Metallica “Black Album” (1991)
EN QUELQUES MOTS
Dans cet épisode on va vous parler des californiens de Metallica, alias the Four Horsemen. En 1991, nos quatre cavaliers ont la dalle. Ils délaissent complètement le trash métal survitaminé de leurs premiers albums, pour se rapprocher un peu plus des standards de la sainte trinité du heavy métal.
Personne n’aurait imaginé que les étoiles seraient si bien alignées qu’ils décrocheraient la Lune, mais c’était compter leur ambition folle et une enfilade de tubes savemment produits, de “Enter Sandman” à “Sad But Brue”, en passant par “The Unforgiven”, “Wherever I may roam” et bien sûr “Nothing Else Matters”.
Dès sa sortie le black album va inscrire le métal au sommet des charts et devenir un putain de classique puisqu’il demeure encore aujourd’hui le disque de métal le plus vendu au monde !
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Retour en 1991
Voilà pour les 12 titres originaux de ce black album ! Bon comme d’hab les japonais ont droit à un bonus track : c’est “so what” une reprise assez cool d’un groupe de punk anglais (qu’ils jouent d’ailleurs très souvent en live).
C’est donc le 5ème album de Metallica. Il sort le 13 août 1991 en Cassette, CD et vinyle sur le label Elektra, une filiale de Warner Music.
91 c’est aussi une année qui est marqué pour le rock sévèrement burné, avec les sorties de Use Your illusions I et II des Gun’s’Roses, Arise de Sepultura, Bad motor finger de Soundgarden et bien sûr le Nevermind de Nirvana (pour toi Fanny).
91 C’est aussi l’année du Monsters of Rock, ce festival historique à Moscou qui a réuni plus de 1 million et demi de fans de métal donc, à une époque où le conflit entre les États-Unis et l’ex-URSS battait son plein. Mais ça on en reparlera.
Et nous avons la chance, le plaisir, l’honneur de retrouver Greg Cook, monsieur Culture 2000, pour démarrer cette nouvelle saison !
La story de Metallica
Manu : Olivia, on s’attaque ici aux empereurs incontestés du métal, les rois du fameux ‘big four du thrash’.
Olivia Godat : Exactement ! Pour les non-initiés, le Big Four of Thrash, c’est Slayer, Megadeth, Anthrax et … Metallica. Metallica, c’est LE groupe qui aura réussi à rendre le métal populaire. Et particulièrement avec l’album dont on parle aujourd’hui. Après 40 ans de carrière, ils représentent plus de 200 millions de disques vendus dans le monde, neuf Grammy Awards et cinq albums consécutifs qui se sont placés directement à la première place du Billboard 200. Pour vous dire, Metallica est devenu l’un des groupes les plus rentables de tous les temps ! Et pas seulement en vendant des t-shirts !
Tout commence à Los Angeles en 1981. Le batteur, Lars Ulrich, passe une annonce dans The Recycler afin de trouver un guitariste. C’est James Hetfield qui se présente. Les deux décident de se lancer et de créer un groupe. Ils sont rejoints par Dave Mustaine, à la guitare. Les débuts sont compliqués, mais la colonne vertébrale, c’est-à-dire le duo improbable Ulrich/ Hetfield est déjà bien présent. Improbable parce que ces deux sont complètement et absolument différents : Lars Ulrich est extraverti, mégalo et égocentré. Il est le fils d’un tennisman danois et vient d’un milieu assez aisé. Hetfield est plutôt un discret qui aime le travail bien fait. Il vient d’une famille très croyante, membre de la Science Chrétienne (un groupe religieux qui ressemble aux Témoins de Jéhovah). Son père est parti quand il était enfant et sa mère, qui refuse toute médecine moderne, se laissera mourir d’un cancer. Autant vous dire que son âme est carrément noire et le spleen est un compagnon qu’il connaît bien.
Hetfield n’est d’abord pas convaincu par le jeu et le niveau de ce branleur d’Ulrich. Mais ce qui lui plaît, c’est qu’il a l’opportunité de faire passer leur cassette démo, , à des gens du milieu.
On est donc au début des années 80, et le thrash (que l’on appelle encore le speed à l’époque), c’est des groupes comme Motörhead ou Venum.
Metallica débarque et joue plus vite encore que tous ces groupes. Kill ‘em all, leur premier album, est presque inaudible pour les métalleux de l’époque. Ce qui impressionne surtout, c’est que ça joue vite, certes, mais ça joue bien. Ils sont très jeunes mais il y a déjà une certaine adresse mélodique, un sens de la musique évident.
Et si on s’écoutait un ptit coup de Seek and destroy d’ailleurs ?
insert – Seek & destroy
https://www.youtube.com/watch?v=Wm58sGEdgAw (démarrer à 2’30)
Manu : Les premières années ne seront pas de tout repos pour le groupe, qui a déjà beaucoup beaucoup d’ambition…
Olivia : Oui, c’est loin d’être la lune de miel et la guerre des différents egos fait rage ! Entre Hetfield et Ulrich d’abord, les mecs se battent sur scène quand Ulrich ne lance pas le bon morceau en rappel. Hetfield veut tout contrôler. Il empêchera aussi Jason Newsted, le bassiste, de faire son album solo. Il craint que son album fonctionne mieux et qu’il finisse par quitter le groupe
Guerre d’ego aussi avec Dave Mustaine, le guitariste, qui est absolument ingérable, complètement alcoolique et profondément toxique. Il va tout faire pour se faire virer dès la première tournée et part finalement créer le groupe Megadeath. S’en suivent 10 ans de guéguerre entre les deux groupes. Mais Metallica est beaucoup trop fort et Mustaine ne s’en remettra jamai
Autre problème : Hetfield est fan de skateboard. C’est pas terrible quand on est guitariste. Evidemment, il se casse plusieurs fois le poignet (en 86 et en 87), ce qui met fatalement leurs tournées en péril. Leurs managers finissent par lui interdire tout simplement le skate.
Et puis le drame je dirai presque fondateur de la mythologie Metallica, c’est l’accident de bus sur la tournée de 1986 où meurt Clive Hurton, le bassiste.
Hurton, c’était la force tranquille du groupe, le leader artistique, le grand frère. Hetfield va mettre des décennies à s’en remettre. Kirk Hammett, le guitariste, aussi. Il avait joué sa couchette aux cartes avec Hurton. C’est lui qui aurait dû être à cette place au moment de l’accident.
Metallica, les premières années, se distingue en refusant les circuits promotionnels traditionnels. On est en plein essor des clips ultra chiadés sur MTV et eux ne veulent pas rentrer dans ce système. Ils incitent même leurs fans à pirater leurs albums, à passer par des canaux de diffusion non officiels. Sur leurs tournées, ils laissent un espace dédié près de la scène pour que les spectateurs enregistrent leur bootleg. Ulrich est d’ailleurs un grand collectionneur de bootlegs.
Manu : Alors avant d’en venir au black album, il faut revenir sur leur précédent opus “And justice for all” paru deux ans plus tôt, qui a déjà bien marqué les esprits. On va s’écouter un petit extrait de “One”
insert – One
Oui, Metallica est déjà très puissant : And Justice for all, paru en 88, a en effet été le premier album de métal underground à se hisser en haut des charts US, atteignant la 4e place du Billboard, où il a passé 83 semaines. Le disque est certifié disque de platine deux mois à peine après sa sortie avec 1,7 million d’exemplaires vendus, puis double platine l’année suivante.
Metallica prend largement la tête de ce que de ce fameux Big four du métal. Pourtant, beaucoup estiment que le groupe, magistral sur scène, n’a pas encore atteint son plein potentiel sur album.
Et plus que jamais, ils ont la rage et pour une raison bien précise : And Justice for all n’a pas remporté le Grammy award du meilleur album heavy metal face à Jethro Tull.
Le Black album, qui en fait s’appelle juste Metallica et qui n’a pas vraiment de nom mais que les fans surnomment ainsi à cause de sa pochette entièrement noire, sort donc le 12 août 1991.
C’est Enter Sandman qui est finalement choisi comme single. Tout le monde voulait que Holier Than you soit le single sauf… Lars Ulrich. Et devinez qui gagne à la fin ?
insert – Enter Sadman (Monsters of rock)
Le plan marketing pour le lancement de l’album est extrêmement finement travaillé et va même devenir un cas d’école pour tous les petits marketeurs de l’industrie du disque ! J’explique :
D’abord, le clip de Enter Sandman qui est diffusé sur MTV le 30 juillet 1991, soit deux semaines avant la sortie de l’album, histoire de bien faire monter la mayonnaise auprès des fans.
Puis quelques jours plus tard, le 3 août, 14 000 fans se retrouvent au Madison Square Garden à New York pour une écoute de l’album en avant-première. L’idée avec cet événement est de marquer les esprits pour imposer Metallica comme un groupe capable de se hisser à la tête des meilleures ventes. Ça reste aujourd’hui encore le record de la plus grande « release party » donnée sur le sol américain.
Le 12 août à minuit pile, le mythique magasin Tower Records de Los Angeles ouvre ses portes aux fans qui ont fait la queue pendant des heures pour se procurer l’album le jour même !
Le disque rentre directement en tête des charts américains et s’écoule à plus de 650 000 ex. la première semaine. Il est certifié disque de platine la semaine suivante. La « Metallimania » ne fait que commencer !
En novembre 1991, Lars Ulrich explique au magazine Rolling Stone qu’il a appris cette première place des charts par fax :
Lars : “Tu penses qu’un jour, un connard va te dire « Vous êtes numéro Un aux USA ! » et que le monde entier va éjaculer autour de toi ! Mais je suis resté là, planté devant ce fax, à me dire « Bon ok ! » c’était juste un autre putain de fax parmi d’autres !”
Olivia : La critique est, elle aussi, unanime : Select Magazine, en Angleterre, s’enflamme : Ce n’est pas le Metallica fade et travesti qu’ont colporté les rumeurs, mais un triomphe sans compromis.
Rolling Stones, aux Etats-Unis, parle d’un album où tous les morceaux sont voués à devenir des classiques. En France, Hard Rock Magazine souligne le fait que le groupe a su enfin utiliser le studio pour enrichir sa musique sans pour autant sacrifier son âme
Certains (Le Los Angeles Time notamment) craignent que l’album déçoive les fans de la première heure : «Metallica est un album lisse, parfaitement façonné, pensé pour plaire aux radios ! »
Et posent la question qui brûle toutes les lèvres : Metallica s’est -il vendu ? C’était le sentiment de certains déjà à l’annonce du recrutement de Bob Rock en tant que producteur du disque. Mais ça, c’est Greg qui nous en parlera dans quelques minutes.
Voilà ce que James Hetfield leur répond :
“Certains prétendent que ce disque est merdique, d’autres que nous avons eu raison de changer d’orientation parce que nous aurions fini par devenir pénibles. (…) Ce disque a le mérite de surprendre et ça, tout le monde le reconnaît (…) Nous restons fidèles à nos convictions de départ. Metallica ne respecte qu’une seule ligne de conduite : celle de Metallica.”
En gros : on n’en a rien à foutre !
Le Black album est moins complexe, moins vicieux et moins sale que ne l’était … And justice for all. Mais Metallica a changé. Son style a évolué, ils jouent moins vite et leur musique est plus easy listening. C’est un fait ! Le grand public s’empare du disque. Rolling Stone va même titrer l’un de ces numéros : « Metallica : From Metal to Main Street ».
Leurs clips commencent à tourner en boucle sur MTV et le disque s’écoule à plus de 5 millions d’exemplaires en trois mois à peine. C’est la folie totale ! James Hetfield est celui qui vit le plus mal cette nouvelle popularité. Il se confie à Hard Rock Magazine :
James : “Nous nous sommes rendu compte qu’aux Etats-Unis, le public de nos deux derniers albums ne connaissait absolument rien de notre passé. J’avoue avoir beaucoup de mal à l’avaler (… ) Avant même d’écouter notre musique, ils apprécient notre attitude. Mais nous ne ressemblons à aucun groupe de rock américain, nous ne sommes ni Bon Jovi ni Bruce Springsteen, nous sommes pires ! (…)”
Ulirch, quelques mois plus tard, expliquera qu’ils « n’ont pas fait exprès d’attirer ces foutus employés de banque ! (…) Quand tu fais un disque, tu espères en vendre plus que le dernier. Tu ne sors pas un album en te disant : « Nous arrêtons les ventes à 100 000, après nous irons nous cacher ».
En février 1992, Metallica décroche enfin le Grammy Award du « meilleur album hard rock/ heavy » ! Enfin ! Je vous rappelle que, trois ans plus tôt, en 89, le Grammy leur était passé sous le nez face au profit de Jethro Tull et qu’ils étaient bien vénères. Dans son discours, Lars Ulrich va même les remercier, non sans ironie, de ne pas avoir sorti d’album cette même année.
insert – Grammys
Scandale pendant la soirée : Lars Ulrich est accusé d’avoir agressé Cindy Crawford le temps d’une photo. Il se défend en expliquant qu’il s’agit d’une plaisanterie pour le photographe avec la complicité du top model. Le moins que l’on puisse dire c’est qu ’Ulrich vit sa meilleure vie de rockstar. Il est de toutes les fêtes et adore être au centre de la lumière. Tandis que Hetfield fuit les projecteurs et commence à s’agacer du comportement de son batteur… et de ses perfectos blancs à franges !
Pas sûre que l’on réponde aujourd’hui à la grande question de savoir si Metallica a, oui ou non, vendu son âme avec le Black album. Ou si, au contraire, ils ont démocratisé le thrash pour devenir des légendes.
En tout cas, aujourd’hui, plus de 30 ans après sa sortie, le Black album est toujours aussi mythique. Ils viennent d’ailleurs d’en ressortir une version avec des covers … surprenants (et un peu inaudibles), notamment Miley Cyrus et Elton John sur « Nothing else matters »
insert – Miley Cyrus
https://www.youtube.com/watch?v=DqoQY9bobow&t=2s
Le making-of du "Black Album"
Manu : C’est l’heure de partir dans les coulisses de l’enregistrement dantesque du Black Album avec toi, Grégoire. C’est de l’aveu même des membres du groupe, le disque le plus difficile qu’ils ont eu à enregistrer pendant leur carrière…
Grégoire Sauvage : 9 mois passés en studio, des sessions de travail interminables, plus d’un million de dollars dépensés, ils en ont bavé les Four Horsemen mais aussi tous ceux qui ont bossé avec eux et qui ont du se farcir les égos ingérables de Hetfield et Ulrich.
Vous allez me dire mais pourquoi passer autant de temps à mettre en boîte ce black album alors que le groupe quand il débarque dans les studios One on One de Los Angeles a déjà des morceaux quasiment finis à part les paroles écrits souvent à l’arrache par le chanteur, la preuve avec ces versions démos où James Hetfield chante en yaourt faute de texte écrit en bonne et due forme
INSERTS DEMO Wherever I may roam
Pour comprendre les difficultés du groupe à pondre ce Black Album il faut remonter un peu en arrière.
Après son précédent album And Justice for All… le groupe veut changer de direction musicale. Plutôt que de faire des morceaux à tiroirs assez complexes, leur marque de fabrique, le groupe veut se concentrer sur des riffs efficaces et simplifier la structure de leurs compositions.
Metallica veut aussi changer de producteur, Lars Ulrich, le batteur, qui est la véritable tête pensante de Metallica, pense à Bob Rock, un producteur canadien qui a cartonné avec Bon Jovi ou encore Motley Crue, groupe de Glam rock qui remporte un succès phénoménal avec Dr Feelgood en 1989
insert – Motley Crue
Ce n’est pas tout à fait la came des membres de Metallica ce glam rock assez commercial mais ils vont quand même rencontrer Bob Rock et finir par l’engager malgré une certaine défiance : il faut imaginer Bob Rock, le producteur star de rock FM, représentant de l’industrie du disque, et en face, des métalleux un peu badass qui évoluent encore largement dans l’underground. Il faut rappeler qu’à l’époque aucune radio US ne diffuse de titres de métal.
Manu : Du coup, en studio forcément, ça fait des étincelles…
Les deux camps se regardent en chien de faïence en ce mois d’octobre 1990, le groupe prend la mouche à la moindre critique notamment lorsque le canadien leur explique que leur précédents albums manquent de relief. Ils se comportent vraiment comme des petits cons et préfèrent mater des magazines pornos plutôt que de se mettre au boulot.
Vous ajoutez à cela un planning un peu infernal entre Ulrich, l’oiseau de nuit qui veut dormir toute la journée et Hetfield qui veut faire l’inverse, on décide finalement d’enregistrer en fin d’après midi pour contenter tout le monde.
Bob Rock cherche à rester super conciliant, du genre « est ce que stp tu pourrais peut-être jouer éventuellement cette partie un peu différemment » avant de comprendre l’esprit Metallica et de leur gueuler dessus pour qu’il se sorte un peu les doigts.
On écoute tout de suite Bob Rock qui nous parle de ces débuts d’enregistrement difficile du Black Album
insert – Bob Rock ITW
« Je dirais que toute la première partie de l’enregistrement, disons, les trois premiers mois en incluant la période de pré production, ont été super difficiles. Ils étaient méfiants vis à vis de moi et le groupe ignorait toutes mes remarques sur leurs chansons. Sur ce disque, nous avons essayé de donner le maximum d’ampleur à chaque son, que ce soit la guitare, la batterie ou la basse, d’avoir le son le plus grand et le plus lourd possible »
Début d’enregistrement difficile donc et puis petit à petit, le groupe va comprendre qu’il a peut être deux trois choses à apprendre d’un mec comme Bob Rock qui est juste le producteur de métal qui vend le plus de disques à l’époque.
Un exemple, le canadien leur suggère de s’accorder un ré plutôt qu’en mi soit un ton dessous pour avoir le son grave et profond qu’ils recherchent, ils y avaient jamais pensé et en fait ça sonne super bien. Autre élément : jouer moins vite. C’était un peu leur marque de fabrique les morceaux à tiroirs joué à toute vitesse, Metallica ralentit la cadence, ce qui offre selon Bob Rock plus de possibilité pour le mix final.
Il va aussi suggérer à Hetfield de chanter véritablement et de ne pas seulement beugler comme un marin irlandais, et ça donnera Nothing Else Matters, qui deviendra un peu le Stairway to Heaven de Metallica
Manu : Oui et ils leur fait aussi complètement changer leur manière de travailler
Topo ancienne méthode / VS nouvelle méthode + recréation en post production. Il y a un énorme travail qui est fait sur la batterie notamment, Rock va demander à Lars Ulrich de varier son jeu quasiment à chaque prise puis en post production, il va coller les meilleures parties pour un rendu parfait. C’est un travail de dingue à l’époque, puisqu’il va reconstituer une batterie avec parfois 30 à 40 prises !!! Très éprouvant physiquement et mentalement pour Lars Ulrich qui doit à chaque fois tenter de nouvelles manières de jouer.
insert – Enter Sandman Multipiste
commenté
C’est qui est frappant chez ce bon vieux Bob, c’est le sens du détail, on n’hésite pas à changer les cordes de la guitare rythmique de Hetfield au milieu d’une session pour avoir la bonne fréquence et la bonne énergie.
Il fait aussi trafiquer un ampli par un super ingénieur du son, Jose Arrendondo celui là même qui a travaillé sur le matos du grand Eddie Van Halen pour obtenir ce joli son médium sur la guitare de Hetfield. Il fait essayer des instruments différents aux membres du groupe, 25 basses dont une basse à 12 cordes sur Wherever I May Roam.
insert – Wherever I may Roam
Manu : Et Bob Rock, il est aussi connu pour être super exigeant, et ça les Metallica, ils ont pas l’habitude.
Bob Rock, il n’est pas du genre à lâcher l’affaire, et notamment sur les solos du guitariste Kirk Hammett, un super musicien mais un peu dilettante, qui joue beaucoup à l’instinct et qui est incapable de refaire deux fois le même solo, ce qui agace le Canadien qui va lui faire faire et refaire ses solos jusqu’à le pousser au bord de la crise de nerfs, étant lui même bassiste et guitariste, il a des suggestions qui souvent s’avèrent pertinentes.
Après Los Angeles, c’est à Vancouver que le groupe va finaliser le Black Album avec les derniers solos de Hammett, l’introduction d’une cithare sur Wherever I May Roam ou encore du bruit d’un chargeur de fusil sur the God That Faille. Il ne reste plus que le mixage, on est en juin 1991, sauf que les disputes entre le duo infernal Ulrich/Hetfield et Bob Rock reprennent de plus belle. Petite illustration de l’atmosphère en salle de mix avec cette dispute entre Bob Rock et Lars Ulrich capté par la caméra d’ADAM DUBIN DANS LE CÉLEBRE DOCUMENTAIRE A Year and a Half in the Life of Metallica, heureusement que James Hetfield vient un peu désamorcer la situation
insert – Dispute Bob Rock / Lars Ulrich
Bob Rock : C’est quoi ton problème? Je te dis que les guitares ne sont pas assez fortes. Elles ne sont pas assez fortes. C’est quoi ton problème! Non j’ai pas envie de descendre le son des autres instruments (…) parce que sinon on entend rien. Il faut que ce soit plus fort. (…) Voilà, c’est stupide la manière dont ça sonne. Donc j’ai augmenté le volume des guitares, les guitares c’est tout ce qu’il y a ce moment-là en dehors de la basse et de la batterie, la section suivante doit être plus forte et là le seul instrument qui n’arrive pas avec assez de puissance c’est la guitare. Ok, sur ce coup-là je vous laisse faire ce que vous voulez, je n’en ai plus rien à foutre. J’en ai marre de ces disputes.
- Lars Ulrich : Mais non t’en as pas marre!
- Bob Rock : Si je suis fatigué
- Lars Ulrich : Non t’es pas fatigué!!
- Bob : Si J’en ai ma claque de toutes ces disputes!
Ambiance, Ils vont par exemple passer 10 jours rien que sur le mix de Enter Sandman, le conflit repose notamment sur le compresseur utilisé sur le mur de guitare de Hetfield dont les parties ont été triplés pour plus de puissance!
Autre sujet de tension pendant ce mix qui va finalement durer un mois! (c’est juste n’importe quoi!) , Nothing Else Matters. Bob Rock a eu l’idée, approuvée par Ulrich, d’ajouter un orchestre, mais le groupe n’assume plus vraiment cette direction artistique et demande à baisser le son des violons un maximum qui se retrouve littéralement noyés par les guitares.
On peut comprendre alors la colère du producteur : quand on s’offre un orchestre symphonique c’est quand même pour l’entendre. Vous le savez, le groupe finira par sortir une version dite Elevator Version où cette fois le morceau épuré laisse enfin toute sa place aux arrangements du compositeur, Michael Kamen. Je vous propose d’écouter Nothing Else matters suivi de la Elevator Version
insert – Nothin else matters (elevator version)
Après cet enregistrement infernal, Bob Rock et Metallica ne se parlent plus pendant plus d’un an et promettent de ne plus jamais travailler ensemble. Mais finalement, ils vont finir par se rabibocher et même à devenir potes et Bob rock produira tous leurs albums de la décennie 90 et du début des années 2000, il restera leur producteur jusqu’en 2006, comme quoi.
Manu : Tout est bien qui finit bien !
L'univers visuel de Metallica
Manu : Alors je me tourne vers toi Fanny parce que tu vas nous raconter l’histoire de cette pochette de ouf, assez sobre et assez classe je trouve.
Après le Black album de Dr Dre, aka Chronic 2001, voilà que je suis obligée de m’attaquer au Black album de Metallica. Et tiens, d’ailleurs, pourquoi à votre avis on l’appelle le Black album ?
(tous : réponses)
Bah oui, la pochette est toute noire. C’est moche c’que vous m’faites. Ma chronique va durer 2 minutes, qu’est-ce que vous voulez que je trouve à vous raconter là dessus ?
Ah si tiens, pour annoncer la couleur (jeu de mot lololol), dans le communiqué de presse publié au moment de la sortie de l’album une des premières phrases c’est «Voici le 5e album de Metallica, intitulé Metallica. Pochette noire, logo noir. Allez tous vous faire foutre ! »
Sympa ces métalleux, toujours un petit mot gentil à la bouche.
Bon bah n’empêche concernant la pochette ça a le mérite d’être clair, et James Hetfield le confirme au début du documentaire Classic albums diffusé sur arte : si la pochette est noire, c’est pour que l’attention de l’auditeur ne soit pas trop détournée. La seule chose qui compte c’est la musique.
Manu : Ouais, il faut dire quand dans le milieu du métal d’habitude les artworks c’est assez bariolé
Bariolé t’es gentil ! On est dans l’agression visuelle oui, dans le cliché, dans l’outrance. Le heavy metal ne plaisante pas avec l’art de la pochette d’album, OK ? Tu vois par exemple, en faisant mes recherches je suis tombée sur un top 10 des soi-disant plus belles pochettes du métal. Et dedans y’en avait une, c’était la photo d’un mec mort qui s’est fait sauter la cervelle avec son fusil posé à côté et la gueule éclatée. Bah j’avais pas forcément envie de voir ça, comme ça par surprise, au beau milieu de l’aprem. Alors finalement, Metallica, avec leur pochette toute noire, eh ben je les remercie !
Manu : C’est clair t’as des pochette de disques qui sont vraiment hardcore ! Mais t’as bien trouvé 2 ou 3 trucs à dire sur celle de Metallica quand même, non ?
Of course baby. Déjà je nous ai trouvé le pourquoi du comment, expliqué par Lars Ulrich dans le hors série de RockHard dédié aux 30 ans de l’album :
« Nous essayons autant que possible de nous éloigner de ce gigantesque dessin animé qu’est le heavy metal actuel. Nous avions ces crânes qui revenaient régulièrement et ça finissait par devenir plus cliché que symbolique. Nous tenons à nous écarter de ces pièges un peu grossiers, même si ça a l’air de plaire aux fans. En fait, nous avons pensé à une pochette énigmatique, à mille lieues de ce que nos fans attendent de nous. Quelque chose de jamais vu dans le monde du heavy metal ! »
Ouais, jamais-vu, jamais-vu, calme toi Lars, tu t’emballes un peu ! Avant toi, y’en a 2 ou 3 qui ont déjà eu l’idée, genre « Back in black » d’AC/DC sorti en 1980, « Hello » de Status Quo sorti en 1973, et si on remonte encore plus loin avant y’a eu aussi en 1968 « White light/White heat » du Velvet Underground en 1968 et le cultissime White Album des Beatles. Tout ça pour dire qu’ils n’ont pas le monopole du monochrome les gratteux à cheveux longs.
Et puis d’ailleurs, c’est pas 100% un monochrome puisque sur la pochette on voit 2 éléments : le logo du groupe un peu effacé dans le coin supérieur gauche et un dessin de serpent à sonnette dans le coin inférieur droit.
Ce petit serpent, il sort pas de n’importe où, il porte même en lui tout un pan de l’histoire américaine. Donc pour parler d’Histoire, j’ai décidé de faire appel à un ami mon cher Jean-Pierre. Allez, place aux professionalz, vazy Greg, je te laisse le micro.
CHRONIQUE GREG COOK
Merci Greg ! Bon pour clore la séquence sur la pochette, je cite les traditionnels crédits pour faire justice aux gens qui ont travaillé dessus. Le concept « noir c’est noir », on l’a dit c’est le groupe qui l’a pondu avec son manager Peter Mensch.
Ensuite pour l’exécution, ils ont fait appel à l’artiste Don Brautigam, qui avait déjà peint la cover de Master of Puppets. Et enfin à l’intérieur du livret on trouve des photos prises par Ross Halfin, Rick Likong et Rob Ellis.
Le photographe Ross Halfin était avec le groupe lors de l’enregistrement aux studios et les a suivi ensuite pendant les 300 dates de la tournée qui a eu lieu entre 1991 et 1993. Pour les fans du groupe, il y a un énorme livre avec toutes ces images qui va sortir très bientôt, ça sera dispo sur le shop en ligne officiel de Metallica.
Manu : J’en connais qui vont faire chauffer la carte bleue ! Bon merci Greg et merci Fanny pour ce tour complet de la pochette. Tu as peut-être un truc à ajouter sur les clips ?
Oui, niveau clips pour Metallica, on n’est pas super bien lotis. Leur première vidéo officielle sort en 1989 pour le titre One. Je vais donc vous parler du 2ème clip de l’histoire du groupe, sorti en 1991 pour promouvoir le cultissime Enter Sandman.
INSERT – ENTER SANDMAN
Ce clip a été tourné en juillet 1991 à Los Angeles et sort sur le petit écran à la fin du même mois, deux semaines avant la release de l’album. A la réalisation on trouve Wayne Isham, un américain qui a commencé sa carrière au milieu des années 80 avec des clips pour des musiciens de rock, de hard rock et heavy metal comme Mötley Crüe, Bon Jovi, Judas Priest, Ozzy Osbourne, Whitney Houston… oui parce qu’à un moment le mec vrille complet et se met à bosser pour Ricky Martin, Boys II Men, Ace of Base et Britney Spears. Si vous cherchez de la cohérence dans sa filmo, c’est pas la peine laissez tomber, y’en a pas.
Toujours est-il qu’au début des nineties, quand il croise le chemin de Metallica, c’est le début d’une belle collaboration puisqu’il va finalement signer 6 clips pour le groupe. Le tournage d’Enter Sandman a lieu à Los Angeles, dans les studios A&M.
Isham filme chaque membre du groupe séparément sur fond noir, en train de performer le morceau. Ces plans sont diffusés dans le clip avec un effet stroboscopique qui donne envie de gerber au bout de 30 secondes. Avis aux épileptiques : ne regardez pas ça, c’est pas bon pour vous !
En parallèle à ces séquences, on a toute une trame narrative autour de la figure du Sandman, le marchand de sable, personnage de légende dont on raconte qu’il jette du sable sur les yeux des gens pour les endormir. On va s’écouter un petit extrait de l’émission « Video killed the radio star » dans lequel on entend successivement Lars Ulrich et Wayne Isham parler du concept pour le clip
insert – Lars + Waynelsham
« Lars : On était en train de mixer le black album chez A&M à Hollywood pendant l’été 91. Wayne est arrivé et on s’est installés dans une pièce pas beaucoup plus grande que celle-là et on a simplement brainstormé autour de la question : C’est quoi ton pire cauchemar ? Quelles sont les images qui reviennent le plus souvent dans tes rêves ?
Wayne : Qu’est-ce que tu aimes ? Quel est ton rêve ? C’est quoi ton cauchemar ? Et toi, ton cauchemar ? Et toi ?
On a parlé de piscines, de tomber du haut d’immeubles, de camions, tout ce genre de trucs. »
Voilà, c’est donc tout ça qu’on voit dans le clip, un vieil homme chauve ultra flippant qui incarne le marchand de sable, et un gamin au sommeil agité à qui il arrive toutes les galères possibles et inimaginables. Rien de plus, rien de moins, qu’une traduction très littérale des paroles de la chanson, montée version très cut et clignotante. Faut croire que ça a plu puisque la vidéo a remporté le MTV Award du meilleur clip Hard Rock en 1992. Voilà, mention spéciale à l’acteur R. G. Armstrong qui joue le marchand de sable parce qu’il a vraiment une gueule pas croyable, c’est du bon casting, je dis bravo !
À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST
Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.
Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !
« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »
Manu, Fanny, Olivia et Grégoire
“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “