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EN QUELQUES MOTS

Dans cet épisode on va vous parler de NTM, trois consonnes et deux grandes gueules prêtes à tout pour en découdre. Il faut dire qu’en 1998, au moment d’enregistrer son quatrième album, NTM est au coude-à-coude avec IAM pour le titre de champion de France du hip-hop. Et ça tape dur.

Kool Shen mène la danse avec son flow mitraillette, Joeystarr ponctue avec des punchlines d’anthologie. Les potards sont dans le rouge et NTM surfe sur tous les styles. L’album accumule les hits de “Seine-Saint-Denis Style” à “Ma benz” en passant par “That’s my people”, « Laisse pas traîner ton fils” et “Pose ton gun”.

Avec Suprême, NTM renvoie dans les cordes les derniers crétins qui les prenaient pour un groupe bas de front et finissent d’entrer au panthéon de la chanson française. Et sont même considérés par beaucoup comme le meilleur groupe de rock de l’Hexagone, les Rolling Stones du 93.

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Retour en 1998

Alors 1998, c’est un excellent cru pour le rap game, on a beaucoup de très bons albums à la production soigné. NTM est back dans les bacs aux côtés d’ “Opéra Puccino” d’Oxmo Puccino, “Quelques gouttes suffisent” d’Arsenik, “Le combat continue” d’Ideal J, “Si Dieu veut” de la Fonky family pour ne citer qu’eux.

II y a aussi Zebda, Louise Attaque, Céline Dion et Manu Chao dont on vous a beaucoup parlé et qui cartonnent cette année-là. A Paris, Johnny Hallyday s’offre 3 stades de France, Jean-Jacques Goldman remplit 22 Zénith d’affilée et Michel Sardou monopolise Bercy pour une quinzaine de dates, c’est du délire. Vous y étiez ou pas ?

Côté cinéma en 98, on explose tous les records de fréquentation. grâce au premier Taxi, le Dîner de Cons, Armageddon et bien sûr Titanic qui écrase tout sur son passage et qui fera de Di Caprio et James Cameron les rois du monde. Moi Titanic je suis allé le voir 3 fois au ciné je vous jure !

La story de NTM

Manu : Allez Olivia on va maintenant filer du côté de Saint-Denis baby ! L’histoire commence avec trois p’tits mecs de la génération Fonky-Tacchini : Didier Morville, Bruno LopeS et Franck Loyer… qui vont rapidement devenir Joeystarr, Kool Shen et DJ S…

DJ S et Kool Shen se connaissent depuis l’enfance. Le jeune Didier les rencontre en CM1 mais ils ne deviennent pas particulièrement potes à ce moment-là. Didier est élevé par son père, à la dure. L’école ne l’intéresse pas tellement.

Bruno, lui, est issu d’une famille d’origine portugaise. Plutôt doué pour le foot, il est rapidement repéré pour jouer dans un club pro. Mais, au grand désespoir de son père, ce n’est pas tout à fait ce qu’il va se passer… Bruno va faire une rencontre qui va tout changer : le hip-hop !

En juillet 1983, des danseurs américains font une démonstration sur la place du Trocadéro à Paris ; Joeystarr et Kool Shen, qui y sont allés séparément, seront tous deux très marqués par cette prestation. Apprenant que Joey était également sur place, Kool va à sa rencontre dans la cité voisine ; ils commencent alors à s’entraîner ensemble.

Joeystarr et Kool Shen se font donc d’abord connaître par la danse – le breakdance pour Shen et le smurf pour Joey – puis par le graffiti, notamment sur la ligne 13 du métro parisien. Ils créent un collectif d’artistes, le 93 NTM avec leurs copains Tex, Kay One, Aro, Meo, Solo, Colt , etc.. On va les écouter dans cet extrait du JT sur France 2 :

Et puis pet it à petit, Joey et Kool vont se tourner vers la musique, notamment après avoir vu rapper le groupe Assassin au Globo, une salle à Paris.
Suprême NTM se serait formé aussi par défi, à la suite d’une embrouille entre Jhony Go -auteur avec Destroy Man du premier maxi de rap français sorti par une major. Jhony Go leur explique un soir dans le métro que « le rap est une branche du hip-hop réservée à une élite dont eux, ces Graffiti Kingz aux mains tachées de peinture, ne feront sans doute jamais partie ».
Cette provocation met le feu aux poudres, évidemment et enflamme particulièrement Joey, qui ne souhaite qu’une seule chose, réussir :

« Nous avons commencé la musique avec cette ambition : soit on cartonne, soit c’est la honte (…) On venait pour tout brûler, pas pour faire de l’entre-deux. En danse, nous étions dans le top-ten. En graffiti, nous étions dans le top-ten. Si on faisait du rap… il fallait qu’on soit dans le top-ten »

1988, NTM sort sa 1ere maquette et participe à l’émission de Dee Nasty et Lionel D, le Deenastyle, sur Radio Nova. Le groupe fera également partie du concert historique du 26 mars 1989 à l’Élysée Montmartre. En 1990, leur titre Je rap paraît sur la toute première compilation de rap français: “Rapattitude”.

Tout s’enchaîne très vite pour Kool Shen et Joeystarr, avec un concert tremplin à l’Elysée Montmartre, je cite : “100% Hip hop et interdit aux batards !” dans lequel ils font forte impression et leur titre “Je rap” enregistré pour la toute première compilation de rap français du monde, “Rapittitude” :

Manu : Les majors commencent à s’intéresser au phénomène rap. Philippe Ascoli, qui bosse chez Polydor, est à deux doigts de les signer. Il est le premier directeur artistique (et le seul, d’ailleurs) à écouter une maquette du groupe. Ils n’en referont jamais plus par la suite.

Ascoli est très chaud en effet mais commet une erreur qui lui coûtera cher : il leur propose un parolier. Evidemment, Joey et Kool claquent la porte et partent signer chez Epic, un label de Sony, sur les bons conseils de la maman de Lady Vee, qui est graffeuse, danseuse pour NTM et surtout petite amie de Kool Shen.

Le tout premier maxi du groupe, Le Monde de demain, sort en 1990. Il marque les esprits et se vend à plus de 50 000 exemplaires à l’époque. Le groupe commence à faire parler de lui et répond à sa toute première interview télé dans l’émission Mon Zénith à moi sur Canal+, présentée par Michel Denisot. Nina Hagen, la diva punk a en effet carte blanche pour inviter un groupe d’artistes et c’est NTM qu’elle choisit :

Le disque sort dans un climat de tension sociale : entre octobre et novembre 90, de violents affrontements opposent policiers et jeunes des cités à Vaulx-en-Velin, près de Lyon, et des manifestations lycéennes particulièrement violentes ont eu lieu à Paris. Très vite, la presse cherche un visage pour incarner la banlieue. Ce sera NTM. Un fardeau lourd à porter qui va très souvent agacer Joey et Kool. Réactions :

Insert – JT Réaction

Manu : Un an plus tard, en juin 1991, Authentik, leur premier album sort enfin.

Il s’écoule à 90 000 exemplaires en quelques mois. En quinze titres, ils posent déjà les jalons d’une contestation dont le rap français ne se défera plus : critique des médias, de l’argent, du racisme, les rêves brisés de la jeunesse des banlieues. Authentik est un concentré de rage juvénile.

Après une tournée en France, NTM remplit le Zénith de Paris en janvier 1992 et met le feu. Les 6200 personnes qui assistent au concert savent qu’ils sont en train de vivre un moment historique : c’est la première fois qu’un groupe de rap français remplit une si grande salle. Un groupe encore inconnu un an plus tôt !

Manu : Et l’année suivante, NTM sort déjà son deuxième album : 1993… J’appuie sur la gâchette.

En quelques mois, le contexte a déjà bien changé. Les groupes de rap surgissent de partout, appâtés par le succès phénoménal de NTM. Mais Joey et Kool ne vont rien lâcher et redoublent de pugnacité. J’appuie sur la gâchette marque l’apogée de leur fureur. Le style est précis, le texte incisif. Et le premier scandale ne se fait pas attendre : dans le morceau Police, JoeyStarr écrit « Donne-moi des balles pour la police municipale ». La Police y voit un appel au meurtre et porte plainte. Jugez plutôt :

Le ver est dans le fruit et très vite, NTM ressent les premiers effets de la censure : alors que la tournée se prépare, de nombreuses mairies annulent leurs dates. La grande tournée dont ils rêvent n’aura pas lieu. Pour le groupe c’est une gifle, une véritable punition qui ébranle le groupe.

Manu : 1995. Nous voilà deux ans plus tard pour la sortie de Paris sous les bombes. Ce 3e album est marqué par le départ du DJ et producteur historique du groupe, DJ S

Oui et c’est aussi l’album qui va les révéler au grand public et qui se vendra à plus de 700 000 exemplaires !
En parallèle d’IAM qui incarne le rap coté Marseille, NTM continue de monter en puissance et devient une vraie machine de guerre. Ce disque va clairement faire bouger les lignes, comme l’explique Joey, toujours dans son autobiographie, Mauvaise Réputation :
« Au moment où sort Paris sous les bombes, ma vie change. Du jour au lendemain, on me trouve beau, on me laisse rentrer partout, je commence à goûter aux petits privilèges des VIP. Porté par des titres efficaces. Le disque passe sur toutes les radios, on parle de nous ».

Enfin, c’est surtout La Fièvre qui est diffusée en radio, et Skyrock refuse toujours de programmer les titres les plus chauds.

Et puis, le 14 juillet 95, NTM joue à la Seyne-sur-Mer pour un concert organisé par SOS Racisme contre l’élection d’un maire FN à Toulon. Devant 30 000 personnes, JoeyStarr reprend le refrain de Police : « Police, machine matrice d’écervelés mandatés par la justice sur laquelle je pisse ».

Les policiers présents pour assurer la sécurité du concert portent plainte. NTM sera condamné à 6 mois de prison dont 3 mois fermes. 50 000 francs d’amende et, pour la première fois en France, à 6 mois d’interdiction d’exercer la profession de chanteur de variétés ! « Le Point » fait sa couv avec JoeyStarr et titre : « Peut-on tout dire en France ? ». Aux Etats-Unis, le magazine « Vibe » leur consacre un article : « Parlez-vous Fuck You ? » (en franglais dans le texte). Un collectif de femmes se forme pour appeler au boycott d’un groupe dont le nom, NTM donc, sous-entend le viol et l’inceste.

Manu : Trois ans plus tard, nous sommes en 1998. NTM est immense ! Ils sont au coude à coude avec IAM pour le titre de roi de France du rap. Leur 4e album, Supreme NTM, sort le 20 avril 1998 et se vend à 40 000 exemplaires le jour même !

Il vole la première place du classement des meilleures ventes à la BO de Titanic. La maison de disques en joue et ose une pub qui reste aujourd’hui encore légendaire : « Titanic Ta mère, NTM numéro 1 du Top Albums »
Tout au long de l’été 1998, la France black-blanc-beur devenue championne du Monde de football n’a plus honte de sa banlieue et les médias s’emballent. Il leur fallait des ambassadeurs… NTM est partout !

Il faut dire que leur promo est ultra bien huilée : peu de temps avant la sortie de l’album, le groupe sort une réédition du single Come Again 2, sur laquelle est présent un extrait de l’album à venir. Cet extrait qui n’est autre que Seine-Saint-Denis Style, est très vite lancé dans les radios – notamment grâce à la fuite organisée par le groupe d’un single. Ils annoncent ensuite qu’ils vont donner une interview et un concert privé à Nulle part ailleurs le jour de la sortie de leur album. Par la suite, Kool Shen et Joeystarr multiplieront les apparitions à la télé notamment sur Canal+.

Malgré la mauvaise réputation qui les précède, ce nouvel album du Supreme fait l’unanimité. Pour la première fois, leurs morceaux sont joués sur pratiquement toutes les radios, sauf Ma Benz qui est considéré par certains comme une « dégradation de l’image de la femme ». A la suite d’une décision du CSA, le clip ne passe pas avant 22h tandis qu’en radio, le morceau n’est pratiquement diffusé que sur Skyrock. Et pourtant, malgré la censure, Ma Benz reste l’un de leurs plus gros succès. On revient tout de suite après une courte page de publicité.

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/publicite/pub999940076/ntm-single-version-30-secondes

Manu : Dans le milieu du rap, certains accusent la musique de NTM d’être devenue commerciale. La preuve : ils seront même nommés aux Victoires de la musique dans la catégorie Album rap ou groove de l’année 1999.

C’est vrai et c’est finalement plus de 800 000 exemplaires qui seront vendus ! Forcément, ça excite les jalousies, surtout du côté de Marseille. La réponse de NTM sera, comme souvent, sur scène, là où ils s’épanouissent totalement. Ils se lancent dans une tournée géante, le NTM Tour 98, partout en France, dont deux Zénith à Paris pleins à craquer La série de concerts s’achève quelques semaines plus tard ; ils sont exténués. Des dissensions sont apparues pendant la tournée : JoeyStarr accusera l’entourage de Kool Shen de piquer dans la caisse du merchandising. Toujours discret dans les médias, Kool Shen ne parlera jamais des véritables raisons de l’engueulade. Fin 1998, le vrai ennemi de NTM ce n’est pas IAM, c’est NTM !

Les années 1999 et 2000 sont ensuite assez dramatiques pour JoeyStarr. En février 1999, il est condamné à deux mois de prison ferme pour l’agression d’une hôtesse de l’air. Au mois de juin 1999, il est condamné à 6 mois de prison ferme pour coups et blessures volontaires sur son ex-compagne. En février 2000, il est à nouveau à la une des journaux pour la détention d’un pitbull non stérilisé.

Quand sort en 2000 le live du Zénith en 1998 (sur CD et DVD), Joey et Kool Shen ne se parlent quasiment plus. Une décennie plus tard, les choses se seront heureusement apaisées.

Le making-of de "Suprême NTM"

Manu : Greg on va parler du son de ntm, de composition, de beatmaker avec toi.

Oui on va essayer de comprendre l’évolution du groupe et d’analyser l’album de 1998.

Je vous propose de passer rapidement en revue les vieux albums, et après on va faire un petit tour d’horizon des hits de notre album d’aujourd’hui

Et puis à la fin je vous emmènerai dans mon studio parce que j’ai essayé de refaire un titre alors on écoutera ça tous ensemble.

Manu : Pour commencer Greg : Est-ce que tu crois que c’est possible de définir un style ntm ?

C’est toujours un peu la même recette : Des samples mélodiques auxquels on ajoute des breakbeats : en gros c’est des échantillons de percussions souvent tirés d’albums de funk et de jazz.
On ajoute une grosse basse, du scratch et enfin des voix et des back vocals pour appuyer les fins de phrases.

Après il faut noter qu’au fur et à mesure des albums, leur manière de rapper va changer, même si globalement c’est assez sombre.

Manu : Est-ce qu’il sont passionnés de musique, de technique, est-ce que c’est des chineurs de sons ?

Pas vraiment, eux c’est surtout des rappeurs, ils connaissent pas trop la technique, alors ils se rapprochent de DJ’s qui font des prods.

Leur force à eux c’est leur rage, leur énergie qui ressort bien sur disque.

Le problème c’est que c’est parfois un peu poussif, Ils sont pas hyper prolifiques…
Quand il font un album : ils jettent rien, ils ont jamais de rab.

L’autre particularité, c’est qu’ils écrivent rarement ensemble.
Ils se donnent un petit coup de fil pour se mettre d’accord sur le thème de la chanson et hop direction le studio…..

C’est ce qui se passe pour leur premier album authentik : un disque avec des rythmes assez rapides, et un flow très 80…

Pour illustrer : c’est le même que celui de votre tonton quand il imite les inconnus… Mais bon c’est le début du rap, tout le monde fait ça.

Quand ils enregistrent le premier album ils sont encore en train d’apprendre.
Et en plus à l’époque personne ne sait comment on enregistre ni comment on mixe du rap.
Ni DJ S qui compose l’album, ni leur réalisateur Fred Versailles. Alors ils font comme ils peuvent…..

Manu : Niveau samples les premiers albums sonnent très funk 70’s…

Carrément c’est la référence, et en plus ils ont a pas peur de sampler des boucles de saxophones… Il me semble qu’aujourd’hui il y a une loi qui empêche ça..
On va dire que ça a un peu vieilli quand même….

On va donc retrouver les artistes les plus samplés de l’univers…. James Brown, Barry White, Funkadelic, Herbie Hancock, Marvin Gaye etc etc…

Je vous propose d’écouter « le monde de demain » sur un sample de Marvin gaye.
Extrait « le monde de demain »

Samplé également par le rappeur américain ice-cube mais aussi par les marseillais d’IAM un peu avant..

Si t’as pas samplé Marvin Gaye t’as raté ta vie…

Le 2 eme album c’est « j’appuie sur la gâchette »
Là ils refont exactement la même chose mais en mieux. Tout le monde a progressé, et y’a du sang neuf aussi..
Notamment au mixage et au Mastering… On a des mecs qui ont bossé avec Public Enemy… Alors on sent la progression.

Au niveau des compositions on a toujours DJ S qui signe la moitié des titres et on voit aussi arriver quelques new-yorkais qui vont leur apprendre plein de choses.

On arrive maintenant en 1995 et ils sortent paris sous les bombes, encore un classique.
La, c’est le début du gros succès mais c’est aussi une page qui se tourne car leur pote de maternelle DJ S démissionne juste avant…

On lui reproche de pas être assez prolifique, de pas trop vraiment aimer le live.

En réalité ça sent un peu le trauma parce que le mec a carrément arrêté la musique et il a jamais reparlé à la presse.

Mais il faut quand même lui rendre hommage parce que sans lui NTM n’existerait probablement pas….

Donc DJ S est remplacé par une flopée de beatmakers, des gars d’Assassins, Lucien papalu et toujours les américains de l’album d’avant…..

Je pense qu’on peut s’écouter un petit coup de « qu’est ce qu’on attend pour foutre le feu »

Extrait « foutre le feu »
composé par le new Yorkais LG expérience
….C’était il ya 28 ans…

Manu : On arrive en 1998. NTM s’apprête à sortir son dernier album studio. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’en France le rap a pris sa place et que la concurrence est rude !

Ouais bah déjà IAM vient de sortir l’école du micro d’argent rien que ça… à Paris on a le ministère amer qui commence à faire son trou, y’a aussi oxmo puccino et plein d’autres…
Donc en gros pour NTM, c’est quitte ou double soit ils deviennent vieux et continuent à sampler des saxophones dans leur coin, soit il font un truc de ouf et ils restent dans l’histoire..

Bon alors….. ils ont quand même un avantage, c’est l’expérience et le succès..
Ça va leur permettre d’être plus confortable pour produire cet album, ils ont plus d’argent et plus de temps : du coup il vont mettre 3 ans pour faire leur 4ème et dernier album

Manu : Pour relever le défi ils vont devoir surmonter quelques difficultés aussi, parce que le groupe enchaîne les merdouilles depuis 3 ans.

Exactement, ils sortent de 3 ans d’embrouilles judiciaires et ils ont été interdits de concert… On en a parlé tout à l’heure.

Mais en plus c’est de plus en plus difficile entre eux. Joey fait un peu ce qu’il veut quand il veut, il disparait parfois 2 semaines pour se défoncer. et Bruno lui a plutôt envie de faire les choses bien et de travailler mais il est obligé de composer avec son partenaire…..

A quoi il ressemble ce nouvel album ? C’est ce qu’on se demande…
Bah déjà ils ont ralenti les BPM, ils rappent de manière plus posés, les prods sont plus épurées.
C’est un album qui est plus facile a aborder pour le grand public : on a des refrains chantés ou toastés qui rappellent une un peu des structure plus pop… C’est pas la première fois qu’ils font ça mais ça se remarque…

MAIS SURTOUT il n’y a plus de samples de saxophone (enfin presque) !!

Pour les prods : on va avoir des nouveaux et des anciens… En gros ils écoutent, cherchent et sélectionnent des sons, rencontrent des beatmakers.
On retrouve encore et toujours l’Américain LG experience, et les nouveaux c’est DJ spank, Sully seffil, et Sulee B wax entre autres…

Certains disent que c’est un album moins cohérent, qu’on passe d’un morceau festif a un truc grave… D’autres disent que c’est leur masterpiece : c’est à vous de juger.

Moi Perso je trouve qu’il est meilleur que les autres.
1 parce qu’il y a pas de ce saxo
2 parce que les samples passent un peu derrière et que l’énergie passe vraiment dans un gros basse batterie qui pourrait se suffire à lui même… Voilà.

Bingo ! L’album est mixé à Paris au studio Davout il est masterisé à NYC, ll sort le 20 avril 1998. Après y’aura la tournée et la séparation. Fin de l’histoire les amis…

Manu : Perfecto. Merci Greg, est-ce qu’on peut faire un petit tour des hits de cet album… t’as ptet des anecdotes ou des trucs à nous faire écouter ?
On commence par quoi ? par l’hymne seine st denis style…?

Bon, comme d’hab c’est des samples des beats et de la basse.
Et c’est surtout un hommage au premier évêque de France.. St Denis..

Nan, plus sérieusement : petite anecdote sur ce morceau, c’est qu’en plus des samples, sur ce coup là il y a un vrai emprunt de top line à des rappeurs old school de Brooklyn. « cut master DC »

Ca vaut le coup d’écouter quand même parce que moi je pensais que c’était d’eux…

Extrait « fonk funky fresh»

Manu : Y’a le morceau avec de la musique classique aussi. That’s my people

Pour l’histoire, Sully sefil passe un soir au studio Davout faire écouter des prods.
Il en a une en stock avec le Prelude de chopin opus 28 n°4 :
Kool shen kiffe tout de suite alors ils decident de poser une maquette direct.
Didier est pas là alors Busta flex fait les backs pour la maquette, l’idée est de le refaire en mieux après avec Joey

Mais l’ingénieur du son perd le multipiste… Il leur reste que la maquette stéréo définitive.
Ils décident donc de tout refaire, Kool Shen galère pendant 12 heures…
Et à la fin ils comparent avec la maquette, et là mauvaise surprise : c’est pas aussi bien, il a pas le bon Groove.

Alors ils prennent la décision de mettre la version maquette sur l’album.
Ce qui est un peu miraculeux, parce que sur une maquette y’a toujours des trucs qui vont pas mais là elle est vraiment exploitable.
Resultat pas de Joey star sur ce titre.

Manu : Est-ce que tu veux nous parler de ma Benz ?

Alors petite anecdote. Joey rencontre lord Kossity et ils commencent à faire des prod avec DJ spank qui est le coloc de Joey.

Ils font une première version de ma benz qui est un raggae ragga.
Le son est fait en 2h et à la base c’est juste pour tester la nouvelle sono de la Mercedes de Joey Starr.

Ils font écouter à Kool Shen. Il est trop chaud pour le mettre dans l’album.
Sauf qu’en fait ils avaient déjà vendu le morceau groupe qui s’appelle RMI.

Alors Kool Shen dit à Joey : « pour une fois que tu fais un son et qu’il est cool : essaie de négocier pour le garder et ne pas le donner au groupe »

Mais ça marche pas les RMI sont trop veners du coup DJ spank décide de refaire le son, sauf que finalement ça sera pas du tout un son ragga raggae…. Même si le prince du dancehall martiniquais pose dessus en ragga.

Manu : Et on peut finir par « laisse pas trainer ton fils » parce que c’est celui là que tu as voulu refaire dans ton studio.

Exactement.. mais avant d’aller au studio, je vous raconte un peu l’histoire.

Sully B wax est contacté parce que le groupe aime bien ses sons.
Ils se rencontrent chez Sony et il fait écouter des prods influencés par mobb deep qu’il a fait pour la rappeuse Sté Strausz. Je pense qu’il leur fait écouter « je dois partir » les plus curieux peuvent aller écouter et confirmer….

Ntm aime bien et commande donc à Sully B wax de leur faire un son dans ce style.
Il cherche son sample et fait chanter une pote pour un refrain très pop rap r’n’b.
Les ntm eux remplaceront la chanteuse par une certaine Angie.

Il utilise une belle boucle avec cordes tiré de la BO d’un documentaire sur Mohamed Ali de 1969.
Il fait 2 versions avec 2 boucles un peu différentes et il envoie le tout à kool shen.

Ils en choisissent une pour faire « laisse pas trainer ton fils ».
Et Kool shen ne jette pas l’à la poubelle la deuxième version, il l’utilise pour un artiste qu’il est en train de produire avec IV my People : busta flex
On l’écoute vous allez voir c’est très très proche.

Extrait « Busta flex »

Manu : Greg, c’est le moment où tu nous emmènes dans ton studio. On a beaucoup d’attentes, on veut vraiment comprendre comment on manie les samples…

L'univers visuel de NTM

Manu : Merci Greg alors on a bien vu toute l’énergie que NTM a mis en studio pour prouver qu’ils sont “encore là / prêts à foutre le souk” … Et on va voir que la force de NTM se joue aussi au niveau de l’image, et commençons par cette pochette qui est ultra efficace ! Pas vrai Fanny ?

Mais grave, franchement c’est sobre, ça claque, ça marque les esprits, c’est vraiment du travail d’orfèvre. Et ce travail on le doit au photographe, graphiste et réalisateur français Laurent Seroussi. Quelques mois avant la sortie de Suprême NTM, Seroussi frappe déjà fort avec la pochette de l’album Fantaisie Militaire de Bashung, je sais pas si vous l’avez en tête, c’est un très beau portrait, je vous recommande d’aller voir ! Bref, à quelques mois d’intervalle, donc, il sort 2 pochettes de ouf. Pour NTM, on n’a pas de recto et pas de verso à la pochette, c’est déjà le premier truc étonnant. Le visuel fonctionne parfaitement des deux côtés donc chez le disquaire vous pouviez tomber soit pile sur le portrait en gros plan de Kool Shen, soit face sur celui de Joey Starr. Ce qui est intéressant c’est de comprendre tous les enjeux liés à l’image de NTM pour cet album. J’ai trouvé une interview de Seroussi sur le site iiconi où il résume tout ça parfaitement.

« j’étais conscient de la problématique du label Sony, qui était préoccupé par la vision assez floue du public sur NTM. Tout comme IAM, NTM était d’abord identifié comme un collectif, on avait du mal à définir leur noyau dur, beaucoup d’intervenants gravitaient autour de ces groupes. En résumé, le grand public ne savait pas qui était NTM, et Sony est venu me voir en me demandant de montrer que NTM était Kool Shen et Joey Starr, point. »

Je pense que dans l’image finale, on ne peut pas être plus clair. Chacun des musicien pose sur un fond noir, le visage éclairé avec une lumière bleue très crue et sans compromis qui souligne toutes les expressions du visage. Pendant le shooting, qui a eu lieu dans le studio où NTM enregistrait l’album, il y a plusieurs déclinaisons de ces portraits qui ont été pris, parfois avec une expression neutre, parfois avec différents angles ou un double miroir qui va refléter les profils gauche et droits sur le côté, ce qui donne 3 portraits en un.

Manu : Et autre chose notable dans le graphisme, c’est qu’on a ni titre, ni logo sur la pochette, y’a juste pas de texte…

Ouais c’est ouf, le branding de NTM se fait uniquement sur la gueule de Joey Starr et Kool Shen, comme si leur visage était suffisamment iconique pour que tout le monde sache de qui on parle, et rétrospectivement, c’est pas totalement faux d’ailleurs. Mais à nouveau dans l’interview d’iiconi, Laurent Seroussi va dire un truc intéressant sur cette absence de texte, il dit :
« En étant graphiste, j’ai beaucoup travaillé sur la typographie, qui est un marqueur dans le temps qui peut être très pratique quand on veut être à la mode, mais qui peut aussi être un handicap phénoménal lorsqu’on est un artiste musical qui a envie que son album soit pérenne. Je tiens aussi beaucoup à cette pérennité pour les images, car coller une typographie sur une image est le meilleur moyen de l’enterrer dans son époque. »

Et là le mec a 100% raison, combien de fois dans l’émission je vous ai décrit des pochettes qui ont juste vieilli de ouf parce que la police utilisée pour le titre ou le nom était juste devenue mega ringarde ? Là tout de suite l’exemple qui me revient en tête c’est le texte sur l’album de Noël de Mariah Carey, désolée Mariah, c’est pas contre toi ! Bon en tous cas le raisonnement se tient et je le trouve très smart.

Manu : Edition canadienne. Et est-ce que l’intérieur de la pochette est aussi travaillé sur la cover ?

Oui, à l’intérieur on a un livret qui se déplie comme un grand poster, ça aussi ça change. On reste dans la même gamme de tons bleus, avec texte blanc et titres des morceaux écrits en lettres majuscules dorées dans certaines éditions du disque. Évidemment, faut saupoudrer un peu d’or quelque part, après tout on reste dans le rap, faut pas déconner. Et puis dans ce livret intérieur on trouve aussi une série de photos réalisée par l’américain Jonathan Mannion.
Alors on rembobine les cassettes pour celles et ceux qui sont fidèles à l’émission : Jonathan Mannion, je vous en ai déjà parlé dans notre émission sur Zebda. C’est un photographe formé aux côtés du célèbre portraitiste Richard Avedon et qui a immortalisé tout le gratin du rap game mondial, de Biggie Smalls à Dr Dre en passant par Aaliyah, Missy Elliott, Run DMC

Manu : Et même Yannick Jadot !

Zero blague les gars. J’en pouvais plus de rire quand je suis tombée sur cette infos mais ouais pour ses visuels de la dernière campagne présidentielle, le candidat écologiste Yannick Jadot s’est offert les services de Jonathan Mannion, le photographe préféré des rappeurs. Thug life et compostage, j’adore l’idée.

Manu : Po po po ! Le clash des titans ! Me dis pas que Jadot s’est aussi incrusté dans les clips de NTM, cette fois j’te croirai pas…

Bah si, dans le clip de Ma Benz si tu regardes bien y’a Yannick Jadot en bikini qui danse derrière Lord Kossity ! Comment ça tu m’crois pas ? Bon merde, j’aurais tout essayé pour racoler quelques électeurs pour les verts !
pause pour insert ma benz

Trève de plaisanterie, avec Ma Benz, j’ai l’impression de retomber dans les pires clichés du rap tel qu’on en a déjà parlé dans l’épisode sur Dr Dre ou Doc Gyneco, vous voyez le topo : des mecs bien dominants et virils vêtus de leurs plus beaux survets gesticulent dans tous les sens pendant que des meufs très dénudées se frottent soit contre eux, soit à leur barre de pole dance. Est-ce que je caricature ? A peine !

Les mecs en question, c’est NTM, DJ Spank et LordKo et est-ce qu’on va s’étonner quand les paroles de la chanson c’est je cite « Tu es ma mire, j’suis la flèche que ton entrejambe attire », ou encore « Montre-leur que t’as pas peur d’exciter tous les bandits / Whine comme une vipère si t’as le savoir-faire ». Grâce à cette chanson j’ai appris le mot Whine qui veut dire bouger son boule de façon lascive en argot jamaïcain.

Mais je m’égare, revenons au clip, qui a été réalisé par Yannis Mangematin, un collaborateur régulier du groupe puisque sur cet album il a aussi signé les vidéos de Laisse pas trainer ton fils, Saint Saint-Denis style et Pose ton Gun.
Le clip a été tourné sur un super grand plateau de presque 1000 m² où ils ont construit un décor circulaire. Au centre de la pièce on a un podium rond avec des fauteuils de bagnole sur lesquels sont assis les musiciens, ensuite y’a une travée, la caméra filme en travelling arrière pendant une partie du clip, on est tout le temps en mouvement, ça donne le tournis. Et puis dans les murs de cette grande salle on a plusieurs vitrines toutes vertes, toutes bleu ou rouge dans lesquelles y’a une meuf seule en bikini à chaque fois avec quelques pneus ou jantes de merco et une barre de pole dance pour seuls accessoires.

On est clairement dans l’imaginaire des cabines de sex-clubs et du gangsta rap américain. On est aussi dans l’imaginaire des sounds systems des ghettos antillais et jamaïcains, comme l’explique Lord Kossity dans le livre Rap en France d’Olivier Cachin. Un imaginaire qui n’est pas tout à fait du goût de la France de la fin des nineties puisque le CSA a jugé que le clip participe à « la dégradation de l’image de la femme » et restreint sa diffusion à tard le soir après 22h.

Je ne sais pas s’ils étaient aussi sévères avec les autres groupes de rap ou les autres clips de rap vu que cet imaginaire bien beauf est hyper répandu, ou s’ils avaient juste envie de se payer la gueule de NTM qui ouvraient sans doute un peu trop sa bouche pour la classe politique de l’époque. Toujours est-il que dans le livre de Cachin, LordKo essaye de se justifier, sur l’accusation de sexisme il va dire :

“Je pense que le choix de se montrer dans une telle position, dans tel accoutrement, ça appartient aux femmes. Nous on ne les a pas forcées à faire ça. Il y avait aussi cette ambiance sexy, sensuelle, sexuelle. Il ne faut pas oublier que c’était du travail bien fait. Les filles étaient choisies, on en a fait venir de Londres, il y avait des jamaïquaines, c’était pas juste des meufs qui bougent leur cul. Il y avait ce côté esthétique, tribal, caribéen, cette moiteur des sound systems qui transpirait dans la vidéo. Et aussi l’énergie virile que nous on était censés véhiculer. C’est un truc qui nous collait à la peau, on vivait comme ça.”

Je sais pas vous, mais moi je trouve qu’il s’enfonce de ouf dans les clichés et justifie au contraire tout ce qu’on reproche à ce clip ! C’est chaud, y’a du taff pour faire bouger les mentalités. Vous en pensez quoi vous ?

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Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “