peu chier en studio c’est Alan Wider qui prend la main car lui c’est un très bon musicien, il adore arranger et créer des sonorités… Donc, ils se complètent bien.

Ensuite Dave chante ce qu’on lui demande de chanter. Ni plus ni moinsse, c’est un interprète.

Quand à Andy Fletcher lui il a plutôt un rôle de pacificateur entre les membres du groupe. 

Manu : Ok donc on a une recette bien huilée, c’est quand même leur 7ème album !  

Oui, mais pour cet album ça va un peu changer. Déjà le groupe décide de travailler avec un réalisateur de Mute records qui a déjà travaillé avec eux en tant qu’ingénieur du son : Flood. 

Il s’appelle Flood parce qu’un jour au début de sa carrière il a renversé du thé sur des tables de mixages ! Flood il a bossé avec Vince Clark (l’ancien membre de Depeche Mode), U2 et en parallèle il bosse sur le premier album de Nine Inch Nails qui sort un tout petit peu avant Violator. 

INSERT — NIN

Et ce fameux Flood il va pas vouloir réaliser l’album comme les 5 derniers il demande à Martin Gore de faire des maquettes les plus dépouillées possibles pour qu’ils puissent réinterpréter les démos à leur sauce pour que ça donne une autre touche… 

Alan Wider aura donc  plus de place pour arranger l’album en collaboration avec Flood.

L’enregistrement va commencer en 1989 à Londres chez Mute. Ensuite ils vont à Milan mais là ils enregistrent uniquement « Personal Jesus » parce qu’ils sortent trop… Alors ils décident de se mettre au vert dans un studio au Danemark en pleine campagne et c’est là qu’ils vont enregistrer le reste de l’album. 

Manu : La grande particularité de cet album, tout le monde le dit c’est le retour de la guitare.

Oui d’ailleurs Flood leur dit « Vous avez trop d’idées préconçues avec vos sons. Si vous voulez utiliser une guitare, prenez une guitare ! »

Alors oui les gars ont grandi en écoutant du rock, ils sont passé au synthé parce que c’était pas des virtuoses et parce la synth pop c’était nouveau… Mais ils ont quand même cette culture et en plus les guitares reviennent à la mode à cette époque avec les Guns et même Nirvana entre autres… En tout cas c’est un moyen de remettre un coup de frais dans leur musique, permettre au groupe de devenir plus mainstream. 

Après avoir écouté la discographie, je note que c’est pas la première fois qu’ils utilisent des guitares, dans l’album précédent y’a déjà des cocottes. Mais c’est la première fois que des chansons sont structurées sur un gros riff. 

Manu : Et au mixage, là on un petit nouveau, un frenchie ! 

Oui c’est François Kevorkian, un DJ producteur ingé son français qui a bossé avec Kraftwerk en 86.

Les Depeche Mode disent qu’ils comprennent pas ce qu’il fait, il peut rester 2 jours avec un casque sur les oreilles à bosser sur un charleston, c’est un peu frustrant pour eux au début, mais au bout du compte quand ils entendent ils voient que ça marche. 

Donc il va mixer tout l’album…. Mais à la fin le producteur Daniel Miller est pas content du mix de Enjoy the silence, alors il va prendre le morceau avec lui et le mixer avec un autre gars… Dans les crédits c’est le seul qui est pas mixé par Kevorkian. 

Manu : Est-ce que ça serait pas le moment Greg de brancher la console de mixage ? Est-ce que tu pourrais nous raconter comment ils ont composé ce morceau justement ?

Enjoy the silence

Oui alors à la base enjoy the silence c’est une ballade, composée par martin gore forcément. On écoute la démo :

 

INSERT — demo

https://www.youtube.com/watch?v=GRyDzc4FF0E&ab_channel=js59

 

Flood et Alan Wider veulent l’accélérer, Gore est pas chaud au début, il trouve que ça colle pas avec les paroles, mais il se laisse convaincre. Ils lui demandent de trouver une petite ritournelle en plus. 

Une heure après : ils se disent qu’ils tiennent un hit. On va s’écouter le multitrack et je vais vous expliquer pourquoi c’est un tube.

INSERT — MTK

  • On commence par la guitare, il joue souvent avec des gretch, je sais pas si c’est ce qu’il a utilisé : un maximum d’effets ultra process. Probablement enregistrée sans ampli directement branchée dans la console pour pouvoir la traiter 
  • la basse : faite en mélangeant 2 couches de synthés vintage des 70’s , un minimoog, qui va donner les basses et un ARP 2600 qui va faire la partie plus aiguë, plus punchy.  Avec ces vieux synthés tu es obligé de tout régler depuis le début pour créer un son

– Un peu de boîte à rythme classique mais bien puissante avec des percus. 

  • On passe maintenant au synthé  : On a l’impression que c’est vraiment joué live sans séquenceur automatique sans copié collé midi, les accords n’ont pas la même intensité à chaque fois et ça s’entend. 
  • C’est carrément une pub pour le emu2. Un synthé/ sampler qui date de 1984. Là ils vont pas chercher bien loin les sons ils vont utiliser des presets qui sont livrées sur disquette.  
  • Le chant : Belles harmonies avec Martin gore. Ils sont bien accordés. 
  • c’est vraiment exactement les mêmes lignes que sur la demo, Dave adapte pas du tout le chant. 

Manu : Ok c’est un album avec des guitares, mais il y a surtout des synthés quand même… 

Personal jesus c’est le morceau qu’on qualifie de blues rock, notamment avec le gros riff c’est ce qu’on va voir.. écoutons le mtk 

INSERT — MTK

Personal Jesus

– On commence par un effet d’aspiration, qu’on appelle reverb inversée sur la voix au début du morceau. . Et ensuite il y’a un délai dont les echos sont en rythme : pro tips : quand vous utilisez un Delay : il faut absolument qu’il soit au tempo. On écoute

  • Ensuite les percussions : c’est original c’est des pieds qui tapent sur des Flight case, j’ai écouté Rebecca Manzoni sur inter qui compare ça à du flamenco… Moi qui suis un grand fan de flamenco, j’ai du mal à lui laisser dire ça : le rythme est beaucoup moins complexe qu’un taconeo flamenco. 
  • riff de guitare très très blues: qui fait la colonne vertébrale du morceau :
  • Vous voulez une basse ? Bah je vous en met 2, voir même 3. 
  • Plusieurs layers de synthés forcément 
  • Et puis la voix. 

On a finalement des compositions assez simples, des structures de chansons simples, on est loin de l’expérimentale. 

Alors ils vont mettre des effets à gogo dans les pistes. 

notamment la Gated reverb qui est un héritage des 1980, en gros on va mettre de la réverbération sur des éléments de batterie qu’on va couper brusquement, ça va donner un énorme son qui s’arrête brusquement : je vous fais écouter 

Un album qui commence les 90’s qui est selon moi une évolution de Depeche Mode, mais pas non plus une révolution, ça reste du Depeche Mode, ça sonne encore synth pop 80. La différence est très marquée avec les débuts du groupe. Mais quand tu écoutes l’album précèdent bah on est finalement pas très loin.

On note aussi que l’album ne s’affirme pas que sur le côté pop mais aussi sur le côté industriel avec de longues phases presque expérimentales très sombres que personnellement je préfère. 

Voilà les amis. 

Manu : C’est vrai qu’avec Violator, les fans découvrent que Depeche Mode est fan de Blues, ce qui, sur le papier, semble être à des années-lumières de ces experts des machines. Finalement c’est peut-être ça leur coup de génie : ils montrent que le mariage du rock et des machines c’est possible ! 

Et par la suite, ce qui aurait pu n’être qu’une passade va devenir leur nouvelle marque de fabrique. Ils font une sorte de blues électronique et moderne. Martin Gore, lui parle (je cite) de “l’émotion de Neil Young ou John Lennon transmise via les synthétiseurs de Kraftwerk, c’était mon rêve”.

Merci Greg pour cette démo !

L'univers visuel de Violator

Manu : Allez on continue cette exploration de Violator avec toi Fanny. Cette année 1990 va marquer un changement radical dans la musique du groupe on l’a dit, mais on va voir que cela se traduit aussi par une nouvelle image, une nouvelle direction graphique aussi… 

Bon les amis, j’espère que vous avez une demi-journée devant vous parce que ça va être dense ! Commençons par le commencement avec le titre de cet album : Violator.

Et pourquoi que s’apelorio Violator ? Jusqu’ici tous les titres des albums de Depeche Mode étaient constitués de plusieurs mots : Speak and Spell, Construction Time Again, Music for the Masses... Soudain pour la première fois on a un titre court, un peu choc. Pendant la phase de travail, le titre provisoire du disque était même « Perversion » et puis finalement ils choisissent « Violator » qui a plusieurs sens en anglais : ça peut être un violeur, ça peut être un profanateur ou un contrevenant à la loi. Dans tous les cas, c’est une personne qui transgresse les limites et l’ordre moral. Vu le goût de Martin Gore pour les métaphores religieuses, je penche pour la piste du profanateur et l’hérétique plutôt que les autres.

Mais laissons Martin nous expliquer lui-même la signification de ce titre :

« Nous l’avons appelé Violator pour plaisanter. Nous voulions proposer le titre le plus extrême et ridiculement Heavy Metal que nous pouvions. Je serais surpris que les gens comprennent la blague. »

Grâce à cette interview donnée en février 90 au magazine NME, on comprend donc le clin d’œil : Metallica, Megadeth, Slayer, Violator.. c’est vrai que ça le fait !

Manu : Ils choisissent un titre extrême, mais par contre une jolie petite rose pour la pochette…

C’est exact, tout est dans le choc des symboles, dans le contraste. Cette rose coupée c’est un oxymore visuel qui nous dit l’amour, le sexe et le romantisme noir tout autant que ce titre nous dit la violence. Cette pochette l’une des plus cultes des années 90 et sa maestria réside dans sa sobriété. Ici pas de chichis, pas de fioritures : un fond noir avec une image forte au centre, ça vous rappelle quelque chose ?

Normal l’influence numéro 1 du graphic designer qui a réalisé ce visuel c’est la pochette iconique de l’album Unknown Pleasures de Joy Division, signée par le directeur artistique Peter Saville.

Aux manettes de la pochette de Violator, on trouve un binôme composé du photographe hollandais Anton Corbijn et de Richard Smith du studio londonien Area. Smith est un ancien employé de Peter Saville, et c’est en bossant ensemble sur un projet de livre de Corbijn qu’ils ont fait connaissance. Le photographe va le choisir pour le seconder, d’abord en lui donnant un rôle vraiment secondaire dans les créations pour Depeche Mode puis en lui laissant de plus en plus de place dans la conception graphique des projets.

Manu : Oui parce qu’il n’y a pas seulement la pochette de l’album, mais carrément une nouvelle identité graphique à refaire. 

En fait ce qu’il se passe c’est que Depeche Mode au tournant des nineties a besoin de se débarrasser de l’image pop qui colle à sa musique, ils se cherchent une nouvelle identité plus arty, plus underground et pour ce faire ils vont faire appel à Anton Corbijn. Corbijn avait déjà collaboré à plusieurs reprises avec les Modes depuis 1986, il avait même refusé certaines de leurs propositions parce qu’il n’était pas méga fan de leur musique. 

Mais bon finalement il les voit évoluer, il voit un potentiel chez eux et en 89 il accepte de réaliser une première pochette pour l’album live 101. Cette même année, le groupe lui fait une proposition qui va changer sa vie pour de longues années : devenir le directeur artistique de tout l’univers visuel de Depeche Mode ; les pochettes de tous les albums et des singles, la réalisation de tous les clips et même tous les éléments de décor et les projection vidéo sur scène lors des tournées du groupe. 

Cette collaboration dure depuis presque 40 ans et fait l’objet d’un très beau livre chez Taschen, s’il y a des fans qui nous écoutent.

Manu : OK donc Anton Corbijn devient presque à ce moment-là le cinquième membre du groupe ! Il apporte vraiment un renouveau esthétique.

Ce qui est drôle c’est qu’Anton Corbijn, qui est un très grand photographe au style unique, principalement du noir et blanc avec beaucoup de grain, des flous maîtrisés… Un style immédiatement reconnaissable, qui lui a valu de collaborer avec les plus grands noms de la musique : de Nirvana à U2, en passant par Tom Waits, Bjork, Nick Cave, Kate Bush, Joy Division…

Manu : En 2007, Anton Corbijn réalise d’ailleurs son premier film, Control, qui est un biopic sur Ian Curtis de Joy Division

Oui un excellent film, que je vous recommande ! Corbijn est un touche à tout, au départ photographe il devient réalisateur de clip dès 1983 et il va désormais s’improviser plasticien sur Violator. La pochette du single ‘Personal Jesus’ c’est en effet un tableau peint par lui, quasi sans retouches. La pochette de Violator avec la rose : idem ! 

Dans le magazine Interview il déclare en 2010 la chose suivante :

« J’ai juste peint une fleur en rouge et l’ai accrochée sur un panneau de bois avant d’écrire en dessous ‘Violator’ »

Le tableau est ensuite photographié avec plusieurs procédés différents, dont un procédé de solarisation j’ai l’impression pour les photos en noir et blanc à l’intérieur du livret. Corbijn envoie aussi à Richard Smith des portraits qu’il a pris des 4 membres du groupe à Milan. Et avec tous ces éléments, Smith met en page la pochette et le livret, lui aussi extrêmement sobre avec du texte, paroles et crédits, en blanc sur fond noir. A nouveau ça ressemble beaucoup au travail de Saville sur Unknown Pleasures.

Ce que j’adore dans cette pochette c’est le traitement en post prod sur la rose qui n’est pas juste rouge mais comme mouchetée. Il y a une plante très belle qui s’appelle ‘poinsettia’ sur les feuilles de laquelle on retrouve ces mêmes marbrures rouges et blanches. Je crois que je vais m’en acheter une, c’est trop beau !

Corbijn a peint une autre déclinaison de cette œuvre pour la pochette d’Enjoy the Silence. On y voit une rose peinte en blanc sur un fond bleu. De sa main à nouveau il a écrit le nom du groupe à gauche et le nom de la chanson à droite. Et comme l’image sur ce single n’est pas trop retouchée, on voit vraiment qu’il s’agit d’un tableau au départ… je veux dire plus que sur la pochette de Violator !

Finalement cette image est très chargée, la manière dont la rose est attachée au bois peut presque faire penser à du bondage. Je pense que c’est la manière de Corbijn de répondre à l’imaginaire sexuel et au look de Martin Gore, très branché SM.

La rose peut ici être une métaphore féminine, c’est une piste de lecture. Tout comme elle peut aussi être un clin d’œil à la rose du Petit Prince dans le roman de Saint-Exupéry, qui est la source d’inspiration principale pour le clip d’Enjoy the Silence…

Manu : Ah bah merci Fanny, ma transition est toute trouvée ! On a déjà appris plein de choses sur les artworks, on va pouvoir maintenant se mater un clip. Tu as choisi lequel ? 

Dur dur de décider de quel clip vous parler parce que ce cher Anton-là, il va tout de même en tourner 6 ! Qui vont tous sortir sur une VHS nommée ‘Strange too’ en 1990. Et qui sont tous tournés en film super 8, caméra au poing.

Mais bon puisqu’il ne faut en choisir qu’un, prenons le plus célèbre, celui qui a remporté le MTV Award du meilleur clip de l’année 90, j’ai nommé bien sûr Enjoy the Silence !

INSERT — Enjoy the Silence 

Le scénario principal, qui occupe la plus grande partie du clip, tient en une seule ligne. Anton Corbijn avait un meeting super formel prévu avec le groupe, le producteur Richard Bell et toute l’équipe. Quand on lui a demandé ce qu’il avait en tête, il a juste répondu :

« Oh, un roi dans une chaise longue ! »

Ce scénario décalé, poétique, complètement absurde est très loin de faire l’unanimité. Dave déteste l’idée d’être déguisé en roi, il se dit que Corbijn est complètement fou mais ce qui est beau dans l’histoire c’est que Depeche Mode a une confiance aveugle dans le travail de Corbijn et dans sa vision créative. Et donc même s’ils ne sont pas chauds chauds, ils donnent leur feu vert pour le projet.

Dave Gahan part donc tout seul en tournage avec une équipe réduite. En Ecosse, il déambule avec sa cape, sa couronne sur la tête et son transat sous le bras dans des plaines verdoyantes. En coulisses c’est l’enfer, 3 jours sur place à attendre que la pluie diluvienne s’arrête, ce qu’elle finira par faire pendant… 20 minutes. Mais il n’en fallait pas plus pour mettre la séquence en boîte. Ils vont aussi à Balmoral, le domaine de la famille royale anglaise situé dans les Highlands. Là, ils tournent pendant 8 heures sur une colline en plein vent. Quand ils reviennent à la voiture, ils se rendent compte que les roues sont bloquées dans la glace. Et on a donc Dave toujours habillé en roi qui fait coucou aux automobilistes qui passent là, pendant que les autres tentent de dégager la voiture ! 

Manu : C’est un tournage pour le moins épique ! 

L’équipe enchaîne ensuite dans les montagnes enneigées des Alpes suisses puis sur les plages portugaises. Partout, tel un roi sans royaume, Dave Gahan fuit la civilisation à la recherche d’un peu de silence. Il arpente ces paysages déserts, parfois déplie sa chaise longue et s’assoit dessus à ne rien faire. Il contemple.

En 90, il déclare sur MTV : 

“Le tournage a pris une semaine, c’était principalement moi en train de me promener avec cette tenavec… alors que les autres tout ce qu’ils ont eu à faire c’est rester dans un studio pendant 2h avecue de Roi que je détestais. Mais tout le monde m’a convaincu que ça irait et après coup tout le monde a trouvé que ça rendait super, mais moi je pense toujours que j’ai l’air d’un crétin  un air morose !”

Gahan décrit ici une autre partie du clip, avec les 4 membres de Depeche Mode, filmés en noir et blanc sur fond noir, allure bad boys du rock avec blousons de cuir et yeux maquillés de khôl. Le tournage de cette séquence-là a eu lieu en Angleterre dans le studio photo d’Anton Corbijn. Les musiciens multiplient les poses statiques, comme s’il s’agissait d’une séance photo. Et au flash de l’appareil répondent différents inserts de l’artwork de Violator avec la rose, décliné dans plein de couleurs. ça pop à l’écran comme des images subliminales.

Manu : Fun fact, Fanny dans un ancien épisode de Radio K7 tu nous parlais déjà d’un clip qui avait copié cette séquence d’Enjoy the Silence !

Oui oui souvenez-vous des suédois d’Ace of Base qui ont rendu un vibrant hommage à Depeche Mode dans le clip de The Sign. Si vous n’avez pas le truc en tête, allez voir, ça vaut son pesant de cacahuètes.

Manu : Je crois que Coldplay aussi a rendu hommage à ce même clip, dans la vidéo de Viva la Vida !

Ouais enfin c’est presque une autoparodie ! Car Coldplay s’est offert les services d’Anton Corbijn lui-même pour un clip dans lequel Chris Martin déambule tout seul habillé en roi.

C’est quand même fou le succès de ce clip sur lequel personne ne voulait parier, qui est finalement le plus célèbre de toute l’œuvre de Depeche Mode !

A vrai dire ce clip ils y croyaient tellement pas qu’ils en avaient un deuxième en back-up  au cas-où celui avec le roi et son transat soit raté ! Et là, grosse blague ! Figurez-vous que ce 2ème clip qui montre Depeche Mode en train de chanter ‘Enjoy the Silence’ en play-back, c’est en fait une promo filmée en mars 90 par la télévision française pour l’émission ‘Champs-Élysées’ de Michel Drucker ! Lolilol

En plus ça se passe au sommet de la tour Sud du World Trade Center à New York, ça fait froid dans le dos de voir les images sachant que les tours ne sont plus là!

Manu : C’est vrai que ça rajoute un peu plus d’émotion à cette chanson. Dans un autre style, Depeche Mode est revenu aussi jouer “Enjoy the silence” à la TV française, cette fois c’était pas chez Drucker mais c’était chez Patrick Sébastien dans l’émission “Suprise sur prise” ! Je vous jure que c’est vrai ! Vous vous souvenez de Surprise sur Prise ou pas ? 

À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST

Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “