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Massive Attack “Mezzanine”

(1998)

EN QUELQUES MOTS

Aujourd’hui donc on va parler de trip-hop. Le trip-hop qu’est-ce c’est ? C’est en gros un rythmique hip hop à laquelle on ajoute : des samples, des synthés froids, une mélancolie certaine, et un bon nombre de sonorités nouvelles. Le but premier étant d’expérimenter et de combiner les styles. C’est presque une religion quoi !

Nous aurions pu vous parler de Portishead, de Dj Shadow, de Tricky, Bjork ou Morcheeba… mais non ! Nous sommes le 27 juin 2019 et on a choisi de se pencher ce soir sur le cas de l’album Mezzanine de Massive Attack qui sort en 1998.

C’est une petite révolution pour le groupe qui s’ouvre à la new wave et intègre pas mal de guitares, et un énorme succès commercial.

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Retour en 1998

Mezzanine. C’est le troisième album de Massive Attack, il sort un peu avant la coupe du Monde — le 27 avril 1998.

La story de Massive Attack

Manu : On va raconter l’histoire de ce disque immense, qui a bien failli ne jamais sortir… avec Grégoire.

Grégoire : C’est un album qui sort le 20 avril 1998 sauf qu’en réalité l’album est disponible depuis plusieurs mois en téléchargement légal sur le site du groupe. C’est évidemment hyper novateur pour une époque où le format MP3 n’en est qu’à ses balbutiements.

Pour revenir aux ventes physiques de Mezzanine, c’est clairement LE plus gros succès commercial de Massive Attack, 2 millions d’albums vendus, il sera numéro 1 en Grande Bretagne dès sa sortie, double disque de platine 5 mois plus tard soit plus de 600 000 exemplaires vendus, double disque d’or en France. Aux Etats-Unis il parvient à se hisser à la 69ème place du classement Billboard, plutôt une belle performance pour ce disque très sombre aux tempos lancinants. Pas si mal non plus quand on sait que cet album devait marquer la fin du trio tant les relations étaient devenus exécrables entre Robert Del Naja, Grant Marshall et Andrew Vowles, les 3 comparses ne s’adressaient presque plus la parole, ne faisaient plus d’interviews ensemble, bonjour l’ambiance, ce qui fera dire à Marshall dans une interview donnée en février dernier au quotidien britannique The Guardian « Mezzanine signifiait la fin de notre trio mais finalement, cela a nous a embarqué vers des projets encore plus grands »

insert 2

Avec ce troisième album enregistré au forceps, Massive Attack ouvre ses compositions pour lorgner du côté du post-rock, une musique d’une grande noirceur qui les rapprochent plus de leurs compatriotes de Joy Division que du cliché de la musique cool et relaxante souvent associée au trip-hop, un terme inventé par le magazine anglais de dance Mixmag, un terme péjoratif pour se moquer de cette fusion dub, jazz et soul un peu dépressive mais qui va devenir très populaire dans les années 90 notamment avec les deux premiers albums de Massive Attack : Blue Lines en 1991 et Protection en 1994. On peut aussi citer Dummy de Portishead, l’autre groupe emblématique dont le nom vient d’une petite ville côtière situé à l’ouest de Bristol dans laquelle a grandi Geoff Barow l’un des membres fondateurs du groupe.

MANU : Bristol, c’est là que ça se passe !

Oui c’est indispensable de parler de Bristol pour restituer le contexte de la sortie de Mezzanine. A l’origine, Massive Attack, c’est l’émanation d’un collectif hip-hop qui s’appelle Wild Bunch (La Horde sauvage), qui regroupe DJ, graffeurs, comédiens, peintres… un collectif connu notamment pour avoir créer des liens dans les années 80 entre musiciens noirs et blancs dans cette ville marquée par son passé esclavagiste, une ville aussi très multiculturelle avec son quartier de Saint Paul, enclave jamaïcaine qui vibre à tout heure sous les assauts de gros Soundsytems.

Et donc ce n’est pas un hasard si la musique de Massive Attack prend racine à Bristol, elle est finalement à l’image de cette ville à l’héritage complexe, hyper créative, c’est l’un des berceaux du Street Art avec Banksy, une cité rebelle qui très tôt a développé une scène underground militante et engagée en mettant sur le devant de la scène des problématiques liés à la colonisation.

Manu : A propos de Banksy il y a un bloggeur qui révèle en 2018 pas mal de similitudes en terme d’approche artistique, engagement politique et puis comme pas hasard, pas mal de nouveaux pochoirs de Banksy apparaissent en Europe et aux US en même temps que les dates de la tournée de Massive Attack. Coïncidence ? Je ne crois pas 🙂

Le making-of de "Mezzanine"

Manu : On en parlait tout à l’heure, cet album au départ c’est compliqué, c’est une grosse prise de risque pour Massive Attack qui va toujours plus loin et qui souhaite maintenant des éléments rock, guitares en tête. Fanny, comment on peut raconter comment ça se passe en studio ?

Fanny : L’album, en gestation pendant 2 ans, a été enregistré entre 1997 et 1998, au studio Christchurch situé à Bristol. Le son de Massive Attack est en constante évolution, ce qui est une source de conflit au sein des membres du groupe. Pour l’enregistrement de Mezzanine, on a notamment 3D qui aimerait sortir de son petit confort et explorer un univers plus froid, plus rock et organique, versus Mushroom qui aimerait rester dans les sonorités soul et hip hop plus proches de leurs origines. Le conflit s’envenime à tel point qu’ils sont incapables de se retrouver dans le même pièce pour travailler ensemble, la bombe Mezzanine est à 2 doigts d’exploser en plein vol mais heureusement y’a un homme dans les parages qui va sauver la mise en jouant à la fois le rôle de la nounou et du psy, c’est le producteur Neil Davidge que beaucoup considèrent comme un 4ème membre du groupe à part entière.

La plupart du temps, il travaille avec Daddy Gee et Mushroom d’un côté, puis 3D seul de l’autre. J’ai retrouvé une interview donnée aux Inrocks dans laquelle Davidge explique ces conditions de travail un peu particulières, je le cite : « Parfois, Mushroom déboulait en studio alors que je venais d’y passer une journée avec Dee et me disait « C’est quoi, ce truc ? On passe à autre chose, retrouve-moi le morceau sur lequel je bossais l’autre jour. » Il fallait donc tout arrêter et s’immerger dans une autre chanson. Puis c’était Gee qui débarquait en disant « Super ! J’ai enfin trouvé les rythmes pour tel morceau. On peut essayer tout de suite ? » Puis Dee revenait et disait « C’est quoi ce bordel ? Je croyais que tu devais bosser sur notre morceau d’hier soir ? » Il m’est arrivé de travailler sur quatre chansons à la fois. Mais j’ai rarement perdu patience. Juste une ou deux fois, je suis allé pleurnicher au téléphone auprès de leur manager. Qui pleurnichait lui aussi (rires)… »

Ambiannnnce ! Comme on le devine, l’apport du travail de Neil Davidge au disque est énorme, c’est lui qui va se retrouver en équilibre précaire entre toutes les sonorités, toutes les envies des uns contradictoires avec celles des autres. Pour au final arriver à marier les deux avec la réussite qu’on connait… En studio, il y a eu plusieurs séances de travail avec des musiciens qui finiront par accompagner Massive Attack en tournée, c’est la première fois que l’élément live prend une telle importance dans leur processus de création. Les sessions font intervenir un batteur, un bassiste, un guitariste et différents types d’instruments à claviers comme l’orgue hammond, le moog prodigy ou le claveçin avec lequel Neil Davidge a composé le fameux motif qu’on entend tout au long du morceau Teardrop (INSERT claveçin en post-prod ?)

Il y a eu beaucoup d’expérimentations, beaucoup de tatonnements pendant l’enregistrement du disque, malgré tout on garde le cœur de ce qui fait l’identité sonore de Massive Attack…

Cette identité, c’est depuis toujours un incroyable melting pot d’influences hyper variées, du jazz au ska en passant par le punk, le hip hop, la soul… Les membres du groupe sont tous des boulimiques de musique, ils écoutent un peu de tous les styles. Mais là pour Mezzanine, Gee explique qu’ils se sont replongés dans, je cite « les trucs de la fin des années 70 et du début des années 80… The Clash, The Slits, Public Image Limited, Joy Division et Wire ont fait partie de notre quotidien pendant l’enregistrement. » (source magix rpm)

On va essayer de voir un peu comment ces influences ont pu être digérées.

On commence avec Angel, le premier morceau de l’album :

insert – Angel

Pour ce titre, le chant est assuré par Horace Andy, un artiste jamaïcain avec lequel Massive Attack collabore depuis ses débuts. 3D voulait lui faire reprendre le morceau « Straight to Hell » des Clash dont il est fan absolu mais Andy refusait de prononcer le mot « Hell ». Au final, ils ont fait quoi ? Ils ont réadapté un morceau reggae interprété par Horace Andy lui-même en 1973, vous allez reconnaître ça donnait ça :

insert 4 + fade

Je trouve ça marrant que le mec accepte de re-chanter sa propre chanson pour d’autres… On continue ensuite dans la veine reggae avec le morceau Man Next Door dont voilà quelques secondes pour se remettre dans le bain :
insert Man Next Door

Et bien ce morceau-là, figurez vous que c’est aussi une reprise, mais d’un morceau de John Holt & The Paragons sorti en 1967 et qui s’appelle « I’ve got to get away » :

insert I’ve got to get away

Je vous invite à écouter le morceau en entier parce qu’il est super cool. Je le connaissais pas, c’est une bonne surprise. Sur ce même titre Man Next Door, on trouve deux samples intéressants, le premier c’est la batterie du morceau « When the levee breaks » de Led Zeppelin mais on ne vous passe pas d’extrait parce que niveau son la ressemblance n’est pas super évidente. Par contre le 2ème sample est beaucoup plus identifiable et c’est mon préféré puisqu’il s’agit d’un passage d’un morceau de The Cure qui s’appelle « 10:15 Saturday Night ». La partie utilisée par Massive Attack, ça va être un bout du chant de Robert Smith, tendez bien l’oreille quand vous entendrez le petit drip drip drip drip, on vous passe les 2 à la suite :

insert When the levee breaks
insert 10:15 Saturday Night

Cette apparition des Cure sur l’album Mezzanine représente l’une des nombreuses incursions du groupe en territoire post-punk / new wave mais il y en a d’autres, par exemple sur le morceau « Inertia Creeps » on découvre un petit effet sonore qui a été samplé sur l’ouverture de ‘Rockwrock’ du groupe new wave Ultravox, sorti en 1977 :

insert Inertia Creeps
insert ‘Rockwrock’

On peut vous citer d’autres samples, comme les Pink Floyd (Up the Khyber, More, 1969) sur ‘Group Four’, Isaac Hayes (Our day will come, 1970) et Quincy Jones sur ‘Exchange’, le Velvet Underground (I found a reason, Loaded, 1970) sur ‘Risingson’ mais le dernier lien que j’ai envie de souligner entre Massive Attack et le post-punk, c’est évidemment la collaboration avec la chanteuse Elisabeth Fraser, qu’on a connue au sein des groupes de rock gothique Cocteau Twins et This Mortal Coil. Liz chante sur 3 morceaux de l’album Mezzanine : ‘Teardrop’, ‘Black Milk’ et ‘Group Four’. La collab avec elle a d’ailleurs été un des gros points de tension entre 3D et Mushroom puisque ce dernier n’aimait pas du tout sa voix d’elfe échappé de chez Tolkien. C’est Mushroom qui a composé la version initiale de Teardrop, il voulait le faire chanter à une chanteuse soul, avec une voix chaude et là on lui impose Liz… Du coup pour se venger il a fait quoi ? Il est allé proposer le morceau à Madonna qui enregistrait à l’époque son album Ray of Light. Et Madonna ça l’intéressait grave vu qu’elle avait déjà collaboré avec le groupe en 1995 (I want You, reprise de marvin gaye)! Son manager a passé un coup de fil au manager de Massive Attack et c’est comme ça qu’ils se sont rendus compte de l’entourloupe ! Y’a eu de la grosse baston entre 3D et Mushroom, qui au final a accepté de garder Teardrop pour l’album de Massive Attack. On a eu chaud aux fesses.

Manu : J’adore dans ce titre “Teardrop” il y a une espèce de tension sexuelle (…)

L'univers visuel de Massive Attack

Olivia : Alors justement, Manu, puisque tu parles de Teardrop, je saisis la balle au bond pour parler un peu de l’artwork très particulier de cet album.

Manu : Parfait tu me fais ma transition Olivia !

Olivia : En effet, le clip de Teadrop a marqué les esprits durablement.
Je sais pas si vous aussi vous étiez comme moi très très fans des clips à cette époque ? En tout cas, ce clip-là, je m’en souviens !
Celui-là et le clip de Frozen de Madonna. Oui, je sais, rien à voir…. enfin Madonna, on va en reparler un peu plus tard !

Dans ce clip, le réalisateur Walter Stern montre un foetus articulant quelques paroles de la chanson dans l’utérus.
Ce clip a remporté le MTV Award de la Meilleure vidéo en 1998.
Et pour la petite anecdote, ca a failli être Madonna au chant : Ce qui a déclenché une guerre terrible dans le groupe.

Manu : C’est le producteur Neil Davidge qui balance l’info en 2013 :
Mushroom avait composé en grande partie la version initiale de « Teardrop ». Il avait une idée bien précise concernant le chant : il le voulait une voix résolument soul. Sauf que 3D et Daddy G eux imposent Liz Fraser, la chanteuse des Cocteau Twins dont ils sont fans.

Du coup Mushroom se venge. Il est dégoûté, il va proposer le titre à Madonna sans le dire aux autres. Et puis un jour le téléphone sonne. Le manager de Madonna appelle 3D et lui dit ah ouais Madonna est super intéressée par Teardrop !! Il découvre le pot aux roses…

Grosse embrouille / Mushroom et 3D ne se parle plus et s’évite en studio. C’est la loose. Et finalement Mushroom claque la porte de MA à la sortie de Mezzanine.

Puisqu’on parle des clips, on peut aussi revenir rapidement sur celui d’Angel”, très représentatif de la noirceur de l’album (…)

insert – Angel

Et je pense qu’il faut que je vous parle un peu du visuel de la pochette de l’album, très noir, très sombre. Un univers très fort et très travaillé au niveau de la symbolique.
(…)

 

À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST

Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “