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Louise Attaque « Louise Attaque »
(1997)

EN QUELQUES MOTS

Dans cet épisode, on va vous parler du phénomène Louise Attaque. Alors que la Mano Negra jette l’éponge qu’en 1994, Louise Attaque fait ses débuts dans les bars et commence à jouer ses chansons au format hors norme, entre folk et punk, librement inspirées du groupe Violent Femmes.

Quand sort leur premier album éponyme en 1997, Louise Attaque bénéficie déjà d’un bouche-à-oreille incroyable. Pendant que le groupe écume toutes les salles de l’Hexagone, les exemplaires du disques eux, s’écoulent comme des petits pains, portés par des titres imparables comme “Ton invitation”, “Léa”, “Les nuits parisiennes” et bien évidemment « Je t’emmène au vent ».

Son succès ne correspond à aucun des standards connus. Jamais un groupe ne s’était imposé si rapidement, loin des médias et des circuits traditionnels. 2 millions et demi d’exemplaires vendus plus tard, Louise Attaque est devenu une vedette, tout en ayant décidé de se tenir à l’écart des projecteurs, ce qui provoquera des réactions ambiguës envers le groupe, entre envie et jalousie, admiration et sarcasme.

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Retour en 1997

Voilà pour les 14 titres de Louise Attaque ! C’est leur tout premier album. Il sort le 22 avril 1997 en CD, Cassette et vinyle chez Atmosphériques, le tout nouveau label de Marc Thonon. On va en reparler.

La même année Hong Kong redevient Chinois, le climat se dérègle et le monde pleure Lady Di : bienvenue en 1997 ! A propos de Diana, vous vous souvenez peut-être de “Candle in the wind” d’Elton John, qui deviendra juste le single le plus vendu au monde ! Elton qu’on salut au passage 😉

En 1997, chez nous en France on écoute 666.668 Club de Noir Désir, L’école du Micro d’Argent de IAM et Partir un jour des 2Be3 on est en plein avènement des boys bands qui passent en boucle sur NRJ. Et moi je rentre (enfin) en cinquième, parce que j’ai repiqué ma sixième comme cet abruti de Greg !

 

La story de Louise Attaque

Manu : Allez on va maintenant remonter quelques années en arrière. L’histoire de Louise Attaque commence dans la région Centre, à Montargis, sous-préfecture du Loiret…

Olivia Godat : Au début, il n’y a que Gaëtan Roussel et Robin Feix qui se sont rencontrés au lycée à Montargis. Bientôt Alexandre Margraff les rejoint avec sa batterie pour former le groupe de rock Caravage (en hommage au peintre italien Le Caravage), avec David Antoniw à la guitare. Le succès n’est pas immédiat : la cassette enregistrée dans la cave d’Alexandre se vend à huit exemplaires dont six à leur famille !

Ils écument les bars et salles des fêtes pendant quatre ans. Puis David Antoniw quitte le devant de la scène pour devenir leur ingé du son. Les trois autres publient alors une annonce dans leur studio de répétition pour trouver non pas un nouveau guitariste, mais un violoniste ! « Groupe de jeunes cherche violoniste d’inspiration Nick Cave, Tom Waits . . . et un peu Catherine Lara ». Arnaud Samuel (qui a une dizaine d’années de plus qu’eux) se présente alors et débute dans le groupe.

Nous sommes en 1994. Après deux mois d’existence, Louise Attaque donne ses premiers concerts et enchaîne une centaine de dates en France tout au long de l’année 95, notamment grâce à l’association Life Live in the Bar qui organise des concerts dans les bars à Paris pour faire face à la pénurie de petites salles. Ils n’ont qu’une cassette de 8 titres à présenter comme carte de visite.

insert

Pour vous remettre un peu dans le contexte, faut se dire qu’on est en plein essor du rock français indépendant. On se rappelle que c’est la Mano Negra, qui a donné un sérieux coup d’accélérateur à tout ça en signant sur une major (en l’occurrence Virgin). Alors, certes au début, tout le milieu du rock alternatif leur est tombé dessus en hurlant à la trahison. Pourtant, ils vont réussir à garder le total contrôle artistique de leur disque et faire évoluer les règles du marketing à leur avantage. C’est eux aussi qui vont continuer de faire pression pour que le prix des places de concert n’explose pas et que leur musique reste accessible à tout le monde. Et ça, on va le voir, c’est clairement un exemple que Louise Attaque aura en tête lorsque le succès va arriver.

Manu : Mais alors, justement, pardon mais pourquoi Louise Attaque ? Pourquoi ce nom ?

Olivia : Longtemps, ils ont cherché à brouiller les pistes sur l’origine de ce choix. Ils parlent d’abord d’une référence à Louise Michel, grande figure anarchiste du 19e siècle. En réalité, le bassiste Robin Feix a avoué dans une interview que leur nom faisait principalement référence aux Violent Femmes, groupe de rock américain, dont les membres de Louise Attaque sont super fans. Mais Violent Femmes et surtout son leader Gordon Gano, c’est surtout Greg qui va vous en reparler dans quelques minutes.

Début 96, Louise Attaque a adressé sa démo à toutes les maisons de disques qui les ignorent royalement, comme ils l’expliquent au micro de Jean Louis FOULQUIER dans l’émission Pollen sur France Inter :

insert – ITW Pollen
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/audio/p16027950/gaetan-roussel-sur-la-creation-du-groupe-louise-attaque

C’est la loose. Mais un événement au en avril 1996 va tout changer, ou plutôt une rencontre. Nous sommes au festival du Printemps de Bourges, sur une petite scène du off. Enorme hasard de la vie : Jan Ghazi, le directeur artistique de Delabel ne devait pas du tout être là. Lui, il voulait écouter Cypress Hill mais ne s’est pas senti bien et s’est éloigné du concert pour respirer un peu. Et là, il entend jouer Louise Attaque… boum, coup de foudre immédiat pour la voix si particulière de Gaëtan Roussel et l’énergie du groupe sur scène. Ni une, ni deux, il les signe directement en édition.

insert – je t’emmène au vent

Mais l’histoire n’est pas finie. Quelques mois plus tard, deuxième coup de foudre pour Marc Thonon, cette fois, le patron du tout jeune label Atmosphériques. Il est foudroyé par la chanson « J’t’emmène au vent ». En 10 ans de carrière chez Virgin et Barclay, il n’a jamais rien entendu de pareil. Il appelle immédiatement Delabel pour commencer à travailler tous ensemble sur ce premier album.

Marc Thonon est loin d’être un novice dans le milieu du rock français. Il a notamment travaillé avec la Mano Negra et Noir Désir. Il décide de reproduire une technique utilisée avec ces deux groupes en choisissant de ne pas intégrer à l’album plusieurs morceaux enregistrés. Ces titres inédits pourront ainsi permettre de relancer l’intérêt pour le groupe si l’engouement devait s’essouffler. Malin, le Marc !

Le premier album de Louise Attaque, simplement appelé ‘Louise Attaque’ sort le 22 avril 1997. 3 500 albums sont mis en vente dans les bacs de disquaires. En 15 jours, ils en ont déjà vendu la moitié ! Un résultat inédit pour le premier disque d’un groupe de rock aussi peu médiatique.

Manu : Mais ce qui va les faire décoller, c’est la passion d’un fan de rock et de musiques pas comme les autres, Bernard Lenoir sur France Inter.

Olivia : exactement ! Louise Attaque au départ, c’est vraiment un groupe de scène, pas du tout diffusé par les radios. Mais là, on va leur offrir la possibilité d’enregistrer et de diffuser un concert d’une heure en prime time.

insert – les nuits parisiennes

Dans les Inrocks du 30 novembre 97, Marc Besse reconnaît leur singularité et leur droiture :
« Dès « Amours », l’impression d’un disque livre, enregistré en une seule prise, s’impose sans forfanterie et Louise Attaque bâtit sa singularité (…) »

Olivia : Mais, Marc, oui je l’appelle Marc, leur reproche aussi de tourner un peu en rond

« convaincants dans ces moments forts, le chant et les textes s’épuisent pourtant sur une moitié de l’album. Pris dans un piège de tristesse, ils entament alors une ronde pathétique et butent invariablement sur des impasses ».

Olivia : Et pourtant, c’est précisément ce qui va plaire au public qui se reconnaîtra sans ces chansons plaintives et enivrantes.

La première radio qui va les jouer, ce sera RTL. Puis Fun Radio prend le relais. « J’t’emmène au vent » prend alors la tête du Top 5 des auditeurs de la radio. Poussé par ce succès, NRJ, qui avait refusé de les diffuser au début, va finir par les programmer aussi sur son antenne alors que les chiffres de vente atteignent déjà 700 000 exemplaires ! A l’époque, il n’y avait quasiment plus de rock sur l’antenne d’NRJ. Une vraie prouesse !

Manu : Enfin, le point d’orgue à ce plan marketing bien ficelé, c’est évidemment leur tournée.

Olivia : A peine le disque enregistré, Louise Attaque était déjà reparti sur les routes de France pour 150 nouvelles dates. Mais très rapidement, ils sont rattrapés par ce succès fracassant : les dates se remplissent en quelques jours seulement, ils sont obligés de trouver des salles plus grandes et de rajouter des dates encore et encore.

Le groupe commence un peu à flipper et craint de s’éloigner de son public. Ils cherchent à tout prix à garder le contact. Ils distribueront des flyers à leurs fans :

Ce soir Louise, elle t’invite à boire un coup après le concert.
Rendez-vous à la Fourmi. Mardi 7 avril 1998.
Alors reste à la Cigale après le concert

Et quand ils font ça, ils sont vraiment sincères. C’est d’ailleurs ce qui les distingue, cette humilité, cette générosité. Ça les rend attachants. Alors le public joue le jeu. Leur tournée de 1998 restera dans les annales du rock français.

Manu : Oui, d’ailleurs ils en ont fait un super docu qui s’appelle Crachez vos souhaits. Thierry Villeneuve, le réalisateur, va les suivre pendant 2 mois en tournée.

Olivia : Exact. Le film sortira en 2001. Trois ans plus tard car le groupe ne voulait surtout pas que ce soit assimilé à de la promo. Ils sont toujours très inquiets de s’éloigner de cette authenticité qui fait partie de leur démarche artistique.

Car Louise Attaque, c’est aussi une intransigeance, une éthique impeccable, une conscience politique et des prises de position fortes. Ils se sont illustrés dans des concert de soutien au Gisti (le groupe d’information et de soutien aux immigrés), à Act Up ou encore lorsqu’ils ont joué au Sous-Marin à Vitrolles (cette salle de spectacle que le Front National a voulu fermer). Lorsque l’on évoquait ces diverses participations, Gaëtan Roussel reste humble en expliquant qu’à chaque fois « ils n’avaient pas cherché à s’imposer, mais s’étaient juste proposés.»

Mais revenons-en à cette montée en puissance qu’on observe de semaine en semaine. Une nouvelle étape décisive est franchie avec le live de Nulle Part Ailleurs, le 3 avril 1998.

insert – Ton invitation Live NPA 1998

Dans les quinze jours qui suivent, la cadence de ventes a doublé. Le phénomène s’emballe. La presse nationale parle enfin d’eux et on retrouve des publicités pour l’album dans les magazines et dans le métro. Louise Attaque explose, ils sont partout ! Le choc est très violent pour le groupe qui assume mal, eux qui ont toujours préféré la discrétion au cirque médiatique. Ce succès va évidemment leur attirer des critiques plus acerbes.

Ainsi Les Inrocks parleront, en janvier 2000, d’un succès « miraculeux » qui a fait d’un « groupe un peu plouc » le « plus gros vendeur de l’histoire du rock français ». Une autre fois, les Inrocks, toujours, évoqueront dans un article les hymnes « patates-fayots » de Louise Attaque. Le groupe répliquera en faisant livrer au siège du journal une casserole de patates-fayots encore tiède !
Avec leur succès, Louise Attaque prouve qu’il existe alors encore une forme de morale dans le milieu du rock, que l’uniformisation musicale ne suffit pas à satisfaire le public. Et puis, cette formidable aventure sur un jeune label réjouit tous les producteurs de chanson-rock française, peu habitués à occuper le devant de la scène.

Pourtant, ils vont eux aussi souffrir de cette critique qui cherche à tout prix à leur coller une étiquette : si c’est populaire, ce n’est pas du rock, c’est de la variété. Dès qu’un artiste rock vend en grande quantité, qu’il touche un public plus large que le public indé, il est soupçonné d’être passé dans le camp de la variété. Il a forcément dû faire des concessions, il a vendu son âme. Comme si un album de rock ne pouvait pas être un succès commercial. Comme si un album de rock ne pouvait pas vendre 2,8 millions d’exemplaires…. Oui, mes amis, vous avez bien entendu : 2,8 millions d’exemplaires ! Ce qui constitue la cinquième meilleure vente d’albums de tous les temps en France et la meilleure vente dans l’histoire du rock français. AMEN !

Manu : Louise Attaque est entré dans l’histoire, en 99 ils remportent la Victoire de la musique du groupe de l’année et inspirent même à Didier Wampas en 2003 ces quelques vers : « Si j’avais le portefeuille de Manu Chao, j’partirais en vacances au moins jusqu’au Congo. Si j’avais le compte en banque de Louise Attaque, j’partirais en vacances au moins jusqu’à Pâques. »

Le making-of de "Louise Attaque"

MANU / C’est le moment de l’émission on part avec toi Grégoire dans les coulisses de l’enregistrement de cet album. En 96, Louise Attaque n’était encore jamais encore passé par la case studio mais avait déjà des idées bien précises…

Oui c’est d’ailleurs ce qui a surpris le producteur belge Marc Thonon. Très à l’écoute, il demande au groupe comment ils envisagent d’enregistrer. Le groupe est clair sur une chose : ils veulent sonner comme leur groupe fétiche et leur principale influence, j’ai nommé les Violent Femmes, un trio américain des années 80-90, pionnier du Folk Punk, repéré par les Pretenders en 1981 alors qu’il jouait dans les rues de Milwaukee. Ils les feront monter sur scène le soir même pour assurer leur première partie. Pas de quoi lancer leur carrière mais le groupe deviendra au fil du temps une valeur sûre de la scène indépendante.

C’est un groupe que j’adore personnellement, que j’ai saigné à fond pendant des années mais peut-être que tous nos auditeurs ne savent pas qui sont ces Violent Femmes, en revanche, ils connaissent très probablement ce titre « Blister in the Sun »

insert – BLISTER IN THE SUN

Louise Attaque veut donc s’inscrire dans cette veine Folk Punk, l’idée c’est de prendre des instruments acoustiques mais pour jouer vite et fort des morceaux punk. Pour Gaëtan Roussel, pas question de renoncer aux Français dans les textes, il en parlait encore récemment dans une interview accordée à la SACEM :

insert – ITV G.Roussel

MANU/ Donc Louise Attaque veut jouer comme Violent Femmes, Marc Thonon tente alors un coup de poker : ils contactent directement le leader des Violent Femmes, Gordon Gano, pour enregistrer les petits Frenchies.

Oui coup de poker parce que Marc Thonon ne les connaît absolument pas. Par ailleurs, jusqu’ici Gordon Gano n’a produit que des albums de son groupe, pas sûr qu’il soit capable de le faire pour d’autres.

Le producteur belge tente tout de même de faire jouer ses contacts aux États-Unis et finalement on peut dire qu’il tombe plutôt bien car les Violent Femmes sont dans le creux de la vague. Il y a des conflits au sein du groupe, du coup, Gordon Gano, il a pas grand chose à faire. Et surtout, il a lui aussi un coup de coeur pour ce groupe en entendant les démos envoyées par Louise Attaque

insert – Démo je t’emmène au vent

Et en les écoutant, Gordon Gano reconnaît immédiatement le lien qui unit les deux groupes. S’engage alors une discussion financière, 15 000 francs à offrir sur un budget de 60 000. Non seulement Gano accepte mais il débarque en Europe avec Warren Bruleigh, l’ingénieur du son des Violent Femmes. C’est un rêve qui se réalise pour Louise Attaque qui se retrouve pour enregistrer avec leur idole.

On a parlé du lien fraternel qui unit le son des deux groupes, notamment les voix éraillées de Gano et Roussel mais vous allez entendre que même dans les compositions, Louise Attaque cite carrément les Violent Femmes, écoutez plutôt ce extrait de la Brune de Louise Attaque suivi de I Hear the Rain du groupe américain par sur l’album Hollowed Ground en 1984

insert – LA BRUNE / I HEAR THE RAIN

MANU/ Et donc Greg pour l’enregistrement, direction Bruxelles et les studios ICP

Les studios ICP, en fait c’est une ancienne boulangerie industrielle de Bruxelles reconvertie par un certain John Hastry. D’un petit studio sans prétention, il devient assez couru puisque the Cure, Alain Bashung et Noir Désir vont y enregistrer.

Pour Marc Thonon, ces studios n’ont que des avantages, du matériel de pointe, une équipe d’ingénieurs du son fidèles et plébiscités par les musiciens, plutôt rassurants au cas où cela se passe mal avec le duo d’Américains. Et l’autre gros avantage c’est que l’on peut s’y loger, les studios peuvent mettre des appartements à disposition, ce qui est beaucoup plus économique que de payer un hôtel.

Comment ça s’est passé ? En fait pendant 3 jours, Gano a écouté Louise Attaque pour s’imprégner de leurs compositions, éventuellement leur suggérer quelques modifications dans la structure mais sans rien toucher. L’idée c’était vraiment de préserver l’énergie, la fraîcheur et la spontanéité du groupe et son identité sonore très marquée par le violon d’Arnaud Samuel.

inserts – Les Nuits Parisiennes

L’enregistrement va durer finalement 21 jours, mixage compris, c’est très rapide, résultat : un disque dynamique pleine de spontanéité qui enchaîne les titres rock accrocheurs et poétiques et qui deviendra la surprise de cette année 1997.

L'univers graphique de Louise Attaque

Manu : yes on l’a vue cet album a pris tout le monde de court, en tout cas les médias, mais il y a cette pochette iconique qui était absolument partout dans les supermarchés et chez les disquaires.

Fanny Giniès : Oui quand on s’intéresse un tant soit peu à la musique et qu’on est français, c’est vrai que la pochette de Louise Attaque nous est très familière. On l’a forcément déjà vue quelque part, à la maison, chez des amis ou dans les allées du Super U. Bref, tout ça pour dire qu’elle est méga populaire.

Moi je l’aime bien cette pochette, elle est sans prétention et pourtant super efficace. Sur le devant, on a un dessin tout simple au feutre noir sur une feuille de papier kraft, un visage en gros plan qui fait très Tim Burton avec de grands yeux écarquillés, un mention pointu et des cheveux en bataille, c’est très BD, très adolescent. On s’imagine qu’on aurait pu nous-même dessiner ça dans la marge d’une copie double au lycée. Enfin je sais pas vous, mais moi oui, je dessinais beaucoup à l’époque.

Manu : Et c’est qui ce personnage alors ?

Ce perso, c’est Louise, la Louise de Louise Attaque. Et l’album s’est vendu à tellement d’exemplaires comme l’a dit Olivia que ce perso est devenu l’emblème du groupe, c’est un visuel incontournable. Le portrait dessiné est entouré de bandes de couleur jaune et bleu ciel, avec un autre bout de papier kraft en haut sur lequel est écrit Louise Attaque en blanc. On dirait un peu un collage, un truc bricolé à la Michel Gondry.

Au dos de la pochette, toujours le même fond kraft avec la liste des morceaux et dans le côté droit un autre croquis de Louise représentée en pied cette fois-ci, avec un bébé dans les bras et un violon à la main.

Dans le livret de l’album, on trouve les paroles des chansons qui sont chacune illustrées par un petit dessin. Y’en a des très rudimentaires et d’autres qui sont plus travaillés, qui font plus illustration. C’est tout simple, je trouve ça assez touchant.

Manu : Oui et tous ces dessins, c’est le bassiste du groupe, Robin Feix, qui les a réalisés !

Exactement, on est jamais mieux servis que par soi-même ! J’aime bien l’idée, ça rapproche encore plus le groupe de ses références punk rock car dans le punk on fait tout à la mano, en mode Do It Yourself. Bon et puis de manière plus pragmatique, quand t’es un jeune groupe qui n’a pas de thune, bah c’est un peu le système D, soit tu te débrouilles tout seul, soit tu demandes un coup de main à tes potes.

Bref, pour l’anecdote, Robin Feix n’a pas juste signé une fois quelques dessins pour son groupe avant de disparaître, non il a une petite carrière d’illustrateur à côté de la musique. Il a fait par exemple les dessins de l’album « Le Soldat Rose 3 » et un roman graphique pour ados avec le critique des inrocks JD Beauvallet ! Ça s’appelle “Les aventures de Siméon à Londres” et ça parle de musique évidemment, ça a l’air chouette !

Bon, et je termine mon petit tour d’horizon sur la pochette avec le reste des crédits : les 2 photos qui illustrent le livret sont signées par Olivier Aubry, qui a aussi collaboré avec la Mano Negra et Zebda. Y’a une photo qui est sympa, on y voit une meuf assez rock avec une guitare en bandoulière, elle tient un enfant par la main, et aucun d’eux n’a de visage. Enfin pas de visage humain je veux dire, ils portent un masque en carton qui représente le personnage de Louise pour elle, et une sorte de smiley content pour lui. La photo est toute grattée et gribouillée, comme si le gamin s’était amusé à dessiner dessus. J’aime bien.
Et puis enfin, pour la conception graphique du disque, c’est le label Trema qui s’en est chargé.

Manu : Pour l’anecdote, Trema c’est le label avec qui Michel Sardou a sorti tous ses disques des années 70 à 90 ! Franchement, on sait pas si on doit leur dire merci ou pas !

Bon, oui cool cette pochette. Et tu nous dirais un mot aussi sur le clip de Ton invitation ?

Mais tout à fait, mon cher Manu. (T’as vu, je pique les répliques d’Olivia maintenant.)

D’abord on va s’en réécouter un ptit bout :

insert

Le clip de Ton invitation est réalisé par un mec pas trop dégueu, je dirais même un mec un peu classe. Un mec qui avait précédemment signé en 1997 les clips de « La nuit je mens » d’Alain Bashung et de « Comme elle vient » de Noir Désir. Un mec qu’on connait surtout pour son travail au cinéma, qui est multi-récompensé, on peut lister en vrac 3 Césars du meilleur réalisateur, une Palme d’or à Cannes, un Lion d’argent à Venise, un Bafta à Londres. Bref, c’est pas Jean-Michel Nulenréal.

Si je vous dit : De battre mon cœur s’est arrêté, Un Prophète, Dheepan, De rouille et d’os, vous me dites ?

Yep ! Jacques Audiard ! C’est marrant hein ? J’aime bien toujours voir le travail de grands réalisateurs sur des formats censés être plus simples et légers comme des clips musicaux. J’ai trouvé quelques lignes au sujet de son travail sur le single Ton Invitation dans le livre “Louise Attaque – Toute l’histoire” de Christophe Deniau.

« Pour Louise Attaque, (Audiard) met en scène un couple dont la lutte se transforme en combat de catch. L’image est volontairement floue, le scénario mince. Avec l’exercice du clip vidéo, le réalisateur désirait surtout retrouver la légèreté qu’il avait connue dans les années 70, lorsqu’il réalisait des films en super 8. Cela convenait parfaitement au groupe qui voyait en Jacques Audiard quelqu’un de proche de leur univers.»

Voilà, pas grand chose à ajouter à ce très bon résumé. J’ai pas envie de vous spoiler trop le clip si vous ne l’avez jamais vu. Je me suis juste dit au début que ça partait mal, avec le clip qui se fout sur la gueule, en mode heureusement qu’Audiard n’a pas réalisé ça pour Noir Désir, ça aurait été un peu chaud rétrospectivement. Mais le contrepoint humoristique avec le catch arrive vite derrière, ça désamorce la pesanteur du sujet. L’image a un peu vieilli, on est bien connotés nineties mais c’est une vidéo sympa à mater, je vous laisse vous faire une idée par vous-même !

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Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “