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Lauryn Hill “The Miseducation of Lauryn Hill”

(1998)

EN QUELQUES MOTS

Dans cet épisode on va vous parler de Ms. Lauryn Hill, l’une des rappeuses les plus adulées de l’histoire du hip-hop. Deux ans après ‘The Score’, la chanteuse des Fugees revient en 98 avec un album solo ‘The Miseducation of Lauryn Hill’ qui devient instantanément un classique.

C’est une véritable déclaration d’intention, loin de la routine gangsta habituelle. Avec ce disque Lauryn Hill efface pour de bon la frontière entre le rap et la variet’, et pousse même les murs en mordant sur les registres reggae, dancehall, doo wop et nu soul.

The Miseducation… on s’en souvient bien avec le Radio K7 crew. On revient sur la story de Lauryn Hill avec Olivia, on retourne en studio avec Grégoire, et Fanny vous raconte tout sur le clip de “Doo Wop” !

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Retour en 1998

Voilà pour les 16 titres de The Miseducation, et oui parce qu’il y en 2 titres cachés. C’est le 1er — et dernier — album solo de Lauryn Hill.

Il sort pour la rentrée scolaire le 25 août 1998 en Compact disque, Cassette, vinyle et MiniDisc sur le label Ruffhouse (chez Sony).

Quand Lauryn Hill se lance en solo, c’est l’année une année de ouf ! Dans l’ordre : Dr Dre découvre Eminem, Terminator X quitte Public Enemy (dont il était le DJ), Rosa Parks poursuit OutKast en justice et Prince devient scientologue ! Plus largement 1998 c’est aussi l’année du couple Bill Clinton-Monica Lewinski et des jeux olympiques d’hiver de… Na-ga-no. En France on va voir Titanic et les Bleus gagnent la Coupe du monde ! Voilà pour l’éphéméride 🙂

La story de Lauryn Hill

“The Miseducation of Lauryn Hill” est le premier et le seul album studio de Lauryn Hill sorti le 25 août 1998 sur le label Ruffhouse. L’album sera nommé dix fois aux Grammy Awards en 1999 et gagnera cinq prix, dont celui du meilleur album de l’année. C’est d’ailleurs le premier album hip hop à recevoir cette récompense !

A l’heure actuelle, l’album s’est vendu à plus de 19 millions de copies à travers le monde. Il a influencé toute une génération d’artistes de la soul et du hip hop et est devenu une référence absolue. C’est absolument dingue le nombre d’artistes qui continue de citer cet album : Adèle dit que cet album a changé sa vie, Mary J. Blige le considère comme l’un des albums les plus incroyables jamais faits, Drake a récemment utilisé un extrait d’Ex-Factor dans sa chanson Nice for What…

INSERT — Drake
Il y aura eu un avant et un après dans le rap !

Manu : On entend souvent parler de “l’album de la maturité”, ici on va plutôt parler de l’album de l’émancipation et de la revanche.

Mais revenons à la genèse du projet, mon cher Manu :

Nous sommes en 1997, les Fugees sont en train de se séparer et Lauryn en a un peu gros sur la patate, comme on dit. Wyclef Jean est alors en train de sortir son premier album solo (sur lequel Lauryn Hill a d’ailleurs travaillé), et Pras Michel se lance dans des projets musicaux personnels.

Lauryn se sent abandonnée : le label ne ferait rien pour l’aider, Wyclef Jean lui mettrait tout le milieu à dos et elle ne serait pas considérée à sa juste valeur parce qu’elle est une femme. Elle a l’impression de s’être fait avoir : elle ne se sent pas suffisamment mise en avant dans le groupe.
Le manager de Fugees, Jayson Jackson, reçoit un coup de fil de sa part:

«Mais qu’est-ce que c’est que ces connards? C’est moi qui ai parlé la première de faire un album solo, et ils bossent sur les albums de tout le monde sauf sur le mien. Je quitte le groupe.»

Elle en a marre donc, elle plaque tout : son groupe et son mec.

Elle veut faire son disque comme elle l’entend, elle.
La plupart des chansons de cet album traitent d’ailleurs de ses frustrations avec les Fugees. I Used to Love Him aborde de la rupture artistique avec Wyclef Jean : on apprendra plus tard qu’il ne s’agissait pas que d’une relation artistique.

Elle règle ses comptes avec le rap aussi : elle en a marre des clips avec des filles à moitié à poils, elle en a marre de ces mecs qui incitent à la violence et qui ne parlent que de leur gueule.

The Miseducation of Lauryn Hill est une déclaration d’indépendance. C’est une lettre de rupture, un avertissement aux hommes qui blessent inlassablement les femmes qui les aiment.

Mais The Miseducation of Lauryn Hill, c’est aussi et surtout une lettre d’amour. Personne ne le sait encore, mais elle est enceinte – ça va être le déclic pour la composition de son album.

C’est une lettre d’amour au “moi libéré”, au “moi maternel” et à Dieu.
C’est un album qui parle de la vie : de la vie d’adulte, de femme, de mère, d’artiste à part entière. Elle y parle d’amour au sens large, qu’il s’agisse d’une histoire d’un soir ou de l’amour d’une vie. D’amour maternel, de cet enfant qu’elle attend et qu’on lui a conseillé de ne pas garder.

INSERT — To Zion

“Pense à ta carrière, Lauryn, chérie, pense avec ta tête / mais j’ai choisi mon coeur”

L’enfant s’appellera Zion comme le titre de cette chanson où Carlos Santana l’accompagne à la guitare.

C’est bien de la maternité que parle «To Zion». Lauryn Hill attend un enfant de Rohan Marley, fils de Bob, qu’elle a rencontré en tournée plusieurs mois avant. Personne n’est au courant de leur relation, et encore moins de sa grossesse.
«To Zion» explore ce chamboulement dans sa vie, ce nouveau départ, sa renaissance et ses frustrations. Elle a porté cet enfant et cet album en même temps. Elle est presque habitée.

Manu : tu viens de parler de Carlos Santana. Mais j’ai l’impression qu’il y a pas mal de monde sur cet album ?

Olivia : Mais tout à fait, mon cher Manu !
Oh, quel talent d’écoute ! C’est fou !

Lauryn Hill va s’entourer de pas mal d’artistes : Santana, on l’a dit, mais aussi le chanteur D’Angelo sur le titre Nothing Even Matters, Mary J. Blige sur I Used to Love Him ; et également un très jeune musicien encore inconnu à l’époque : un certain John Legend au piano sur le titre Everything is Everything.

Bien que cet album fut un travail collaboratif entre Lauryn Hill et New Ark, un groupe de musiciens encore parfaitement inconnu à l’époque (tu nous en parleras plus longuement, mon cher Greg), il semblerait qu’il y ait « une pression du label pour faire un truc à la Prince, c’est-à-dire que toutes les chansons soient créditées par un ‘écrit et produit par’ de l’artiste avec une brève mention d’une aide extérieure” (je cite ici l’article paru en 2008 dans Rolling Stone) .

Alors qu’elle était en train d’enregistrer son album, on demande à Hill de fournir des contrats aux musiciens mais elle répond:

« Nous nous aimons tous. Ceci n’a rien à voir avec des contrats. Et c’est une bénédiction ».

Ah… J’ai peut-être oublié de vous dire que pendant l’enregistrement de l’album, Lauryn Hill est rentrée dans une phase quasi-mystique. Elle s’est plongée dans la Bible. De ses lectures ressort une sorte d’ésotérisme, une quête de soi inspirée de la quête du paradis perdu, Zion. Bref elle plane un peu…

Et donc malgré tout cet amour, Lauryn, ses managers et son label seront poursuivis en justice en 1998 par New Ark, déclarant qu’ils avaient coécrit et coproduit 13 des 14 titres de l’album. Il va s’en suivre 3 ans de batailles judiciaires, où le label va tout faire pour discréditer les musiciens de New Ark. Les poursuites seront finalement abandonnées grâce à un règlement à l’amiable et surtout un petit chèque de 5 millions de dollars.

Dès la sortie de The Miseducation Of Lauryn Hill, le succès est énorme. La barre des 400.000 exemplaires vendus en première semaine. Le succès de cet album confirme que le rap, c’est pas que des guns, de la weed et des filles en bikini.

Le rap peut se faire sensible et son histoire s’écrit aussi grâce à des femmes puissantes. Lauryn Hill en fait partie.

Le problème, c’est que Lauryn Hill ne s’est peut-être jamais relevée du succès de cet album.

Depuis, c’est compliqué. En 2001, il y aura un album live “MTV Unplugged No. 2.0.” Accompagnée seulement d’une guitare, elle se concentre plutôt sur le message qu’elle veut faire passer, inspirée par ses convictions politiques et religieuses. Et contrairement à l’album The Miseducation qui avait reçu la quasi-unanimité des critiques, le MTV Unplugged divise.

Elle n’a plus jamais sorti d’album. Son inspiration divine semble avoir complètement disparu. Et malheureusement Lauryn Hill traîne aussi une mauvaise réputation : un tempérament et une énergie difficile à cadrer.
Wyclef clame qu’il est prêt à retravailler avec elle à condition qu’elle soigne sa bipolarité.

Ses concerts, quand ils ne sont pas annulés, sont soit de vraies épiphanies soit au contraire quelque chose qui ressemblerait à de l’auto-sabotage.

Elle aurait des exigences complètement folles : interdiction de la regarder dans les yeux, obligation de l’appeler Miss Hill, des grands tunnels de draps noirs doivent être installés entre sa loge et la scène pour qu’elle ne croise personne avant ses concerts…

Le making-of de "The Miseducation of Lauryn Hill"

MANU : Revenons maintenant au making-of de cet album. Grégoire toi tu t’es intéressé à l’enregistrement de cet album qui a été crée entre les Etats-Unis et la Jamaïque…

Oui c’est ça en fait une grande partie des titres de l’album ont été écrits dans les Attic studios dans le New Jersey, l’enregistrement proprement dit lui, s’est déroulé entre novembre 1997 et juin 1998 dans les studios Chung King à New York et les studios Tuff Gong de Kingston, les studios crées par Bob Marley pour s’affranchir de la pression des producteurs et dans lesquels il enregistrera l’album Survival avec les Wailers D’ailleurs, de nombreux membres de la famille Marley assisteront aux sessions d’enregistrement de The Miseducation, Rohan Marley évidemment, le compagnon de Lauryn Hill dont elle attend un enfant, ou encore Julian Marley qui fera une guitare sur le titre Forgive Them Father.

On l’a vu avec Olivia, à cette époque Lauryn Hill veut s’émanciper de la planète Fugees, elle est aussi persuadée que Wyclef Jean, son ex compagnon essaye de lui mettre des bâtons dans les roues pour l’empêcher de travailler avec d’autres musiciens du milieu Hip Hop, alors elle décide de faire appel un groupe totalement inconnu au bataillon, les New Ark composés de Kilo Pugh, Vada Nobles, et les frères jumeaux Jo et Tejumold Newton. Ce sont pour certains des proches de la famille de Lauryn Hill, Jo Newton explique dans une interview que pour eux Lauryn Hill était vraiment comme une grande soeur et c’est sans doute ce que la chanteuse recherchait, un climat familial et protecteur.

Ce choix il surprend évidemment la maison de disque et aussi le producteur de l’album, Commissioner Gordon, grand nom du hip hop qui a collaboré avec Alicia Keys, Will Smith ou encore 50 cent. C’est vrai qu’à cette époque, Lauryn Hill a la possibilité de travailler à peu près avec n’importe qui donc c’est plutôt osé de sa part de faire appel aux New Ark qui pourtant on le sait vont avoir un rôle prépondérant dans la création de ce disque.

C’est vrai qu’en studio ce n’est pas toujours facile de savoir qui fait quoi et donc qui doit être crédité… Sur ce miseducation, voilà comment les choses se seraient passés selon les New Ark :

Tout partait de ce que Lauryn Hill avait en tête. C’était sa vision que le groupe des New Ark tentait de matérialiser. Vada Nobles créait les rythmiques, le groove qui allait ensuite être enrichi par les instrumentations des autres musiciens. Enfin Lauryn Hill finissait d’écrire les paroles du morceau.

MANU : Alors on parlait tout à l’heure des paroles : le respect de soi, la sagesse, la patience et surtout le pouvoir de l’amour. Ah que c’est beau !

D’ailleurs, le disque est rythmé par des interludes où un professeur joué par le poète et homme politique Ras Baraka entretient un débat animé avec ses élèves sur le thème de l’amour. Des interludes enregistrés dans le salon de Lauryn Hill dans le New Jersey et que l’on peut entendre par exemple à la fin du titre Ex Factor.

INSERT — Interlude
INSERT — Lost Ones

MANU : Lost Ones de Lauryn Hill dans Radio K7… ON en vient au plus important Greg maintenant, le son de l’album. Qu’est-ce qu’il a de si particulier ?

L’idée pour ce disque selon Lauryn Hill c’était de rassembler “l’intégrité du reggae, l’impact du hip-hop et l’instrumentation de la soul classique”, ici pas question d’avoir un album ultra produit comme cela se fait beaucoup à l’époque, avec des sons très compressés et retravaillés par ordinateur, Lauryn Hill veut aller à contre courant de ce mouvement en conservant les imperfections de l’enregistrement studio, et c’est qui fait tout le charme de the Miseducation. Finalement Lauryn Hill parvient ici à relier le rap à l’histoire des musiques noires. On y entend des sons gospel, du reggae et des arrangements vocaux tout droit sortis d’un disque soul de la Motown. Le tout dynamisé par les rythmiques hip hop concoctés par Vada Nobles.

MANU : C’est un album extrêmement malin, qui cultive l’art de la collaboration, du sample et de la reprise…

Faut quand même se souvenir que Lauryn Hill doit une grande partie de sa célébrité à Killing Me Softly, reprise de Roberta Flack de 1972, dans the miseducation, Lauryn Hill s’attaque au monument de Frankie Valli, Can’t take my eyes of you, hymne disco popularisé par le groupe Boys Town Gang…

INSERT — Boys Town Gang vs Lauryn Hill

Et puis il y a en effet beaucoup de collaborations notamment avec le chanteur de neo soul D’Angelo sur le titre Nothing Even Matters, avec le guitariste Carlos Santana sur Zion, avec la chanteuse de RnB Mary J. Blige sur I Used to Love Him ; mais aussi avec des artistes moins connus à l’époque, comme John Legend qui joue du piano sur le titre Everything is Everything.

Côté samples, les connaisseurs auront reconnu The Doors dans “Superstar”, Sister Nancy dans “Lost Ones”, le Wu-Tang sur “Ex-factor“et même Bob Marley, grande source d’inspiration sur cet album, dans “Forgive Them Father », titre au fort accent jamaïcain, vous allez l’entendre, c’est la guitare qui est samplé, on écoute d’abord l’original puis la version de Lauryn Hill.

INSERT — Extrait Forgive them father

MANU : Pour conclure qu’est qui a fait le succès de The Miseducation selon toi ?

C’est vrai que c’est un album qui a tout de suite obtenu le statut de classique instantané, c’est sans doute parce qu’il parvient à parler à beaucoup de monde bien au-delà du cercle des amateurs de hip-hop. Les fans de reggae y trouvent leur compte, les fans de soul y trouvent leur compte et le disque reste suffisamment POP pour séduire le grand public. C’est sans doute ce qui explique en partie le phénomène autour de The Miseducation of Lauryn Hill qui a su bien mieux vieillir que beaucoup de productions soul et hip hop de cette fin des années 90.

Manu : Tu penses à quoi ?

The velvet rope J.Jackson, Share My world Mary J.Blige ou Butterfly de Mariah Carey

L'univers visuel de Lauryn Hill

Manu : Je me tourne vers toi Fanny parce qu’on va maintenant parler de l’artwork et du titre de cet album. Alors pourquoi elle parle de mauvaise éducation ? c’est quoi c’est son côté bad boy ?

Fanny : Concernant la direction artistique de l’album, Lauryn Hill fait partie de ces artistes qui savent d’avance ce qu’ils veulent et ont une idée très précise de l’image qu’ils souhaitent véhiculer. Ici, on retrouve partout comme fil rouge l’idée de transmission, voire même d’éducation tel qu’annoncé dès le titre de l’album : The Miseducation of Lauryn Hill. Ce titre s’inspire de deux ouvrages littéraires : 1) ”The Mis-Education of the Negro”, un livre de sociologie de Carter G. Woodson datant de 1933 et 2) l’autobiographie ”The Education of Sonny Carson” de 1972 qui raconte comment un ado afro-américain se retrouve embrigadé dans un gang.

Pour Lauryn, cet album c’est le récit d’une métamorphose, un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte,. Comme OIivia l’a raconté tout à l’heure, on a une jeune artiste de 22 ans qui quitte le groupe avec lequel elle a connu le succès pour se lancer en solo. Et cette étape professionnelle majeure se double d’une grossesse qui représente elle aussi un changement majeur dans sa vie personnelle.

A ce stade, Lauryn comprend que sa grossesse lui permet de mettre en parole des sujets intimes et des émotions sur lesquelles elle n’a pas l’habitude de communiquer. Elle veut que son disque devienne une référence sur certains sujets. On a vu son engagement personnel de plus en plus grand envers la religion et le rôle du professeur qui débat sur l’amour dans plusieurs interludes. Donc on a un clin d’oeil à l’éducation dans le titre de l’album, puis un professeur qui intervient sur l’album tel un Platon des temps moderne et visuellement, la métaphore va continuer.

On commence par le livret intérieur où on découvre une série de portraits qui ont été orchestrés par Lauryn elle-même en collaboration avec le directeur artistique Erwin Gorostiza et le photographe Eric Johnson. Déjà pour le choix du photographe il y a une anecdote marrante, c’est que Lauryn avait constitué tout un moodboard avec des références et des noms d’artistes. Dans la shortlist de photographes il y avait 2 grands noms parmi lesquels Peter Lindbergh et le 3ème Eric Johnson était un mec moins connu mais qui bossait avec pas mal d’artistes genre Alicia Keys ou Maxwell. Johnson est originaire du New Jersey comme Lauryn Hill, sa mère bossait dans un salon de coiffure à South Orange. Au détour d’une discussion ils se sont rendus compte que Lauryn allait se faire coiffer là-bas quand elle était petite, elle a trouvé que cette coïncidence était une sorte de signe donc qu’elle l’a embauché direct.

Pour la séance photo de l’album, elle voulait que ça ait lieu dans un lycée. Après avoir refusé pas mal de propositions d’établissements, elle a appelé le proviseur de son ancien bahut à South Orange et ils ont au l’autorisation d’y faire la séance. Plus autobiographique tu meurs ! Plein de portraits ont donc été pris dans le hall, dans un bus scolaire, dans les toilettes pour filles, au tableau ou dans la salle de classe.

Quelques semaines plus tard le manager de Lauryn appelle le D.A. avec une nouvelle idée de création pour la pochette. Ils veulent utiliser un portrait pris par Eric Johnson et le faire graver digitalement sur un bureau d’écolier. A l’époque ce montage a demandé beaucoup de boulot parce que Photoshop n’était absolument pas aussi développé qu’aujourd’hui donc les retoucheurs étaient vraiment balaise. On se dit “Woow, Lauryn est vachement forte quand même à tout conceptualiser toute seule comme ça” sauf que ouais bon, en fait la pochette s’inspire un peu beaucoup d’un album de beau-papa, j’ai nommé « Burnin’ » de Bob Marley & The Wailers sorti en 1973. On vous mettra l’image sur les réseaux sociaux pour que vous jugiez par vous mêmes, l’inspi est assez flagrante !

Manu : Cette pochette est dingue blabla. On vous parlait tout à l’heure des Grammy, mais Lauryn Hill a aussi remporté les MTV Awards pour le clip de Doo Wop !

INSERT — doo wop clip version

On est en 1998, l’art du vidéoclip est alors florissant et les maisons de disques mettent un gros paquet de thunes sur la table pour embaucher de bons réalisateurs. On a vu ça notamment dans notre épisode sur Daft Punk… C’est ici qu’intervient Camille Yorrick, directrice de la production vidéo chez Columbia à l’époque. Elle conçoit un brief créatif pour le clip et fait passer un casting que va remporter le duo anglais Big TV ! formé par Andy Delaney & Monty Whitebloom, notamment parce que c’est eux qui ont eu l’idée du splitscreen que l’on voit à l’image. Ce clip, je me rappelle que je le voyais très souvent à la télé et que le trouvais super, avec cette histoire qui se déroule simultanément dans deux époques. Dans la partie gauche de l’écran c’est les sixties, dans la partie droite c’est les 90s, il n’y a pas de démarcation entre les deux mais tous les petits détails visuels permettent d’ancrer les images dans leur périodes respectives.

Par exemple dans les 60s, Lauryn est tirée à 4 épingles avec une robe zébrée, les cheveux lisses au carré et elle chante avec un chœur classique RnB derrière elle alors que dans le présent elle est plus en mode hip-hop, femme libre, dreadlocks et pleine d’assurance. Le tournage a eu lieu à Washington Heights à Manhattan sur 5 jours durant lesquels toutes les prises ont été faites 2 fois avec les 2 lots d’accessoires dédiés: voitures, costumes, devantures de magasins, postes radio, caméras vidéo. Tout est prétexte à explorer les deux époques, les attitudes, la mode, la manière de danser, la technologie de l’époque. C’est vachement bien fait et ça a vachement bien plu, la preuve comme tu l’as dit Manu le clip a remporté le titre de Meilleure vidéo de l’année aux MTV Awards !

Pour moi, ça a été une grosse claque de me replonger dans la clipographie de Lauryn. Depuis qu’on fait le podcast, j’en ai visionné des dizaines mais là j’ai trouvé qu’en terme de réalisation, de concept et de photographie, on était vraiment dans le haut du panier. Il y a le clip d’Everything is Everything aussi que je ne vais pas approfondir mais le synopsis est trop cool, on voit New York transformée en gigantesque platine vinyle avec une aiguille géante qui raye le bitume. Les effets spéciaux sont top, c’est presque un petit film, servez vous un bol de pop corn, foutez-vous sur Youtube et allez le voir, vous s’rez pas déçus !

A nouveau avec ces vidéos, Lauryn Hill se positionne comme une figure de défricheuse. Elle n’emploie rien de l’imagerie habituelle du rap masculin mais montre au contraire qu’il y a une place au soleil à se faire pour les MC femmes. Je trouve que c’est une bonne figure du black empowerment, quoi qu’on pense de son parcours après cet album, rien que pour ça je lui tire ma révérence.

 

À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST

Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “