Skip to main content
EN QUELQUES MOTS

Dans cet épisode on raconte l’histoire géniale des Daft Punk et de “Homework” leur premier album, qui contient les titres fondateurs “Burnin’”, “Around the world” et bien sûr “Da Funk”…

C’est une pierre angulaire des musiques électronique et surtout un tournant crucial dans l’histoire de la pop music. Aujourd’hui nous allons voir comment deux petits frenchies ont réussi à imposer la techno sur la bande FM, avec un son brut et minimaliste qui allait retourner le circuit de la grande consommation, sans aucun compromis.

Pour célébrer cet album, on a voulu faire les choses en grand. Radio K7 s’associe avec le podcast Ecoute ça ! qu’on adore pour une collaboration complètement inédite :
— En Face A, Radio K7 retrace l’histoire de Homework,
— En Face B, Ecoute ça analyse dans le détail les 17 titres de l’album.

La suite de l’émission vous pourrez donc aller l’écouter chez Dam d’Ecoute ça : https://podcast.ausha.co/ecoute-ca

Écouter · Écouter · Écouter · 

Écouter · Écouter · Écouter · 

Écouter · Écouter · Écouter · 

Disponible sur :

Retour en 1997

Voilà pour les 16 titres de Homework ! C’est le 1er album des Daft Punk. Il sort le 20 janvier 1997 sur le label Virgin chez EMI, en Vinyle, CD, Cassette et même en mini-disc ! — Je vous passe mon couplet là-dessus, mais c’était la révolution à l’époque. On a failli appeler ce podcast “Radio Mini Disc” d’ailleurs 🙂 — Voilà Homework c’est un gros succès commercial et une grande première pour un album de house ou de techno : il se vend à plus de 2 millions et demi d’exemplaires dans le monde. A partir de ce moment là, le monde entier commence à s’arracher tout ce qui touche de près ou de loin à la french touch. Les Daft vont entraîner dans leur sillage Etienne de Crecy, Air, Cassius et bien sûr le projet parallèle de Thomas Bangalter : Stardust, mais ça c’est un autre histoire. Tous leur doivent quelque chose.

Faut bien se rappeler qu’en 19 cent 97 c’est le règne des boys bands, de Ricky Martin et Gala ; c’est aussi les débuts de l’émission Graine de Star présentée par Laurent Boyer. Au cinéma on va voir Didier ou Space Djaim (moi je disais Space Jâme).

La story de Daft Punk

Manu : On va vous raconter maintenant la story de cet album, elle commence sur les cendres d’un petit groupe de rock, tendance shoegaze, qui s’appelle Darlin’…

Olivia : Absolument mon cher Manu ! Mais on va remonter un tout petit peu dans le temps :

Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Hornem-Christo se rencontrent en 1987, en 4e, sur les bancs du collège Carnot à Paris.
Fun fact : c’est aussi là où se sont rencontrés JL Aubert et Louis Bertignac 20 ans plus tôt !

A 15 ans : ils décident de monter un groupe de rock, qu’ils appellent « Darlin’ » (en référence à la chanson des Beach boys) !

INSERT — beach boys

Alors ça c’est juste parce que ça m’éclatait de mettre les Beach boys dans l’épisode Daft Punk. Voilà !

Et vous savez qui est le 3e de la bande ? : Laurent Brancowitz, futur guitariste de Phoenix ! Apparemment il aurait juste répondu à une petite annonce dans un magasin de musique et là, coup de foudre amical.

Un disque sort à 1000 exemplaires. Un magazine anglais Melody Maker en fait une chronique : It’s « daft punky » (littéralement : du punk idiot)… Cette histoire de punk idiot, ça va les travailler apparemment…

Le groupe fera quelques petits concerts puis se séparera assez naturellement sans raison particulière.

1992 : ils ont 18 ans. Ils assistent à leur première rave sur le toit de Beaubourg avec vue sur tout Paris. Ils découvrent la house de Chicago, la techno de Detroit – qui va changer le cours de leur existence.

Ils commencent à aller dans les clubs à Paris mais ont du mal à entrer (1 fois sur 3). Les raves, c’est plus facile.

Guy-Manuel de Homem-Christo (lu par Grégoire)

« Les premières soirées de ma vie m’ont marqué à jamais. Quand tu arrives devant l’entrée, tu restes dehors dans le froid et tu entends les vibrations rythmiques, le boom-boom qui sort de la salle, c’est le plus grand des frissons (…) ce boom boom, c’était une autre monde ! »

Il y a dans les raves une énergie, une innocence, une liberté que l’on ne trouve plus selon eux dans dans les concerts de rock.

Et autre prise de conscience fatale : dans les concerts de rock, les filles sont moches ! Eux, ils veulent Kate Moss en backstage !

Manu : Tout ça c’est pour choper des meufs, en fait !

Bah un peu comme tous les mecs qui font de la musique, mon cher Manu ! Non ?

Donc, ils délaissent leur guitare, s’achètent quelques machines et s’enferment dans la chambre de Thomas chez ses parents, qui est du coup transformée en studio.

Et puis, il y a la soirée qui change tout :
Fin août 1993, une rave immense organisée pas loin d’EuroDisney, avec une programmation jamais vue en France. La soirée se passent dans plusieurs tentes, comme dans les festival en Angleterre. Ils réussissent à passer une K7 de leur premier morceau « New Wave » aux Écossais du label Soma. Ils adorent, ils en veulent plus.
Problème : il n’avait encore que ce morceau !

Ils se remettent au travail et sortent quelques mois plus tard le premier maxi de Daft punk.

En 1994, en France la techno est encore un sous-genre un peu honteux que les rockers regardent de haut. C’est encore très underground.

Mon cher Manu, je voudrais bien d’ailleurs que l’on écoute un petit reportage de canal+, diffusé dans l’émission”C’est pas le 20h” en 1996.
Ils nous parlent de la techno comme si c’était la musique du diable .

INSERT — reportage

“fusionné avec un poutre” … j’arrive même pas à m’imaginer ce que le journaliste a voulu dire ! C’est censé être un truc sexuel ?
“Oh mon dieu, ils font des choses avec des poutres !”

En tout cas dans ce petit reportage, les Daft ont à peine 20 ans et apparaissent à visage découvert. Mais ca ne va pas durer longtemps…

On est dans une culture du groupe caché, de l’anti-héros, de l’anti-star. Le modèle, c’est Underground Resistance (un label pionnier de Detroit connu pour son combat contre les majors, dont certains fondateurs jouent masqués en live). À la limite, moins les groupes vendaient de disques, mieux c’est !

Daft Punk tourne pas mal, fait des lives et commence à se faire remarquer.

Une rencontre aussi va accélérer les choses, celle de Pedro Winter : connu pour ses soirées Hype au Folies Pigalle, puis au Fumoir de la discothèque Le Palace grâce à Cathy et David Guetta. Il invite régulièrement les DJ du moment à ces soirées. Il rencontre les Daft lors d’un concert à Londres. Ils se revoient à Paris et les Daft lui proposent de devenir leur manager. C’est lui notamment qui amène le duo vers cette tendance à l’ « anti-star system», privilégiant un certain anonymat.

Le 2e maxi arrive en mai 1995 : « Da Funk », sorte de manifeste fondateur.

« Da Funk » est un détonateur. C’est le tube qui les révèle à la scène électro.
Ils entament une tournée d’un an. Ils jouent dans toutes les raves d’Europe et passent en 1e partie des Chemical Brothers (qui crient partout qu’ils sont leurs plus grands fans). Les maisons de disque commencent à comprendre qu’il se passe qqchose (2 ans plus tôt, on se moquait de leur rock).

« Da Funk » s’est d’ailleurs classé 8e de la liste des 50 morceaux qui ont marqué l’histoire de la dance music par le mensuel anglais Musik.

Thomas dans Les Inrockuptibles (Lu par Fanny)

“On a joué à In The City, à Manchester. Toute l’industrie du disque était là, on a fait un concert qui a déchiré ! Là, tout a basculé. Les fax arrivaient les uns après les autres, toutes les maisons de disques anglaises se manifestaient. Tout le monde voulait nous signer”.

Mais les Daft veulent finir le disque avant de signer, histoire d’être en position de force et d’éviter toute intrusion de la maison de disques dans le processus de création.

Manu : Anecdote

Ce sens de l’intégrité artistique des Daft a toujours étonné les professionnels de l’industrie musicale. Ils la doivent peut-être au père de Thomas, Daniel Vangarde, ancien producteur de groupes de variétés comme… Sheila ou La Compagnie Créole !
… Nous je vous refais pas le coup de l’insert cette fois

INSERT — Compagnie créole

Ah bah si, en fait ! On va se faire détester !

Été 1996 : l’album est pratiquement prêt.
Reste à savoir chez qui ils vont le sortir. Suspense !
Tous les managers sont au taquet. Pour les négo, les Daft font appel à un avocat anglais habitué aux maisons de disques. Virgin va tout faire pour les séduire. Ce qui est tout à fait exceptionnels quand on sait qu’à ce moment-là les Daft n’ont que 20 ans et qu’ils n’ont sorti que deux maxis vendus à quelques milliers d’exemplaires sur un label indépendant écossais.

Ils choisissent Virgin donc, une major. Certains prendront ça pour une trahison. Mais pour eux, au contraire, c’est l’opportunité de populariser une musique encore très marginale. Le fait de pouvoir faire avancer les choses plus vite.

Début 1997, quelques jours avant la sortie du disque, le groupe fait en sorte que 500 exemplaires vinyle de l’album soient disposés chez des disquaires triés sur le volet. Sans aucune publicité, le disque a été écoulé en 2 jours grâce au simple bouche à oreille. Daft Punk est alors au cœur d’un buzz énorme, qui dépasse le cercle des initiés electro. “Da funk” tourne en boucle sur toutes les radios. Le premier album du duo est attendu comme une mini révolution.
Et pour la promotion, ils font monter la sauce : ils décident de ne pas montrer leurs têtes dans les journaux. Sur toutes les photos de presse, ils portent des masques. Forcément ça excite les médias !

C’est un énorme succès, les français deviennent les rois de l’électro mondiale !
Les quatre singles extraits de Homework sont accompagnés de vidéos signées par des grands noms : Spike Jonze, Michel Gondry, Seb Janiak et Roman Coppola.

Pourtant la critique n’est pas que tendre : on leur reproche d’avoir signé une major. Thomas Bangalter dira aussi dans une interview aux Inrocks que Toni Braxton (le single du moment) c’est super et que Georges Michael est un “formidable song writer”. A force de ratisser large, on leur reproche de vouloir faire trop populaire, le trop grand écart ne passe pas. La côté à la fois du branchouille et à la fois commercial ne passe pas.

Ca ne va pas freiner l’ascension des Daft, la machine est en marche!
Le disque va se vendre à plus de 2,5 millions d’exemplaires, dont 640 000 exemplaires aux Etats-Unis et 350 000 exemplaires au Royaume-Uni.
L’album sera commercialisé dans 35 pays. Et devient disque de platine en France.

Homework est un album fédérateur, à la fois branché et commercial. Il va devenir un disque étalon pour la génération rave. Il aura aussi le mérite de rallier les plus réfractaires aux son électro.

Manu : L’histoire est incroyable. Les mecs savent exactement ce qu’ils veulent, leur plan est super calculé. En fait il font un coup en trois temps. La sortie de Da Funk en 1995 sur un label anglais qui lance la hype, la tournée avec le parrainage des Chemical Brothers, et un retour au calme en 1996 pour un finir un album en 1996 que tout le monde s’arrache déjà.

Mais le plus fort dans tout ça c’est qu’ils ont créé un nouveau modèle pour les artistes après eux, en choisissant celui de l’indépendance au sein d’une major !

Le making-of de "Homework"

Manu : On va se pencher un peu sur le making of de Homework, un disque qui comme son nom l’indique a été produit à la maison Grégoire, c’est bien ça ?

Grégoire : Homework, c’est le triomphe du Home studio et du do it yourself, l’album a été enregistré, on pourrait dire bricolé, dans la chambre de Thomas Bangalter chez ses parents à Montmartre, une chambre d’environ 10 mètres carrés débarrassé de son lit pour faire de la place. Le matériel utilisé est lui aussi relativement basique même s’il fait partie de la panoplie de nombreux producteurs de hip hop et de DJ de l’époque : un clavier Juno 106 que l’on entend notamment sur Rollin and scratchin’, un sampleur, un séquenceur ou encore plusieurs boites à rythmes de la marque Roland dont la légendaire TR 909 au grain caractéristique et qui a inspiré sur Homework le titre Révolution 909…

Autre élément important du dispositif, le célèbre minimoog, clavier des années 70 qui fait encore référence aujourd’hui et qui permet de jouer sur les fréquences du son, je vous le fais écouter ici sur le multi piste de Da Funk, c’est ce mini Moog qui sert à composer les mélodies cradingues du morceau.

INSERT — Mini moog

On l’a vu le matériel utilisé pour Homework est assez simple surtout quand on le compare aux albums qui vont suivre, en revanche Homework a bénéficié d’un mixage analogique de qualité, le groupe a pu notamment compter sur l’aide du père de Thomas Bangalter, Daniel Vangarde, gros producteur de variétés des années 70 et 80 qui leur a mis à disposition une excellente console de mixage ou encore des enregistreurs à bande, du matériel lui très coûteux, plutôt loin du mythe d’un Homework réalisé avec trois bout de ficelle.

Le disque a été enregistré en cinq mois au début de l’année 1996, seulement 8 heures par semaine, en fait le duo explique que le son qu’il recherchait était déjà là, ils avaient déjà sorti plusieurs singles et avaient beaucoup de matériel disponible donc ils n’ont pas eu énormément à travailler. Le son de Homework fait se rencontrer la culture rave underground et le groove imparable du disco et de la G Funk, un sous genre du hip-hop, le tout passé au filtre du rock n roll dont les deux compères ont été abreuvé durant leur adolescence.
Sur Homework, les Daft Punk ne cachent d’ailleurs rien de ses influences multiples en citant les musiciens qui les ont aidé à faire leurs devoirs sur le morceau Teachers…

INSERT — teachers

On entend au vocodeur « Paul Johnson ! DJ Funk ! DJ Sneak ! DJ Rush !, eux ce sont héros de la ghetto-house de Chicago, un sous-genre, cousin du hip-hop, mais sont aussi cités aussi Dr Dre, Georges Clinton, le leader de Funkadelic ou encore Brian Wilson des Beach Boys

En studio, le duo se complète parfaitement ; Thomas Bangalter joue le rôle du geek celui qui met les mains dans le cambouis, gère les samples, connaît par coeur le manuel des machines, tandis que Guy Manuel est un peu plus en retrait, il valide les choix esthétiques et est spécialisé dans la partie visuelle, cependant les deux Daft Punk savent jouer de plusieurs instruments, savent composer avec un sens aigu du hit et de la mélodie, et bien sûr chanter avec ces voix passées au vocodeurs devenues leur marque de fabrique.

Manu : Tu parlais des samples, c’est vrai qu’il y a en a beaucoup dans cet album, même s’il ne sont pas vraiment crédités…

Il y a beaucoup de citations musicales dans cet album qui est une déclaration d’amour à la culture populaire américaine, à la soul et au disco notamment. Sur Homework, Daft Punk utilise régulièrement un court extrait d’un titre qu’ils vont remanier en modifiant la tonalité et la vitesse et qu’ils vont ensuite boucler pour en faire un élément rythmique. Premier exemple avec le Hot Shot de la reine disco Karen Young utilisé pour le titre Indo Silver club

INSERT — Karen Young

Parfois, les Daft Punk utilisent des boucles hyper courtes, cela peut être assez difficile au final de faire le lien entre le morceau original et la version de Daft Punk, ici Elton John et Kiki Dee, Dont’go beaking my heart bien maltraité par le duo pour créer le morceau Phoenix

INSERT — Elton John

Il arrive aussi que plusieurs samples soient à l’origine d’un même morceau, écoutez Bar Kays, groupe de soul américain qui a notamment accompagné Otis Redding, le morceau s’appelle Freaky Beahvior :

INSERT — Bar Kays

Ajoutez à cela, la super ligne de basse qui défonce tout, il s’agit de Down to love Town, hit disco de 1976, du groupe the originals, et vous obtenez le titre Burnin’ sur l’album

INSERT — The Originals
INSERT — Burnin

Manu : Wow c’est génial je connaissais certains samples, mais je ne l’ai jamais entendu comme ça ! Ce disque est incroyable, c’est vraiment un pilier de la musique électronique…

Hyper important parce que c’est le début de la démocratisation du Home Studio, une manière de renouer avec l’esprit punk et sa spontanéité, l’idée que les limites techniques peuvent servir à créer quelque chose de nouveau, hyper important aussi parce que Daft Punk en maîtrisant de A à Z sa musique et sa communication rebat les cartes des relations entre artistes et major du disque, ce sera un vrai cas d’école d’ailleurs notamment pour des artistes de hip-hop, hyper important enfin parce qu’avec Homework le duo va mettre en orbite toute la French Touch et que les Anglo-saxons vont arrêter de se foutre de notre gueule, et rien que pour ça, merci Daft Punk. 

L'univers visuel de Daft Punk

Manu : Alors ma chère Fanny, c’est maintenant qu’on parle un peu de l’univers du groupe, et là t’as dû t’éclater parce que pour les Daft la musique a toujours été accompagnée de bonnes grosses stratégies de comm’. Guy-Man a fait les beaux-arts, Thomas des stages en vidéo, très vites les mecs veulent créer un artwork bien à eux, et garder un contrôle absolu sur tout ! Sur leur pochette, dans les clips et même en promo…

Fanny : C’est exactement ça ! Il faut savoir qu’à l’époque, le groupe a déjà une idée très précise de l’image qu’il souhaite véhiculer et s’il faut attendre encore quelques années avant que les casques de robots ne fassent leur apparition, en 1997 sur les photos de promotion de l’album, Thomas et Guy-Man apparaissent le visage peint ou couvert de mousse à raser ou d’un collant ou autres accessoires destinés à masquer leurs visages. Ils sont déjà dans une réflexion importante liée à la communication du groupe, et la pochette d’Homework va leur donner une première occasion d’exprimer leur identité. Cette pochette a été réalisée par un copain à eux, le directeur artistique Serge Nicolas, qui vient à l’époque de fonder le magazine ‘Magic, revue pop moderne’ et avec lequel ils ont déjà collaboré sur leur premier maxi ‘The New Wave’ paru sur le label écossais SOMA. C’était un moyen pour les Daft Punk de le remercier car c’est grâce à lui qu’ils avaient décroché le contrat avec ce label. Quand ils le contactent pour travailler sur Homework à vrai dire ils savent déjà exactement ce qu’ils veulent et ont préparé tout le concept. Le D.A. dit dans une interview d’ailleurs qu’il n’a « fait que les aider à réaliser le projet en apportant son expérience de graphiste et quelques petits conseils techniques. »

Le concept pour la pochette est simple : rendre hommage à la musique qui les a nourris, c’est à dire le rock, et ainsi prendre le contre-pieds de ce qui se faisait dans l’univers de la techno où l’imagerie est plutôt futuriste. Le groupe ambitionne de faire de sa pochette un classique donc il faut que ça soit simple et efficace. On y voit en gros plan le logo du groupe transformé en patch et cousu sur un morceau de satin noir, qui est sans doute le dos d’un blouson bomber. L’anecdote marrante c’est qu’en regardant le documentaire « Daft Punk Unchained » de la BBC sorti en 2015, on voit des images de lives datant du début des 90s et à plusieurs reprises Thomas et Guy-Man portent un blouson en satin noir du Caesar’s Palace de Las Vegas ! Donc là ils reprennent ce code vestimentaire qu’ils estiment cool et le customisent à leur sauce, c’est à dire avec leur propre logo dessiné par Guy-Man qui fait alors des études d’arts plastiques.

Sur la double jaquette intérieure on a l’impression de rentrer dans le blouson dézippé qui dévoile la photo d’un bureau d’ado avec plein d’objets posés dessus. C’est le photographe Nicolas Hidiroglou qui a pris toutes ces images et il en explique les coulisses dans une interview donnée au site 909 Originals : « Pour l’intérieur de la pochette, tout avait été arrangé par Thomas dans son appartement. Je suis allé chez lui, j’ai rencontré son père – qui avait été un gros producteur de musique dans le passé – et ensuite on est allés dans la chambre de Thomas. Il avait tout préparé sur son bureau, exactement de la manière dont cela apparaît dans l’album. »

Ce bureau n’est donc pas exactement en bordel, mais au contraire chaque objet présent a été soigneusement sélectionné pour sa charge culturelle ou émotionnelle, on peut voir par exemple: un poster du groupe Kiss, des autocollants de Led Zeppelin, des Beach Boys et des Who, des portraits de Thomas et Guy-Man enfants, un jeton de la boîte de nuit le Rex Club, un globe-terrestre, un vinyle du groupe Chic, un exemplaire de Playboy, un tourne disque, quelques cassettes, des crayons et un bic posé à côté d’un cahier d’écolier sur la couverture duquel est écrit à la main le petit mot « Homework » !

Manu : J’adore c’est vraiment un truc d’ados. C’est comme quand tu disais à tes copains au collège “hé tu viens voir ma chambre !? Et t’es trop fier parce que t’as un super poster du film Les Visiteurs et plein de super cédés.” En fait là, les Daft, ils sont en train de mettre en scène toutes leurs influences.

Oui tout à fait, et le coup du globe terrestre ça peut signifier aussi « Coucou c’est nous qu’on va conquérir le monde avec de la musique fabriquée dans notre chambre » !

Manu : D’ailleurs j’ai un peu geeké et je suis tombé sur un mec qui s’est lancé comme défi il y a un an de recréer cette pochette uniquement avec des pièces originales ! Alors il a déjà trouvé les magazines, les disques et les pochettes, mais pour le reste il galère vraiment. Allez voir, suivez-le sur Reddit, il s’appelle Derpus Draconis et il aime bien les Daft j’ai l’impression 🙂

La pochette super léchée, c’est d’ailleurs la première étape de ce plan de conquête mais ils vont rapidement enfoncer le clou en s’adjoignant les services de jeunes réalisateurs pour réaliser leurs clips, à l’époque juste un peu hype mais reconnus depuis comme de véritables maîtres du genre. Si je vous dit Roman Coppola, Spike Jonze, Michel Gondry, c’est pas des noms trop dégueu n’est-ce pas !

Sur les 4 clips sortis en marge de l’album Homework, je vais m’attarder sur les 2 qui ont le plus marqué l’histoire et les esprits. Le premier c’est le clip de « Da Funk » sorti en 1997 et réalisé par l’américain Spike Jonze. Entre 92 et 97, ce dernier a réalisé une trentaine de clips dont le plus célèbre est sans aucun doute celui d »It’s oh so quiet’ de Björk (1995), mais je pourrais citer aussi Buddy Holly de Weezer (1994), The Diamond Sea de Sonic Youth (1995) ou Sabotage des Beastie Boys (1994)… Jonze a aussi fait carrière dans le cinéma puisque c’est lui qui signe les films Dans la peau de John Malkovich (1999) ou encore Her (2013) avec Joaquin Phoenix pour lequel il a gagné l’oscar du meilleur scénario. Merveilleux film d’ailleurs, si vous l’avez pas vu ! Là, pour Daft Punk, il va sortir du cadre habituel du clip et produire carrément un court-métrage en 16mm, titré « Big City Nights » dans lequel on suit le cheminement nocturne d’un garçon appelé Charles, à travers la ville de New-York. Le pauvre a une jambe dans le plâtre et une tête de chien Saint-Hubert avec de grandes oreilles et des yeux tristes. Et donc on suit cet homme-chien qui se promène et la 1ère chose notable c’est la disparition de l’artiste à l’écran puisqu’à aucun moment on ne voit ou ne suggère même la présence de Daft Punk. A la place justement il est déjà question d’un homme masqué… et la 2ème chose hyper intéressante c’est le traitement de la musique, qui parfois couvre tout le reste comme dans un clip traditionnel, et d’autres fois est utilisée de manière intradiégétique, c’est à dire intégrée à la narration puisqu’au milieu des bruits urbains et des dialogues on entend Da Funk en fond sonore, diffusé par un ghetto-blaster que Charles tient à la main. Je vous passe les détails du scénario mais il lui arrive tout un tas de péripéties, c’est vraiment construit comme une fiction et le résultat est très cool en plus, ce qui a évidemment tapé dans l’œil de MTV qui a diffusé la vidéo en boucle pendant des mois.

Manu : Juste le temps pour Daft Punk de travailler sur un 2ème clip avec un autre réalisateur dont le talent en la matière a fait date, puisqu’il s’agit du français Michel Gondry !

Alors pareil, Gondry au début des années 1990 c’est une valeur montante : Je danse le MIA (1993), c’est lui ; les clips de Lenny Kravitz, Massive Attack, Björk, Neneh Cherry, c’est lui aussi et la liste est longue. Comme son copain Spike, il a gagné un Oscar du meilleur scénario pour son Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) ! Jusqu’ici, on peut dire que Daft Punk fait un sans faute et sait très bien s’entourer ! Mais dis nous, Michel, au fait pourquoi t’as eu envie de faire le clip d’Around the world ?

INSERT — Gondry

Bon le clip d’Around the World, il est culte donc vous l’avez forcément déjà vu, c’est super coloré avec des dizaines de personnages costumés en train de danser. L’idée de Gondry pour ce clip, c’est de créer une chorégraphie géante et de faire incarner chaque instrument du morceau par différents personnages qui selon lui correspondent le mieux au son qu’on entend. Dans le morceau, on a 5 ingrédients : la basse, la batterie, la guitare, le synthétiseur et le vocodeur.

La ligne de basse est représentée par des athlètes super balèzes avec une toute petite tête, le rythme de batterie est représenté par des momies, les guitares sont des squelettes, le synthé c’est des discogirls retro et glamour, et le chant vocoder comme tu as une voix de robot, bah c’est des robots ! Le décor montre une piste de danse en forme de disque vinyl, avec des podiums à l’intérieur.

Les différents personnages sont au départ cantonnés à un espace bien précis dans cette scéno, les uns sur les marches, les autres sur un plot ou sur le disque et puis vers la fin ils sont quasiment tous ensemble. C’est complètement génial une fois qu’on a compris le truc d’essayer de regarder séparément chaque perso et comprendre la manière dont les mouvements font écho au rythme. D’ailleurs pour la danse, Michel Gondry a fait appel à la chorégraphe espagnole Blanca Li et c’est très réussi, hyper ludique, hyper bien trouvé en même temps. Franchement ce clip est trop cool. On notera aussi pour terminer que c’est la première fois dans l’univers de Daft Punk que la figure du robot apparaît ! En interview, Gondry ne se rappelle plus si c’est lui qui a eu l’idée ou si c’est Thomas et Guy-Man qui l’avaient suggéré mais toujours est-il qu’à partir de la sortie de l’album Discovery en 2001, les Daft Punk apparaîtront exclusivement déguisés en robots, et pour terminer en beauté, j’ai dégoté un extrait d’interview où ils expliquent le pourquoi de leur transformation !

INSERT — story robots

Manu : Aujourd’hui c’est le groupe le plus connu au monde mais personne ne leur dit bonjour dans la rue ! ahah

À PROPOS DE RADIO K7 PODCAST

Chaque mois dans Radio K7 on discute d’un album avec mes copains autour d’une table, parfois avec des invités comme Pénélope Bagieu ou Nicolas Berno. Il y a des chroniques et des débats, on s’interroge sur l’histoire du disque : comment il a été produit, ce qui a fait son succès, et puis finalement ce qu’on a envie d’en retenir 20 ou 30 ans plus tard.

Le 5 janvier 2020, Radio K7 est devenu le premier podcast indépendant sur la musique en France au classement Apple Podcast !

« On veut redécouvrir les 90s, apprendre des trucs et se marrer. »

Manu, Fanny, Olivia et Grégoire

“ Le but de ce podcast c’est de redécouvrir la bande-son des nineties. Parce que c’était celle de notre adolescence, qui a marqué toutes nos premières fois. C’était une période où la musique a commencé à prendre une grande place dans nos vies, avec les groupes qui ont forgé notre identité mais aussi nos plaisirs coupables. “